Affaire IBC contre SNH : la CCJA confirme le premier arbitrage

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La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA)  qui est le juge suprême en matière de droit des Affaires et d’arbitrage dans tout l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu le 15 octobre 2015 sa décision dans l’affaire qui oppose la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) à l’International Business Company (IBC). Cette dernière a notamment été déboutée... en dernier ressort….

En matière d’arbitrage, la CCJA a pour attribution « d’organiser et contrôler le bon déroulement des procédures d'arbitrage : elle nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l'instance et examine les projets de sentence, auxquels elle ne peut proposer que des modifications de pure forme ». Lorsque les parties ne sont pas d’accord avec la décision des arbitres, elles contestent devant la CCJA. Et dans ce cas, la CCJA a rôle de « juge de cassation, en lieu et place des Cours Suprêmes  nationales, pour tout contentieux relatif au droit uniforme ; la Cour peut être saisie soit directement par l'une des parties à une instance devant une juridiction nationale, soit sur renvoi d'une juridiction nationale ». 

 C’est dans ce second rôle  que le 15 octobre 2015, la CCJA a rendu une décision aux termes de laquelle M. Ekwa Ngallé, Mme Njanjo Ngallé et la société LEN Holding ont été déboutés de toutes leurs demandes, similaires à celles jugées non fondées par le Tribunal Arbitral de la CCJA. Toute chose qui a pour conséquence que les perdants restent condamnés solidairement à payer des dommages et intérêts de 1,9 milliard de Fcfa à la SNH et de près 235 millions de FCFA à son personnel actionnaire.

De fait, la CCJA a tenu à son siège à Abidjan, en Côte d’Ivoire, une audience publique le 15 octobre 2015 où elle se penche sur la requête en contestation de validité de la sentence arbitrale n°059/2014/PC du 27 mars 2014. Les références qu’on peut lire sur le site internet www.ohada.org soulignent que cette requête en contestation a été déposée par Monsieur Léopold Ekwa Ngalle, Madame Hélène Njanjo Ngallé, la Société Anonyme Len Holding, la Société International Business Corporation SA et leurs avocats-Conseils les  maîtres Josué Dumont Ndoky Dikoume, La Fortune Pélagie Mbengue Moukouri, Jackson Francis Ngnie Kamga,  Ernest Tape Manakalé, Scpa Kaba et Associés avocats à la cour. Et en face comme défendeurs ( dont le bénéficiaire de la sentence contestée) la Société Nationale d’Hydrocarbures (SNH) du Cameroun, le personnel de ladite SNH et leurs avocats- conseils, les maîtres Gill Dingome, Emmanuel Tang.

Cette décision de la CCJA, qui n’est plus susceptible d’aucun recours, met un terme à l’arbitrage dont la demande a été introduite le 12 juin 2012 par M. Ekwa Ngallé et consorts eux-mêmes.

De fait, M. Ekwa Ngallé et consorts avaient  été condamnés le 15 janvier 2014 par le Tribunal Arbitral institué par la CCJA, ce dernier ayant  jugé qu’ils ont commis un acte constitutif d’abus de minorité. C’est contre cette sentence arbitrale que les plaignants ont introduit, le 24 mars 2014, la requête en contestation de validité que la CCJA a rejetée, confirmant ainsi les condamnations des premiers arbitres.

 LES FAITS

En juillet 2014, le journal Le Droit relayait déjà la substance de cette affaire comme suit : «De fait, si l’on se fonde sur le pacte d’actionnaire (i.e. le contrat dans lequel tout ou partie des associés d'une société par actions fixe leurs droits et obligations respectives) qui a été signé en septembre 2007, il s’avérerait ceci : la SNH (représentée par l’administrateur directeur général, Adolphe Moudiki) et son personnel (représenté par le directeur financier Mendim Menko’o) ont acheté des actions dans le capital de la société IBC (représentée par ses actionnaires fondateurs qui sont entre autres au moment de la signature du pacte, Léopold Ekwa Ngallé, PDG, la société LEN HOLDING mandataire du premier, Mme Hélène Njanjo Ngallé, familière du PDG . La SNH et le personnel sont devenus les détenteurs de 61% des parts dans l’entreprise (51% pour la SNH et 10% pour les employés).

Il semble par la suite qu’ils « ne parvenaient plus à rentrer dans leur investissement ». Dans le communiqué publié dans CT, il est précisé que : « plusieurs prêts ont été octroyés à la société IBC par la SNH dans le cadre de conventions de prêts pour le financement de la construction de l’usine (sus évoquée ndlr). A ce jour, aucune somme n’a été remboursée et les billets à ordre garantissant ces prêts sont retournés impayés… ». Pourtant, Léopold Ekwa Ngallé s’est opposé aux affirmations de la SNH qui accusait les gérants de l’IBC de « mauvaise gouvernance et gestion », en affirmant lui que ; «  depuis plusieurs années, IBC est une entreprise prospère qui fait des bénéfices».

UN ABUS DE MAJORITÉ ÉVOQUÉ

C’est dans ce contexte de réclamation de retour d’investissement que la SNH, agissant en actionnaire majoritaire, décide au cours d’une session du Conseil d’administration ( le 28 avril 2014  sous l’autorisation de l’ordonnance gracieuse n° 383 du 21 avril 2014 qui a autorisé aussi la SNH a prendre possession des lieux abritant l’usine IBC SA sise à Bassa à Douala)  de la nomination d’un nouveau PCA et non plus PDG, d’un directeur général adjoint et d’un directeur financier et comptable.

Cela va emporter révocation et limogeage de Léopold Ekwa Ngallé, (qui assumait jusque-là les fonctions de président-directeur-général de la IBC S.A ). Il  est alors remplacé par Bernard Bayiha, conseiller technique n°1 à la SNH (en même temps qu’il est porté à la tête du Chantier Naval et Industriel du Cameroun).

Léopold Ekwa Ngallé va ainsi contester ces révocations  en dénonçant  « la cabale dont il est victime et s’étonnera de l’insidieuse publicité donnée par voie de presse à des résolutions du Conseil d’administration de IBC S.A tenu le 28 avril 2014, à Douala, sur sa convocation et sous sa présidence effective et dont aucun point à l’ordre du jour de cette assemblée générale tenue le 28 avril, ne portait sur la modification des statuts, ni sur le changement de cadres et encore moins la nomination de Bernard Bayiha (DG de IBC) et Augustine Ndum Bro (DGA) ( chef de la représentation de la SNH à Douala et ingénieur de développement et d’exploitation des gisements) ». Tout semble avoir été déclenché par le non remboursement des dettes consenties (un prêt de 5,35 milliards de F CFA selon la presse) par la SNH et son personnel à IBC pour la « construction d’une usine de transformation d’aciers et de métaux industriels » sise à Bassa à Douala, domaine qui constitue l’objet social de l’IBC SA. Par un communiqué, l’International Business Company  (IBC) et son président directeur général, Léopold Ekwa Ngallé expliquent que « la justice s’oppose à l’annexion par la SNH de l’usine IBC ». Il y est détaillé que par une ordonnance n° 333 rendue le 5 juin 2014 et aux termes d’une procédure contradictoire (c.-à-d. en présence des deux parties) ; le président du tribunal de Ndokoti à Douala (Cameroun)  a rétracté au motif  de fraude et d’abus, l’ordonnance gracieuse (c.-à-d. rendue sur l’urgence et ne devant pas porter préjudice au fond de l’affaire ) n° 383 du 21 avril 2014 qui a autorisé la SNH a prendre possession des lieux abritant l’usine IBC SA sis à Bassa à Douala et à organiser un conseil d’administration  en date du 28 avril 2014.

Dans le même temps, la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) annonce la décision de justice de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage « saisie par les actionnaires fondateurs de la Société International Business Corporation (IBC SA), qui accusent notamment la SNH et son personnel actionnaire au sein de cette société d’abus de majorité, le tribunal arbitral de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a rejeté toutes les demandes des plaignants et les a condamnés à payer solidairement 1,9 milliard de F à la SNH et 233,98 millions de F à son personnel actionnaire… ». La teneur laconique de cette communication est renforcée par une mention d’irrévocabilité, qui précise que cette sentence rendue le 15 janvier dernier au siège de la juridiction régionale à Abidjan, Côte d’Ivoire, l’a été en premier et dernier ressort.

C’est sur ce que, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage située à Abidjan en Côte d’Ivoire est saisie pour abus de majorité par la SNH et la réclamation du  paiement de dommages et intérêts s’élevant à plus de 21 milliards de F. Au lieu d’une condamnation demandée contre la SNH, la CCJA va rejeter toutes les demandes des plaignants et les condamnera à payer solidairement 1,9 milliard de F à la SNH et 233,98 millions de F à son personnel actionnaire.

Elle a ainsi rejeté l’accusation d’ «  abus de majorité », infraction qui signifie en droit financier qu’une atteinte est faite aux intérêts des actionnaires minoritaires par les actionnaires majoritaires. Pour que le juge considère un vote (cas du conseil d’administration du 28 avril 2014) comme abus de majorité, « ce vote doit être contraire à l'intérêt social  et/ou être émis dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité ou de la minorité au détriment des autres associés ou actionnaires ».

Willy Zogo

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