Textes juridiques : L’expulsion du domicile conjugal

L’article 358 fait partie des réformes importantes du nouveau code pénal, en ce sens   qu’il renforce les droits que confère le lien du mariage. En effet, expulser son conjoint du domicile conjugal ou plus précisément sa conjointe comme cela est souvent le cas,  est désormais puni par la loi. Eclairages par la juriste Adèle Nadège  Mbelle Nkelle.

 La communauté de vie qui découle du mariage est le devoir imposé aux époux de vivre ensemble. Tout manquement de l’un des conjoints à ce devoir qu’il soit volontaire ou non, entraine de lourdes conséquences sur le lien matrimonial. Le manquement volontaire au devoir de vivre ensemble avait déjà été sanctionné par le législateur à travers l’incrimination de l’abandon de foyer. S’agissant du manquement involontaire à l’obligation de vivre ensemble, il a également été prévu dans la loi n°2016/007 portant Code Pénal du Cameroun. L’article 358-1 dispose à cet effet que :

« (1) Est puni d’un emprisonnement de trois (03) mois à un (01) an et d’une amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs l’époux ou l’épouse qui, en dehors de toute procédure judiciaire expulse, sans motif légitime, son conjoint du domicile conjugal »

Il s’agit ici de ce qui est communément appelé répudiation. C’est une pratique courante dans nos sociétés traditionnelles où le mari a le droit de répudier sa femme en cas de mauvaise conduite, stérilité etc. Si le droit coutumier tend à légitimer ce comportement, il en va différemment du droit moderne. En effet, la répudiation est devenue une pratique récurrente dans les ménages aujourd’hui. Dans la majorité des cas, la victime est le conjoint le plus faible tantôt sur le plan physique, tantôt sur le plan économique. C’est dans le but de protéger ce dernier et de maintenir l’harmonie au sein de la famille que le législateur a procédé à l’incrimination de ces faits. Des conditions préalables doivent néanmoins être remplies pour que l’infraction ne soit constituée.

Tout d’abord l’existence d’un lien de mariage entre les protagonistes de l’infraction. Le plaignant et l’auteur de l’infraction doivent être des conjoints légitimes. C’est dire que la victime de l’infraction doit avant toute chose apporter la preuve de l’existence d’un mariage valide. Du coup, les personnes vivant en concubinage ou en union libre ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de cet article.

Ensuite l’absence de procédure judiciaire et d’un motif légitime. En effet, c’est uniquement dans le cadre d’une procédure judiciaire que l’un des conjoints peut être expulsé du domicile conjugal. Par exemple lorsqu’il existe une décision du juge ordonnant la séparation de corps entre les époux, le conjoint autorisé à avoir une résidence séparée peut se voir contraindre par l’autre de quitter le domicile conjugal. Dans ce cas, l’infraction n’est pas constituée. L’ordonnance de séparation de corps peut donc constituer en l’espèce un motif légitime. D’autres motifs peuvent également être invoqués pour justifier l’expulsion du conjoint tant qu’ils restent légitimes. Il appartient donc au juge de les apprécier.

Enfin, les actes doivent êtres commis au domicile conjugal, c'est-à-dire dans la résidence occupée par les conjoints. Plus précisément, il doit s’agir du domicile légal. La femme mariée ayant pour domicile celui de son conjoint, il en résulte que le domicile conjugal sera par ricochet le lieu où réside le mari. Ainsi, les conjoints qui vivent dans les villes différentes à cause de leurs obligations professionnelles ont pour domicile conjugal celui du mari. Par conséquent, la femme qui se fait expulsée alors qu’elle visite son conjoint au lieu de sa résidence peut se prévaloir des dispositions de l’article 358 suscité. 

Bien plus, l’alinéa 2 du même article prévoit les causes d’aggravation de la sanction :

« (2) La peine est un emprisonnement de deux (02) à cinq (05) ans si :

  1. a) La victime est une femme enceinte
  2. b) L’expulsion est accompagnée ou précédée de violences physiques ou morales, de la confiscation ou de la destruction des effets personnels de la victime
  3. c) L’expulsion est commise par une personne autre que le conjoint de la victime »

L’état de gestation de la victime de même que les violences physiques ou morales n’appellent pas de remarques particulières. Il faut simplement souligner qu’à travers ces dispositions, le législateur a entendu protéger l’intégrité physique et morale de la victime.

L’alinéa c par contre constitue une véritable révolution, en ce qu’il réprime sévèrement les cas d’expulsion commis par une personne autre que le conjoint de la victime. En effet, dans les familles africaines en général, les collatéraux prennent souvent la liberté de s’immiscer dans les ménages pour dicter la conduite à tenir aux conjoints. Cet excès de zèle peut dans certains cas aboutir à l’expulsion d’un  conjoint. Ces cas de figure se présentent généralement lorsque la victime est en situation de faiblesse parce que son conjoint est dans l’impossibilité de la protéger du fait de son éloignement ou de son absence. Le législateur a donc voulu par ces dispositions remédier à cet état de choses.

En définitive, rappelons que le problème ne réside pas tant dans le manque ou l’insuffisance des incriminations que dans l’ignorance pure et simple de leur existence. Du coup, ces nouvelles dispositions garantes de l’harmonie des ménages resteront lettre-morte à cause de l’indifférence des uns et des autres face à la violation de leurs droits. Ce qui d’un autre point de vue, n’est pas sans avantage car il serait difficile d’envisager de poursuivre le mariage après la condamnation d’un conjoint pour motif d’expulsion du domicile conjugal.

 Nadège M. N.

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