« L’expert judiciaire est plus un collaborateur du juge qu’un auxiliaire de justice. »

Me FOUDA Thomas Joël

Me Joël Thomas Fouda, Conseil en Propriété Industrielle, Avocat au Barreau du Cameroun et   Consultant, revient sur les dessous d’un métier mal connu et parfois assimilé à celui d’auxiliaire de justice.

Monsieur l’expert, les tribunaux, au moment de trancher un litige, peuvent être confrontés à des difficultés liées à certains aspects trop techniques du litige objet du procès.  Recours est alors souvent fait à des spécialistes de domaines aussi variés. Doit-on, selon vous, considérer ces intervenants ponctuels comme des auxiliaires de justice à part entière ?
Un expert judiciaire est un professionnel ayant des connaissances techniques avérées dans son domaine de  compétence, et dont l’avis technique est sollicité soit d’office par le juge, soit à la demande d’une partie au procès.
A la question de savoir si l’expert judiciaire est un auxiliaire de justice à part entière, la réponse doit être nuancée. Dans un premier temps, le caractère non permanent de l’activité de l’expert judiciaire peut exclure ce technicien du champ très sélectif des auxiliaires de justice. En France, la cour de cassation le qualifie de « collaborateur occasionnel du juge ».
Dans un second temps, la thèse de ceux qui pensent que l’expert judiciaire peut être considéré comme un auxiliaire de justice n’est pas complètement réfutable lorsqu’on prend en compte l’apport positif de ce technicien dans l’œuvre de justice et la recherche de la vérité.
En définitive l’expert judiciaire est plus un collaborateur du juge qu’un auxiliaire de justice au sens strict.

Quel est le fondement règlementaire de cette intervention des experts dans le déroulement du procès ?
Au Cameroun, l’expertise judiciaire tire ses fondements juridiques de plusieurs textes dont les plus connus sont :
-le code de procédure civile et commerciale ;
-le code de procédure pénale ;
-la loi n°90/037 du 10 Aout 1990, relative à l’exercice et à l’organisation de la profession d’expert technique et son décret d’application n°92/238/PM du 24 Juin 1992 ;
-l’accord portant révision de l’accord de Bangui du 2 Mars 1977 portant création d’une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) ;
-le décret n°60/251 du 31 Décembre 1960, fixant les modalités d’établissement des listes d’experts, syndics de faillite, liquidateurs judiciaires, administrateurs de biens et commissaires aux comptes.

Quelles sont les difficultés les plus remarquables auxquelles les experts font face dans le cadre de cette collaboration ?

Les difficultés auxquelles les experts font face dans le cadre de leur collaboration avec le juge peuvent être de plusieurs ordres à savoir, le caractère limité des moyens techniques qui peut induire l’absence de fiabilité des résultats. A la compétence technique de l’expert, il faut ajouter l’utilisation de l’appareillage adéquat. L’expert peut également se heurter à l’hostilité de l’une des parties litigantes qui peut même le récuser.
L’expert judiciaire peut aussi être confronté à l’inadéquation entre la prestation réellement fournie et sa rémunération. Il peut également s’agir de difficultés liées aux délais impartis pour déposer le rapport, lequel délai peut s’avérer court et avoir une influence négative sur le rapport final de l’expert.

Concrètement, à quel moment un expert peut être appelé à la barre et par qui ? Qui en a la charge financière ?
L’expertise judiciaire au Cameroun est essentiellement écrite. L’expert judiciaire doit déposer son rapport au greffe de la juridiction qui a sollicité sa collaboration dans le délai imparti par la décision qui le commet et fixe le cadre de sa mission. C’est dans des hypothèses rares que l’expert peut être appelé à la barre.
L’expert peut comparaître à la barre à la demande du juge ou à la demande d’une des parties au procès, il pourra alors exposer son avis oralement à l’audience.
En matière civile et commerciale, la rémunération de l’expert n’est pas préalablement fixée. Cependant, le juge fixe le montant de la consignation supplémentaire qui est mise à la charge des parties au procès, et qui est attribuée à l’expert sous forme de provision. La rémunération de l’expert est définitivement fixée par le juge après examen de la proposition de rémunération qu’a dressé l’expert en fonction des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la densité du travail fourni.
En matière pénale, le trésor public peut supporter les frais d’expertise selon les cas.

Faut-il selon vous, dans une optique de fiabiliser l’expertise judiciaire suivre l’exemple d’un certain droit processuel comparé, je pense au Maroc, lier l’assistance judiciaire de l’expert à son adhésion à un tableau national des experts ?

En droit camerounais, l’expert judiciaire est une personne physique assermentée, ce qui ne permet pas à première vue de douter de la fiabilité de son avis. De plus, chaque Cour d’Appel doit tenir un fichier des experts judiciaires agréés près lesdites cours. Cependant, il faut reconnaitre que tous les domaines de la technique ne sont pas représentés dans ces listes, d’experts agréés. C’est ce qui peut amener le juge à désigner un expert en dehors de ces listes pourvu que la personne désignée justifie d’une expérience et des compétences avérées dans le domaine technique concerné, et qu’il prête serment avant d’exercer sa mission. Son indépendance et son impartialité doivent entrer en compte.
Le principe est qu’en matière civile et commerciale, les experts sont choisis sur les listes d’experts près des Cours d’Appel alors qu’en matière pénale ils sont principalement choisis sur une liste nationale qui malheureusement n’est pas régulièrement actualisée.

Propos Recueillis par Willy Zogo

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