Editorial Le Droit 43

Par Emilienne N. Soué

Crise anglophone : Le timing présidentiel

Le président de la République a ordonné, le 30 août 2017, «  l’arrêt des poursuites pendantes devant le Tribunal militaire de Yaoundé, contre les nommés Nkongo Félix, Agbor Fontem Aforteka’a Neba, Paul Ayah Abine et certaines autres personnes interpellées dans le cadre de violences survenues ces derniers mois dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ».  Le franchissement de ce nouveau palier dans les multiples mesures déjà prises par les pouvoirs publics pour apporter des réponses aux préoccupations exprimées par les ressortissants de ces deux régions, devrait normalement  contraindre les syndicats à revoir leur position.

Il y a des décisions que l’on ne peut prendre ni à la légère ni n’importe quand. Le président aurait cédé, il y a fort longtemps, face à l’escalade rhétorique des hérauts de la partition du Cameroun pour lesquels l’élargissement des personnes suscitées tenait lieu de monnaie d’échange pour la paix et l’unité nationale. Il a au contraire prouvé qu’il était le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, consacrant ainsi la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire.

Poursuivis par le ministère public pour complicité et apologie du terrorisme, rébellion, sécession et propagation de fausses nouvelles, Paul Ayah Abine et ses comparses  devaient répondre de leurs crimes devant la juridiction d’exception qu’est le Tribunal militaire (Cf. Loi N° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme en son article 2 et loi 2017/012 du 12 juillet 2017 portant code de justice militaire). Il est aussi vrai que le président de la République exerce le droit de grâce après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature (Article 8 -7 de la Constitution ; et qu’il aurait pu faire usage de cette prérogative d’essence constitutionnelle. Paul Biya a laissé les juges dire le droit sur le cas Ayah Paul Abine et consorts. La loi lui donne également le droit d’arrêter une procédure en cours.

Pour le président de la République, le temps était à la réflexion, la survie de l’Etat unitaire en construction en dépendant. Comment éviter les paroles et actions susceptibles d’intensifier les contradictions et d’aggraver la situation quand de l’autre côté la rhétorique est antagoniste et guerrière ? Telle est la quadrature du cercle. Le prophète Esaïe, inspiré par Dieu conseille  affirme: « C’est dans le calme et la confiance que sera votre force » Une maxime biblique que l’ancien séminariste d’Edéa et d’Akono applique rigoureusement. Le calme et la confiance, il en a. Ce trait de caractère est d’ailleurs bien illustré sous la plume de François Mattei, citant un proche du chef de l’Etat dans son ouvrage le Code Biya : « On peut annoncer un tremblement de terre proche de l’Armageddon apocalyptique à Biya, qu’il prendra tout son temps pour vérifier la véracité des allégations ».

En témoigne sa stratégie pour faire cesser les violences dans les régions anglophones. Graduellement, des décisions sectorielles ont été prises pour répondre aux revendications  exprimées par les avocats au rang desquelles, la traduction des Actes uniformes Ohada, et du corpus juridique national; la prise en compte de la Common Law dans toutes les sphères judiciaires. Un magistrat anglophone a  d’ailleurs été nommé président de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême. Il en va de même pour celles des syndicats d’enseignants du sous-système anglophone. Un Comité Ad Hoc pour y répondre a été mis en place le 29 novembre 2016.

L’arrêt des poursuites des interpellés servirait donc de levier pour surmonter irrémédiablement la résistance: à n’en point douter, la menace du boycott de la rentrée scolaire à Bamenda et à Buea faisait partie de l’agenda des dissidents. Les réactions en chaîne depuis l’ordonnance présidentielle du 30 août 2017 le démontrent à suffisance. « Il n’est plus nécessaire de garder nos enfants à la maison », s’est réjoui un protagoniste sur les antennes de la Crtv.

Le timing choisi par le président Biya pour libérer Nkongo Félix, Agbor Fontem Aforteka’a Neba, Paul Ayah Abine et les autres interpellés est le meilleur. D’une part, on est à la veille d’une rentrée scolaire et académique: un moment majeur dans le fonctionnement de notre société. Les pouvoirs publics, dans leur mission régalienne d’éducation, envisagent une rentrée scolaire 2017-2018 effective pour toute la jeunesse camerounaise. Et lorsque la situation l’exige, il faut savoir prendre des mesures qui s’imposent.

D’autre part, la libération des leaders anglophones, à défaut d’être le point d’orgue des revendications, n’en est pas moins la plus brandie depuis leur arrestation. au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Le président prouve ainsi qu’il est à l’écoute de ses compatriotes, de tous ses compatriotes.

Il a fallu qu’il enclenche auparavant un cercle vertueux autour d’une plate-forme de dialogue gouvernement/syndicats, d’une implication des élites anglophones internes et externes et des autorités traditionnelles. Paul Biya a joué sur le temps et il a eu raison.

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