Me. Sylvain SOUOP: «Les Camerounais ne recourent pas assez à l’arbitrage en raison probablement d’un déficit d’informations»

L’avocat  présente l’arbitre, ce juge  privé chargé de trancher les différends entre partenaires d’affaires. Sa probité morale, son expertise et sa clairvoyance  professionnelle garantissent l’équité et la justice, deux principes nécessaires pour statuer en matière d’arbitrage.

 

Maître, en tant qu’expert pouvez-vous expliquer au public en quoi consiste le rôle d’un arbitre dans le traitement des litiges ?
L’arbitre est un juge conventionnel choisi par les parties pour trancher un litige né ou à naître entre lesdites parties. Autrement dit, L'arbitrage est un mode de règlement des litiges par recours à une ou plusieurs personnes privées appelées arbitres et choisies par les parties.
Contrairement à la justice étatique, l’arbitre n’est pas imposé aux parties litigantes. L’arbitrage est une procédure simple qui permet de régler un litige sans passer par les tribunaux, en confiant le différend à un ou plusieurs arbitres. Dans ce contexte il convient de préciser que la règle de l’imparité s’impose (1 ou 03 arbitres). Comme le juge judiciaire, l’arbitre ou le tribunal arbitral tranche un litige généralement d’origine contractuel (crédit, recouvrement, bail, investissement, distribution, transport, services etc..). La décision rendue à l’issue du respect strict des règles préservant l’égalité des parties, le contradictoire, l’égalité des armes, est appelée sentence arbitrale.

Est-ce que les Camerounais recourent réellement à l’arbitrage? Qu’est-ce qui justifie cela ?
A l’observation on peut dire que les Camerounais ne recourent pas assez à l’arbitrage en raison probablement d’un déficit d’informations sur l’existence de ce mode alternatif de règlement des litiges et notamment des vertus de l’arbitrage qui participent entre autres de la célérité de la procédure (l’Acte Uniforme sur l’arbitrage impose un délai de six pour rendre une sentence), de la compétence des arbitres (choisis en fonction de leur expérience sur le litige à trancher), de la confidentialité des débats (les affaires n’aiment pas le bruit), de l’indépendance et de l’impartialité des arbitres (qui sont obligés de déclare lors de la composition du tribunal arbitral tous les liens présents ou passés qu’ils entretiendraient avec une des parties au procès etc), du coût relativement raisonnable de la procédure (en comparaison avec le coût financier et temporel d’une procédure judiciaire), de l’absolu respect des règles d’un procès équitable…
Face à ce constat, l’arbitrage gagnerait à être mieux connu par les partenaires d’affaires. D’ailleurs, le traité OHADA encourage de manière explicite le recours à l’arbitrage pour la solution des litiges. Il en est de même de plusieurs lois régissant la vie économique au Cameroun (code des investissements, partenariat public/privé). En outre, il convient de noter que de manière systématique les contrats d’investissement signés par le Cameroun avec les investisseurs étrangers contiennent une clause compromissoire ou convention d’arbitrage)

On a coutume d’entendre dire que l’arbitrage coûte très cher. Est-ce vrai ? Que gagne un arbitre ?
A première vue, on serait tenté de conclure à la cherté de l’arbitrage. Cette vision étriquée de la chose n’est pas fondée. Toutes choses restant égales par ailleurs, en comparaison avec les frais de justice augmenté des lenteurs judiciaires décriées depuis la nuit des temps, on peut sans craindre de se tromper dire que l’arbitrage n’est pas si chère que ça ce d’autant plus que le coût dépend des intérêts financiers en jeu. Du reste la compétence et le sérieux des arbitres méritent une rétribution à la hauteur de la qualité des décisions rendues. Enfin, il convient d’ajouter que ceux qui choisissent l’arbitrage comme mode règlement d’un conflit savent généralement à quoi s’attendre.

Quel est le profil exigé pour être un arbitre ?
Tout dépend du litige qui est soumis à l’arbitre. C’est ainsi qu’on dénombre des arbitres juristes, avocats, magistrats, ingénieurs, assureurs, banquiers, commerçants, enseignants, architectes etc.
Cependant, un arbitre doit absolument remplir les qualités d’intégrité et de probité morale, de compétence avérée dans son domaine professionnel, de connaissance solide de la procédure d’arbitrage, de maître des règles de droit et des usages applicables dans le domaine qui est le sien, d’indépendance et d’impartialité. Etc. C’est lieu de dire que s’agissant des institutions d’arbitrage qui existent de par le monde dont au Cameroun (Centre d’Arbitrage du GICAM) ne peut être inscrit sur une liste des arbitres que des personnes qui ont démontré les qualités minimales ci-dessus.

Quels sont les risques civils et pénaux auxquels l’arbitre défaillant s’expose ?
Comme le juge étatique, l’arbitre est irresponsable autrement dit sa responsabilité ne saurait être recherchée du fait de la sentence qu’il a rendue. C'est-à-dire que celui qui aura perdu le procès arbitral sera irrecevable à mettre en cause la responsabilité de l’arbitre du fait qu’il a été débouté. Cependant, il va de soi qu’un arbitre qui commet des fautes graves et grossières dans le cadre de l’instruction d’une affaire qui lui est soumise va engager sa responsabilité civile ou pénale. Il en sera ainsi si l’arbitre commet un faux, ou s’il se rend coupable de collusion démontrée avec une des parties au procès. Néanmoins, il convient de dire que ces cas sont assez rares dès lors qu’un arbitre sérieux va se déporter (refuser une affaire) s’il se rend compte que son indépendance ou son impartialité risque d’être remise en cause du fait des liens entretenus avec une partie au litige. En outre, il n’est pas inutile de rappeler qu’il sera difficile pour une partie d’engager la responsabilité de l’arbitre pour un fait dont elle avait connaissance avant la sentence finale et qu’elle a laissé faire malgré l’existence de ce fait. Dans ce cas on dit que la partie concernée a acquiescé.

Quelle différence entre arbitrage GICAM et arbitrage sous l’égide de la CCJA ?
D’abord les similitudes. Les deux arbitrages sont des arbitrages institutionnels. L’arbitrage GICAM est organisé par le Centre d’Arbitrage du GICAM. Celui de la CCJA est organisé par cette juridiction (ce qui est inédit dans le monde)
Les deux arbitrages ont un règlement de procédure, une liste des arbitres agréés et un tarif des frais d’arbitrage.
Les deux arbitrages statuent pratiquement sur le même type de litiges, notamment les conflits d’origine contractuelle.
Maintenant les différences.
Il n’y en a pas beaucoup. Sauf à dire que le droit commun en la matière est l’acte uniforme sur l’arbitrage s’agissant du CAG, alors que l’arbitrage CCJA a vocation à être totalement encadré par son règlement et les dispositions pertinentes du traité OHADA.
L’exéquatur d’une sentence du CAG est demandé auprès du juge national alors que l’exéquatur d’une sentence arbitrale rendue sous l’égide de la CCJA est procuré par cette cour de justice.

Comment entrevoyez-vous l’avenir de l’arbitrage au Cameroun et dans l’espace OHADA ?
L’arbitrage au Cameroun sera ce que les justiciables, notamment les hommes d’affaires voudront en faire. Le succès de l’arbitrage dépend de la sensibilisation qu’il faut faire sur ce mode alternatif de règlement de litiges dont les avantages ne sont plus à démontrer. Au moment où nos cours et tribunaux sont encombrés de plusieurs milliers de dossiers dont certains datent de plusieurs dizaines d’années, l’arbitrage, comme la conciliation ou la médiation devraient être des recours efficaces pour trancher des litiges entre partenaires d’affaires ou partenaires civils (bail d’habitation par exemple). Certaines institutions ont compris l’importance de l’arbitrage au point de créer ou vouloir créer en leur sein des comités ou commissions d’arbitrage à l’instar de l’ARSEL, l’ART, l’ASAC (association des assureurs du Cameroun) etc. On ne devait pas être rebuté par le fantasme du coût de l’arbitrage qui est une procédure qui procure exactement les mêmes garanties de sérieux que la justice étatique avec la valeur ajoutée de la compétence des arbitres, de la célérité de l’instruction, de la confidentialité des débats, de la réversibilité des relations. En effet, il arrive souvent que les parties à un litige arbitral renouent souvent leurs relations d’affaires pendant ou à l’issue d’une instance arbitrale bien menée et où l’arbitre dans notre contexte devrait faire preuve d’une patiente pédagogie en créant notamment un climat serein et convivial dans la conduite des débats.

Propos recueillis par Willy S. Zogo

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