L’Esa : un rite rédempteur chez les Sawa

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Conférence Débat

« ESA : Rite d’invocation et de communion », tel était le thème qui a servi de fil conducteur  à la conférence –débat en prélude aux cérémonies marquant la sortie solennelle du 14e cours d’apprentissage de la langue duala et de la culture sawa.

 

Pendant près de trois heures d’horloge, les personnalités invitées jeudi 11 août à la résidence du ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde de Sceaux, sont restées suspendues aux lèvres du conférencier, Pr Mbondji Edjenguelè. L’anthropologue à la connaissance éprouvée sur la tradition africaine et les rites initiatiques sawa a tenu l’auditoire en haleine.

Le rite Esa chez les sawa, a expliqué l’anthropologue, est un moment de  «  remise en cause» ; « une remise à plat » et ne peut être invoqué qu’en cas de crise grave dans la cellule familiale, dans le clan, dans la  tribu toute entière, voire même à une échelle sociale plus grande encore. C’est le procédé utilisé quand on a épuisé toutes les autres voies de recours : « On ne convoque l’Esa que lorsque tout a été entrepris en vain, que ce soit pour un cas de maladie, de stérilité, de malédiction, l’Esa n’intervient que dans des conditions extra », a martelé le Pr Mbondji Edjenguele. Ce qui signifie que le cas est très grave et nécessite l’intervention des ancêtres bienveillants.

L’Esa ya mboa, la prière collective aux ancêtres disparus et bienveillants, cette invocation solennelle est la cérémonie de réconciliation familiale chez les sawa. Celui-là même que l’on peut invoquer dans une situation critique.

Quelques questions ont enrichi l’exposé du conférencier, notamment la notion d’ancêtres telle qu’appréhendée par l’anthropologue de culture sawa. A l’en croire, l’ancêtre  est perçu comme celui qui de son vivant, a posé des actes positifs, des actions bénéfiques dans sa communauté. Ne font donc pas partie des ancêtres, les ascendants qui auraient déshonoré le clan, par un comportement  indigne.

Le professeur Fame Ndongo quant à lui a tracé le parallèle entre l’Esa des Sawa avec l’Esam des fangs dont la démarche rédemptrice serait la même.

Cette conférence a également été l’occasion de croiser les regards de deux anthropologues : l’un ancien séminariste et chrétien à l’autre anticlérical, et fortement antichrétien. Le premier, le Pr Titi Nwell, pétri du christianisme, bat en brèche le postulat du Pr Mbondji Edjenguelé selon lequel les Africains n’ont pas besoin de la religion telle que véhiculée par les Occidentaux ethnocentriques. L’Africain ayant été la première créature de Dieu sur la terre 20 000 ans avant Jésus-Christ.

Il a en outre affirmé que l’Africain  par essence  connait Dieu et par conséquent, n’a pas besoin du Dieu enseigné par les Occidentaux.

La leçon à retenir est que  l’anthropologue suggère aux Africains de garder leurs traditions et de conserver leur patrimoine culturel. D’où l’invitation à « La croyance à deux mondes, visible et invisible ; la croyance au caractère communautaire et hiérarchique de ces deux mondes; l’interaction entre les deux mondes ; la croyance en un Etre Suprême, Créateur, Père de tout ce qui existe »

Le professeur Mbonji Edjenguele est anthropologue, chef du Département d’ Anthropologie à l’Université de Yaounde I, membre de l’Association Panafricaine de l’Anthropologie du Changement Social et du Développement, membre de L’international Commission on the Anthropology of Food, membre du Réseau Cultur’ AC, membre du Conseil International des Musées Africains, Directeur de Laboratoire d’Ethnologie et d’Anthropologie Africaines Appliquées, et Chef Traditionnel. Il est l’auteur de nombreuses publications sur l’anthropologie, le développement, les identités culturelles, les religions africaines et le patrimoine culturel immatériel.

Nadine Eyikè

Marius Nguimbous
Marius Nguimbous

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