Madame Navi Pillay : Des rencontres avec les diplomates et les Officiels

Juris-Zoom Affichages : 2256

Au cours de sa visite, la haut commissaire  a enchaîné des entretiens avec les ambassadeurs des pays amis, mais surtout avec plusieurs officiels.

En tant qu’ancienne magistrate, Mme Navi Pillay avait probablement à cœur de rencontrer particulièrement les autorités en charge de l’application des normes juridiques et en particulier celles relatives aux droits de l’Homme. De fait, la haut-commissaire a rencontré, dès le 1er jour de sa visite, le ministre d’Etat, ministre de la Justice et garde des Sceaux, M. Laurent Esso au sein de son département. Au cours de cette rencontre qui a duré près de deux heures de temps, l’ancienne magistrate a eu également un long entretien avec les magistrats camerounais. Pas grand chose n’a pu filtrer de ces échanges, comme cela a également été le cas plutôt dans journée, lors de son entretien avec  le  ministre des Relations Extérieures (Minrex) S.E.M. Pierre Moukoko Mbonjo. En effet, en bon diplomate, le Minrex a été la première autorité  rencontrée officiellement par Mme Navi Pillay. Aux sortir de l’entrevue qui a duré près d’une heure de temps, le lundi 1er juillet 2013, au sein du département du Minrex, Mme Pillay a expliqué que : « étant donné que le ministre des Relations Extérieures qui était récemment à Genève pour présenter l’Examen Périodique Universel du Cameroun,  il était important pour moi de venir ici pour vous assurer de ce que mon organisation tient a assister le Cameroun pour l’implémentation des exhortations qui ont été prises ». Mais, le ministre des Relations Extérieures  n’a pas été le seul diplomate que la haut-commissaire a rencontré, il y en eu d’autres.

L’appel des diplomates

Les membres de la communauté diplomatique installée au Cameroun et des agences onusiennes qui ont eu une entrevue avec l’hôte venue de Genève étaient aussi bien ressortissants africains qu’occidentaux, à l’instar de l’ambassadeur de la France au Cameroun, SEM Bruno Gain, celui des Etats-Unis, ou encore celui de l’Union Européenne, M. Raul Paula Mateüs. L’ambassadeur français S.E.M. Bruno Gain a lancé un appel à Mme Pillay sur le système judiciaire camerounais et sur la nécessité de renforcer la société civile notamment celle qui s’attèle à la protection et à la promotion des droits humains. Il a par ailleurs souligné la nécessité qu’il y a à renforcer la protection des droits des minorités sexuelles au Cameroun, (que sont les Lesbiennes-Gays-Bisexuels-Transsexuels (LGBT).

Après ces ambassadeurs, la visite de Mme Pillay s’est poursuivie au siège de la Commission nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL) où les membres lui ont été présentés dans la foulée d’une visite des locaux.

Le bilan d’une visite

Au bout de sa tournée des personnalités et des institutions les impliquées dans la promotion, la protection et l’amélioration des droits de l’homme, la haut-commissaire à procédé devant les médias à l’établissement d’un bilan.

Avec toutes ces autorités, « nos discussions ont porté sur les réalisations accomplies par le Cameroun et sur les défis aux quels le pays est confronté en termes de respect des normes internationales en matière de droits de l’Homme », a résumé Mme Pillay. Elle a expliqué avoir discuté notamment des questions de violences faites aux femmes, du harcèlement des journalistes, la criminalisation de l’homosexualité ainsi que des droits des peuples autochtones, dont les droits sont menacés par les activités d’entreprises du secteur minier et forestier.

Pour la diplomate, le Cameroun marque des points positifs sur ce qui concerne la protection des droits de l’Homme. En effet, elle s’est félicitée de ce que le pays a ratifié 06 traités fondamentaux relatifs aux droits de l’homme. Cela donne au Cameroun : « un cadre solide pour guider le développement et l’amendement des lois de la République et des politiques nationales relatives aux droits de l’Homme. Le pays a déployé des efforts importants (…)», a-t-elle constaté.

En somme, Mme Pillay a insisté sur l’indépendance des juges, l’abolition de torture, le problème du surpeuplement des prisons avec environ 60 % des détenus non jugés.

Elle a recommandé au gouvernement camerounais : « d’aller de l’avant dans l’adoption du Code de la Famille, combattre les pratiques traditionnelles néfastes, mettre en conformités lois et traités, d’abolir la peine de mort, d’envoyer une invitation permanente aux mandataires des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies » afin, a-t-elle expliqué, que le pays envoie un message fort sur son engagement international à l’égard des normes relatives aux droits de l’Homme .

Willy S. Zogo

Les attentes de la société civile

A la faveur de sa visite au Cameroun, la haut-commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme, Mme Navi Pillay a échangé le lundi 1er juillet 2013, avec quelques organisations de la société civile camerounaise.

«Dès que nous avons été informés de votre visite (…), nous nous sommes mobilisés pour faire le point sur les priorités à porter à votre connaissance afin que vous soyez notre porte-parole auprès des autorités que vous rencontrerez », a déclaré  le coordonateur National du Réseau Camerounais des Organisations des Droits de l’Homme (Recodh), M. Paul Guy Hyomeni, à l’attention de Mme Pillay, dans l’après-midi  du lundi 1er juillet 2013.  Une dizaine d’organisations de la société civile (OSC) ont fait le déplacement pour le Centre Régional des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie, où s’est tenue la rencontre avec  la haut-commissaire. L’objectif déclaré  de ces OSC spécialisées pour la plupart dans la promotion et la protection des droits humains était de faire à l’endroit cette hôte de marque le plaidoyer de leur « mission de promotion, de protection des droits de l’homme et de revendication du droit à la démocratie, qui s’avère parfois difficile et risquée »

D’emblée, le porte- parole, des OSC réunies, cet après midi là, a justifié le rôle de la société civile qu’il représentait en indiquant que, « la consolidation de l’état des droits au Cameroun ne saurait se faire sans la contribution des organisations de la société civile ».

Selon les Osc du domaine des droits de l’homme, la visite de Mme la haut-commissaire s’est faite dans un contexte où  les droits de l’homme sont aujourd’hui portés à l’avant-scène du droit international avec un accent  sur l’inaliénable dignité de l’être humain. Les droits fondamentaux ont désormais un porteur de l’obligation correspondante : l’Etat.

Les priorités de la société civile

Les actions de la société civile camerounaise dans le domaine des droits de l’homme ont été présentées au haut-commissaire. Entre autres, la société civile s’est défendue d’agir  comme l’a expliqué son porte-parole, « sur le renforcement des capacités, les campagnes de sensibilisation, l’assistance juridique et judiciaire aux victimes, le plaidoyer auprès des autorités, le suivi de la mise en œuvre des instruments internationaux, régionaux et nationaux des droits de l’homme ainsi que des recommandations des organes de traité, l’élaboration des rapports alternatifs et autres support de capitalisation, la conduite des investigations et la documentation des cas de violation des droits de l’homme ».

Les organisations de la société civile ont également revendiqué jouer  un rôle primordial dans la protection des droits de l’Homme. Etant en contact permanent avec les populations, elles sont informées de leurs besoins, difficultés et des limites tolérables d’une ingérence étatique dans l’exercice des libertés, ainsi que des besoins d’une action positive. Mais elle n’a pas de responsabilité juridique, ni même politique, à l’égard de l’individu et son action, pour indispensable qu’elle soit, ne peut remplacer la responsabilité de l’Etat.

Un appel des OSC à l’Etat à ratifier des instruments internationaux

Pour les OSC en activité dans le secteur des droits de l’homme, il est  important que le Cameroun soit partie à toutes les conventions internationales et régionales des droits de l’homme. Il s’agit notamment : la Convention sur les droits des personnes handicapées et son protocole facultatif, le deuxième protocole facultatif au Pacte International des Droits Civils et Politiques, les protocoles à la Convention relative aux droits de l’enfant, le Protocole facultatif au Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, la Convention sur la punition et la prévention du crime de génocide, le Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, le Statut de Rome sur la Cour Pénale Internationale et la Convention 169 de l’OIT relative aux droits des peuples indigènes et tribaux.  « Nous avons choisi ici de nous focaliser davantage sur les défis et les priorités. Ce qui en aucun cas ne veut dire que nous ne reconnaissons pas les efforts qui sont faits par le Gouvernement en la matière », a tenu à expliquer M. Paul Guy HYOMENI.

Selon le porte-parole des organisations de la société civile, entre l’Etat et les OSC, les rapports ont évolué. L’heure est aujourd’hui à la collaboration. Après avoir longtemps considéré les OSC comme des adversaires et des acteurs belliqueux. « Le Gouvernement implique davantage les OSC à des initiatives relatives aux droits de l’homme et à la démocratie», a expliqué le porte parole.

Si la société civile s’est félicitée de ce que le Cameroun ait assez régulièrement soumis aux organes en charge du suivi des instruments, ses rapports périodiques, elle n’a pas moins insisté sur l’état des droits des femmes au Cameroun.

Les femmes représentent d’après les statistiques, plus de 51% de la population camerounaise. Des défis restent nombreux au rang desquels la mise en œuvre effective des conventions internationales et régionales auxquelles le Cameroun est partie (CEDEF, Protocole de Maputo) ; l’adoption du Code des personnes et de la famille, de la loi sur les violences faites aux femmes et d’un quota de 30% pour la représentation des femmes aux postes électifs, et instances décisionnelles. Il a été de même pour les personnes handicapées. Selon la société civile, « ceux-ci  doivent être considérées comme des personnes ayant des besoins spécifiques et non comme des gens qui inspirent de la pitié. Pour une meilleure jouissance de leurs droits, il est indispensable pour le Cameroun de ratifier la Convention des Nations Unies sur les personnes handicapées. Dans le souci d’améliorer les conditions de vie des personnes handicapées, la Loi 2010/002 du 13 avril 2010 a été adoptée mais les textes d’application restent attendus. La participation des personnes handicapées au processus électoral est d’autant plus difficile que le code électoral n’a pas tenu compte d’eux ». L’une des conséquences est l’absence de leurs représentants au niveau de l’Assemblée nationale.

 

Les droits des peuples autochtones

Le Cameroun compte environ 280 tribus parmi lesquelles les Mbororo et les peuples de la forêt que sont les pygmées qui ont été identifiés comme les peuples autochtones. Estimés à environ 1.500.000, « Les réponses du Gouvernement restent attendues sur les conditions de ces peuples qui font l’objet des violations et atteintes à leurs droits ». Selon la société civile, l’amélioration des conditions de vie de ces peuples passe par la finalisation de l’étude en cours sur l’identification des peuples autochtones, l’adoption d’une loi de promotion et de protection des droits des peuples autochtones, la mise en œuvre des programmes sociaux (éducation, santé, etc.) en leur faveur et des initiatives d’amélioration de la participation à la gestion des affaires publiques.

 

W. S. Z.

Marius Nguimbous
Marius Nguimbous

Articles liés

COOPERATION CHINE-OAPI

Litige et contentieux

OAPI et Formation

Effectivité, concrétisation de l'OAPI