Editorial 42

Achille Magloire Ngah

 Cameroun, qu’as-tu fait de ton identité ?

Le concept ‘’identité’’ est l’une de ces quadratures de cercle qui, à l’image d’un couteau à double tranchant, peut servir à défendre tout aussi bien une vertu qu’un vice. Retenons quand même que ‘’identité’’ renvoie dans un premier sens à ce qui est particulier, unique et propre à un individu, à l’exemple de la carte d’identité. Dans un second sens, le terme fait état de tout ce qui est commun, identique ou confondu, on parlera ici de l’identité culturelle par exemple.

Au commencement était donc ‘’Rio dos camaroes’’ qui est devenu Cameroun/Cameroon. Mais est-ce vraiment le vrai commencement ? Tout porte à croire que non, car bien avant la découverte de Nachtigal, les peuples de la terra nullis (devenue plus tard Kamerun), pour emprunter le terme des conférenciers de Berlin existaient. Ils avaient les habitudes, les langues, les us et les coutumes similaires, voire même identiques. Pour preuve, les oripeaux Sawa et Bakweri sont identiques au millimètre prêt. N’est-ce pas là un signe de fraternité ? N’est-ce pas là la véritable identité à revendiquer, à la manière de ces Noirs américains qui déferlent chaque année dans nos pays à la quête de leur terre d’origine, des traces de leur identité ? Est-ce le sang anglophone ou francophone qui coule dans nos veines ? Certainement pas. Mais une chose est sûre, une étude génétique trouverait bien des liens de fraternité entre les Bakweri et les Sawa. Alors d’où sortent des revendications identitaires par rapport à deux langues étrangères qui ont divisé ces frères ? Est-ce véritablement l’usage de ces langues qui fait problème ?

Loin de nous la prétention d’y répondre, car le problème est ambivalent comme le concept identité lui-même. Il est à la fois simple et complexe. Il se dit sous cape qu’une manipulation s’y cache. Qui manipule, qui tire les ficelles, et à qui profite la crise ? N’allez surtout pas chercher à le savoir. Personne ne vous le dira. Mais tout le monde semble connaitre le but. Et c’est ça le problème, car la supposée connaissance du but de la crise semble avoir braqué les protagonistes dans des positions tranchées. D’où l’enlisement observé ; pourtant, si manipulation il y a, elle existe des deux côtés. D’une part, nous avons la revendication légitime des avocats de la traduction des textes juridiques- pourtant obtenue- transformée en revendication du fédéralisme et /ou de la sécession. D’autre part, nous voyons une élite détachée des réalités du pays, ou alors volontairement myope qui refuse de voir et de dire la vérité, surtout à celui à qui revient la responsabilité de dénouer la crise.

Vous l’avez compris, il s’agit du chef de l’État. Son discours  du 31 décembre dernier l’a démontré à suffisance. Pour se faire bonne conscience, ses portes fanions brandissent la thèse de l’humiliation de la République et de son chef recherchée par les « bandits ». Bien que nous condamnons les casses et les atteintes aux personnes par les grévistes, nous constatons aussi avec regret que notre mémoire est bien courte. Qui nous démentirait de l’effet positif qu’eût le célèbre ‘’Me voici donc à Douala’’ sur le dénouement des villes mortes durant les années de braise 90? Qui ne fut pas choqué en 2002 lorsque les législatives furent annulées à la veille et que le président Biya avoua en mondio-vision qu’il était mal informé, car jusqu’à l’ avant-veille ses représentants personnels lui disaient que « tout va bien ». Dans les deux cas qu’est ce qui humilia le plus la République et son chef ?

Au lieu d’entretenir une atmosphère de peur de part et d’autre : tant auprès des populations des zones anglophones comme le font les grévistes, qu’auprès du chef de l’État comme le fait son gouvernement. À l’image de la peur qui gagne le monde à la suite de l’investiture d’un Donald Trump pompeux de par ses discours martiaux. Le chef de l’État gagnerait à enfiler les gangs de service comme Barack Obama servant les vieillards dans une maison de retraite, et aller à la rencontre de ses frères pour les rassurer que leur histoire ne peut se vivre autrement que dans la fratrie unie. Car l’image d’une sécession ou d’un retour au fédéralisme au Cameroun est aussi impossible que celle d’un Trump déclenchant une guerre nucléaire. Et même si l’extrême droite ou l’extrême gauche arrive au pouvoir en France, tel que cela se dessine, il faut savoir une chose, la brume de démocratie qui couvre le monde entier empêche que les uns et les autres outrepassent les limites de la dignité humaine et conduit chacun sur l’autel de la concession et  du compromis. L’unité actuelle du monde repose sur ces principes. Nul ne peut plus imposer ses positions aux autres. C’est à ce prix-là que les pères de notre indépendance et de notre réunification ont forgé la singularité, l’identité d’un Cameroun. Un pays uni dans la diversité. Identité que nous avons tous et chacun le devoir de préserver.

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