D’un accord d’étape à un accord régional!
Un point de presse s’est tenu le 20 Août 2016, au siège du ministère de la Communication, avec pour objectif clarifier les multiples incompréhensions que ledit Accord a suscité au sein de l’opinion publique.
C’est un panel bien fourni et bien outillé qui s’est présenté à la presse ce vendredi. Il était constitué du ministre hôte, celui de la Communication (MINCOM), Issa Tchiroma Bakary, du ministre du Commerce (Mincommerce), Luc Magloire Mbarga Atangana, du ministre des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Economie Sociale et de l’Artisanat (MINPMEESA), Laurent Serge Etoundi Ngoa. L’on notera aussi la présence de certains experts, entre autres, la Coordinatrice pour le Bureau de mise à niveau des Entreprises, un expert Avocat en Droit des Affaires et un expert en Négociation Commerciale, un expert en Douanes et un expert en Fiscalité intérieure pour le ministère des Finances (MINFI)et le ministère de la Planification et l’Aménagement du Territoire (MINEPAT), pour ne citer que ceux-là. La séance a commencé par le propos liminaire du MINCOM, suivi des échanges avec la presse.
CE QU’IL EN EST VÉRITABLEMENT
Tant en anglais qu’en français, les mots introductifs du M. Issa Tchiroma Bakary n’ont pas perdu de leurs poids. Se replongeant dans la genèse, il a précisé que l’Accord dont il est question, signé le 03 août dernier par le Cameroun, ratifié par ce dernier le 22 Juillet 2014, puis notifié à l’Union Européenne le 25 juillet de la même année, n’est qu’un Accord d’étape par rapport à l’Accord de Partenariat Economique pris dans sa globalité et dont le but est d’impliquer les pays de la sous-région Afrique Centrale à l’Union Européenne. Cet accord bilatéral s’inscrit dans une démarche stratégique des intérêts nationaux, dans l’optique de préserver un accès préférentiel de nos produits sur le marché européen en attendant la conclusion d’un accord régional complet. Les Conventions de Yaoundé I et II, respectivement de 1963 et 1969, ainsi que les quatre conventions de Lomé signées entre la Communauté Economique Européenne, puis l’Union Européenne, et les pays d’Afrique, Caraïbes et du Pacifique (ACP), n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de politique et de développement économique, de diversification de la production et d’augmentation du commerce que s’étaient fixés les parties prenantes. L’Accord de Partenariat de Cotonou signé le 23 juin 2000 avait pour but de remédier à ces insuffisances, mais aussi contribuer à la paix, à la sécurité et à la stabilité politique et démocratique des pays ACP. L’année 2007 marquant la fin de nouvel accord, l’Union Européenne ne pouvait plus, dès 2008, accorder aux pays ACP un accès préférentiel unilatéral. C’est la raison pour laquelle un nouveau cadre de coopération commerciale s’imposait, avec pour élément nouveau que ce dernier réponde aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. C’est ainsi donc qu’à l’issue de plusieurs débats entre les deux parties, des préférences réciproques ont été mises en place, avec la non-obligation pour l’Union Européenne (UE) d’étendre ces préférences à l’ensemble des pays en développement.
Garder un accès préférentiel des produits en provenance du Cameroun, à destination des pays de l’UE : voilà ce qu’a déjà permis cet accord depuis 2008. A échéance, le Cameroun accepte en contrepartie, l’ouverture de son marché intérieur à concurrence de 80% des importations en provenance de l’UE. Afin de protéger certaines industries, et minimiser les pertes fiscales dues à la levée des barrières douanières, 20% des produits restent totalement exclus de la libéralisation. Trois groupes de produits sont notamment concernés. Le premier est celui des « produits à libéralisation rapide », libéralisation prévue sur quatre ans; il inclut les médicaments, les livres, les semences ou encore les reproducteurs d’animaux. Le deuxième groupe est celui des « produits à libéralisation lente », dans le but d’encourager la production locale ; il inclut les machines et autres biens d’équipements, les produits semi-finis, les autres matières premières, les machines et les équipements mécaniques (équipements agricoles, machines et équipements électriques ou encore pneumatique). La libéralisation de ces produits se fera sur une période de sept ans. Le troisième groupe est celui des « produits à libéralisation très lente », dans le but de protéger la production locale, mais aussi la non-incidence sur les recettes fiscales ; il comprend les matériaux de construction, le clinker, le blé dur, les matières en caoutchouc, les produits dérivés du bois ou encore les articles de ménage. La libéralisation des produits de ce dernier groupe s’étalera sur dix ans.
Des clauses relatives aux taxes à l’exportation ainsi que la clause de la nation la plus favorisée ont été abordées. S’agissant de celles relatives aux taxes à l’exportation, il est stipulé que les parties ne pourront plus en créer de nouvelles ou augmenter le taux de celles existantes, sauf en cas de risques de non-équilibre des finances publiques ou pour les besoins de protection de l’environnement. Quant à la clause de la nation la plus favorisée, elle prescrit au Cameroun d’accorder à l’UE tout traitement plus favorable qui pourrait résulter du fait que le Cameroun devienne partie à un accord d’intégration économique avec un partenaire commercial majeur ; c’est-à-dire, un pays développé ou un groupe de pays ayant une part des échanges commerciaux mondiaux supérieure à 1% et 1.5% respectivement.
Quant aux opportunités de cet accord, le MINCOM a précisé que la libéralisation des échanges est source de développement, réduit les coûts des échanges et accroît les opportunités de performances des entreprises. La levée des barrières douanières augmentera la production et accroîtra les exportations. L’on assistera à une baisse de 3.5% des prix des importations, avec pour conséquences la réduction des coûts de production due à l’acquisition bon marché des intrants, des équipements importés ainsi que la baisse du prix des produits locaux.
Afin de profiter pleinement de ces différentes opportunités, le Cameroun a mis en place une stratégie à trois axes d’intervention : le renforcement des capacités d’offre à travers le Bureau de mise à niveau des entreprises ; car d’après les statistiques, « 99% de nos PME et PMI sont dans le besoin de mise à niveau, de diagnostic et d’accompagnement », selon Laurent Serge Etoundi Ngoa, MINPMEESA ; le développement des capacités d’exportation ; les réformes fiscales et institutionnelles liées à la mise en œuvre de l’APE.
SÉANCE DE QUESTIONS-RÉPONSES
C’est au tour « des personnes qui ont de la matière, qui comprennent ce qu’il en est et qui sont de bonne foi », selon le MINCOM, de faire leur entrée en scène. Alain Belibi, modérateur en la circonstance, a annoncé le second round de cette rencontre. Un des experts a apporté des éléments de réponse à cette question du journal Signatures, qui s’interroge sur la méthode restrictive de l’ouverture du marché camerounais à l’extérieur, qui est de 80/20. Rappelant qu’au vu de l’Art. 24 du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) de 1994, il s’agit ici d’une libéralisation asymétrique ; et que depuis 2007, aucun pays ACP n’a eu un taux de libéralisation de moins de 80%. Il était donc logique que le Cameroun s’y fasse à cette idée. Le ministre du Commerce a quant à lui, poussé la réflexion plus loin. Il a montré que c’est un marché de plus 512 millions de consommateurs qui se présente à nous, comprenant la sous-région Afrique Centrale ainsi que l’UE ; mais que cela ne nous oblige pas à importer. D’ailleurs, des clauses de sauvegarde sont clairement spécifiées s’il arrive qu’une marchandise ne respecte pas les conditions édictées (stopper le démantèlement et arrêter l’importation). Il s’agira donc, suggère le MINPMEESA, d’accroître le niveau de compétitivité de nos PME/PMI afin de booster la consommation interne et par voie de conséquence la croissance. Il invite les promoteurs à s’inscrire dans le cadre de la modernité, renforcer leurs capacités managériales, bref de toutes les ressources incluses dans le processus de production. Les efforts faits par le chef de l’Etat dans la promotion de l’entrepreneuriat, à travers un programme national d’incubation, avec des incubateurs d’entreprises dans les écoles supérieures suivantes : Ecole de Binguela, Ecole Supérieure Polytechnique, Université de Dschang ainsi que dans d’autres universités privées, prouvent que « son seul souci, est la prospérité de son pays ».
Cette autre question du journal Mutations, qui pose le problème de la non-concertation de l’opinion publique au travers d’un référendum, rappelant que 10 ans de débats pour adopter cet accord ont engendré des incompréhensions au sein de l’opinion. En réponse à cette question, le MINPMEESA a reconnu qu’effectivement, le gouvernement est au courant de cet état de choses. Mais qu’il s’agit ici d’une mise en place graduelle de l’Accord, le démantèlement au rendez-vous de l’an 2029, il s’agira de convaincre les Camerounais du potentiel de produire davantage en vue de conquérir ce marché qui nous tend la main. Le Mincommerce a pour sa part ajouté que l’on devrait quitter d’une fiscalité de porte (essentiellement les revenus douaniers) vers une fiscalité intérieure. Ce qui veut dire que, dans les jours avenirs, l’on s’attendrait à ce que la TVA par exemple, ait dépassée largement les seuils fixés, tel que le fait la Douane actuellement. Il a rappelé aux Camerounais de se poser non pas la question de savoir ce qu’on perd ‘en termes de fiscalité), mais plutôt ce que l’on gagnera sur le développement des industries, suites à la baisse du prix des importations.
S’agissant « des déchets » clairement stipulés dans l’Accord, le Mincommerce a clairement fait savoir qu’il ne s’agit nullement de déchets au plein sens du terme, mais de lignes tarifaires ; et qu’en aucun cas, un pays qui se respecte, ne pourrait inonder son territoire avec ce genre de produits. Le Cameroun n’a donc subi aucune pression que ce soit, tant extérieure qu’intérieure. Pour le cas de la non-solidarité avec la Cemac dans le cas de la signature de cet accord, le ministre L. M. Mbarga Atangana a répondu qu’il ne s’agit en aucun cas d’une trahison, mais d’une perche tendue vers les autres pays membres de la Cemac.
A l’issue de ces deux heures et demie d’échanges, le panel a exhorté la presse à aller prêcher la bonne nouvelle aux Camerounais de tous les horizons, aux fins « d’aller tous ensemble comme un seul homme, à la conquête du monde économique, et de se situer à la hauteur d’un tel combat pour l’émergence et le bien-être de la Nation toute entière ».
Samuel Binyegui Ott