Gouvernance et démocratie au Cameroun : bilan et perspectives

Plus de 20 ans après le discours de François Mitterrand à la Baule et le Rapport Berg de la Banque Mondiale, quel bilan peut-on tirer du système camerounais de gouvernance ?

En 1989, un rapport de la Banque Mondiale, le Rapport Berg, étalait les conditionnalités en termes de réformes institutionnelles et d’assainissement des économies auxquelles devaient s’astreindre les pays en voie de développement, s’ils voulaient continuer à compter sur les financements de cette institution. Un an plus tard, François Mitterrand posait comme condition de l’octroi de l’Aide au développement, la démocratisation politique des pays africains. Ainsi, un mariage de raison était scellé entre la bonne gouvernance et la démocratie. Le Cameroun n’est pas resté en marge de ces mutations. Le Renouveau aidant, les Camerounais font depuis lors l’expérience du pluralisme politique. En date du 18 janvier 1996, une nouvelle Constitution a amorcé un certain équilibre des pouvoirs, au point où le Gouvernement est responsable devant les représentants du peuple qui, par le biais des questions orales et des commissions d’enquêtes parlementaires, contrôlent l’action gouvernementale. L’affaire Mounchipou, qui a d’ailleurs attiré l’attention sur les détourneurs des deniers publics, porte les marques de ces avancées. D’autre part, la montée en puissance de la société civile, le renforcement institutionnel à l’instar du rôle très influent du Ministère du Contrôle Supérieur de l’État, la création de la Chambre des comptes, de la CONAC, et même d’ELECAM  bien que contestée, sont autant d’efforts significatifs de la dynamique gouvernance et démocratie au Cameroun. Le Pays de Paul Biya peut s’enorgueillir. Avancées, oui ! Peut mieux faire toutefois s’il veut réellement devenir un pays émergent à l’horizon 2035, disent les observateurs.

Le premier défi réside dans la lutte contre la corruption. Si l’institution de la CONAC est louable, il est regrettable que cet organe ne dispose véritablement pas de moyens de coercition et de sanctions contre les contrevenants ; sa compétence reste limitée à l’élaboration des rapports. De plus, il est important que les cellules anti-corruption des ministères et autres services publics soient tenus par les personnalités indépendantes, des acteurs de la société civile si possible.  C’est chose faite aujourd’hui avec l’institution des comités sectoriels de suivi évaluation des recommandations  issues du forum sur la lutte contre la corruption  dans les milieux des affaires au Cameroun.  On peut citer, entre autres, Garga Haman Adji, ancien ministre et président d’une association de lutte contre la corruption,  qui a été porté à la tête du comité en charge de la Régie Financière.

Le plus grand défi qui doit être relevé, c’est la redistribution des richesses. À ce niveau, l’élite gouvernante est concernée au premier chef. Celle-ci doit avoir pour souci de transformer le Cameroun en îlot de prospérité et de paix, au lieu de se contenter de consommer et de jouir des biens dont elle était privée lorsqu’elle n’était que simple citoyen. Comment comprendre qu’une région aussi riche en ressources naturelles comme celle de l’Est soit curieusement la plus lésée du Cameroun ? Les intellectuels camerounais doivent constituer la force de changement qui mènera à bien le combat de transformation mentale, sociale et politique du pays à travers leur honnêteté, leur sobriété et leur probité morale. La justice à cet effet doit être véritablement indépendante, à l’abri de toute pression. Comment la considérer comme  un pouvoir indépendant du Législatif et de l’Exécutif lorsque les magistrats sont nommés par ce dernier dont le Chef est le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature ? Certes, il s’agit d’une subordination de droit, mais la véritable indépendance de la justice est une affaire d’hommes. Les magistrats doivent avoir pour souci la promotion du droit à la lettre de la loi.

Enfin la bonne gouvernance au Cameroun interpelle aussi nos partenaires économiques. Les puissances occidentales doivent soutenir avec fermeté le processus de démocratisation politique en Afrique par des actes et cesser de jouer le pompier-pyromane. Elles doivent interdire  à   leurs banques  d’encaisser   les dépôts de fonds provenant du continent. Les faits sont douloureux : de 1970 à 2008, 1800 milliards de dollars auraient quitté frauduleusement l’Afrique pour atterrir sur des comptes secrets en Occident. Les puissances occidentales doivent aider l’Afrique à rapatrier cet argent pour financer le développement du continent.

La gouvernance et la démocratie de mariage de raison sont devenues une union sacrée, car il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu affirmait Saint Thomas. La démocratie n’a de sens que dans un contexte de bonne gouvernance ; ce n’est qu’à ce stade qu’elle sera véritablement le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.

 

Achille Magloire NGAH

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