La terre en tant que source de revenus est à l'origine de nombreux contentieux

Pr. Alexandre Dieudonné TJOUEN

Le Professeur-Avocat Alexandre Dieudonné TJOUEN que nous avons contacté,  parlant  des litiges  et  recours qui surviennent  pendant  et après la procédure d’obtention du titre foncier au Cameroun, estime que   ces litiges qui relèvent de la compétence de l’autorité administrative,  peuvent, dans certains cas, être portés devant  les juridictions administratives et civiles.

En tant que procédurier, que pouvez-vous nous dire du contentieux foncier au Cameroun ?

En droit camerounais, la terre est une source de revenus ; et, en tant que  telle,   elle est à l’origine de nombreux  contentieux. Il suffit d’aller  au ministère chargé des domaines et des Affaires foncières (Mindaf)  ou à la chambre administrative de la Cour suprême, pour le  constater.

Quelles sont les autorités compétentes pour  connaître des litiges fonciers ?

Plusieurs autorités administratives, dans l'ensemble, sont compétentes pour connaître des litiges qui surviennent au cours de la procédure d'immatriculation. Il s’agit entre autres de :

Deux commissions qui sont des instances de base : la commission consultative  et la commission de règlement des litiges frontaliers, toutes deux, présidées par le chef de district ou le sous-préfet ;

Le conservateur foncier, le gouverneur ou le ministre des domaines et des Affaires foncières lui-même. Voilà les autorités administratives compétentes pour connaître des litiges fonciers : voir article 16 et suivant du décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005  modifiant et complétant certaines dispositions du décret no 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier.

 

Quelles sont les autorités compétentes pour régler les litiges survenus pendant la procédure d’immatriculation ?

Il y a le chef de District ou le Sous-préfet à travers la commission consultative qu’ils président, pour les litiges existants ou nés au moment de la descente de la commission pour le constat de la mise en valeur du terrain visé.  Les oppositions non réglées ou formulées postérieurement à cette descente et non levées, sont soumises par le conservateur  au gouverneur territorialement compétent pour règlement après avis de la commission consultative : art. 20 (1) du décret précité.

La décision du gouverneur est susceptible de recours hiérarchique devant le MINDAF : art. 20 (3) du décret précité.

La décision du MINDAF est elle-même susceptible de recours contentieux devant la chambre administrative de la Cour suprême : art. 20 (4) du même décret.

Aux termes de l’article 16 (nouveau) (1) (a) du décret ci-dessus cité, l’opposition n’est exercée que lorsqu’il  y a contestation sur l’auteur  (demandeur) de l’immatriculation,  ou sur l’objet de l’immatriculation, c’est-à-dire la mise en valeur du terrain à immatriculer.

Lorsque la contestation porte sur l’existence d’un droit réel  (qui porte sur l’immeuble à immatriculer) ou d’une charge (hypothèque) susceptible de figurer au titre à établir, c’est la voie d’une demande d’inscription de droit qui est exercée : art. 16 (nouveau) (1) (b) du décret sus-cité.

 

Qu’est-ce que la réforme de 2005 a apporté comme innovations ?

L’article premier du décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 dispose que  les articles 2, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 23, 29, 31, 34, 35, 37, 39, 41, et 43 du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier ont été  modifiées et complétées. Il suffit de les lire pour en déduire les innovations apportées par le décret  sur la législation antérieure.

 

Quels sont les recours contre la décision du gouverneur ?

Il y a deux principaux recours : le recours gracieux et le recours hiérarchique. Généralement, en matière administrative, on commence par le recours gracieux que l’on  adresse à l’autorité compétente qui a pris la décision ou l’acte contesté  en vue d’implorer sa grâce pour revenir sur sa décision. En cas d’échec du recours gracieux, l’on peut saisir l’autorité administrative hiérarchiquement supérieure par voie de recours hiérarchique.

Dans le cas de la question posée, le recours gracieux est adressé au gouverneur dans un délai de deux mois suivant la publication de l’acte attaqué, dans les six mois, en cas de recours en indemnisation, en cas d’abstention d’une autorité ayant compétence liée dans les quatre ans à partir de la date à laquelle ladite autorité était défaillante.

Le recours hiérarchique est adressé au MINDAF : aucun délai précis n’ayant été prévu pour la transmission du recours hiérarchique, celui-ci est traité suivant le régime général du contentieux administratif. Il tend à demander à cette autorité le retrait ou l’annulation du titre foncier. Les cas de retrait et d’annulation sont énumérés par les articles 2 (4) et 2(6) du décret de 2005.

 

Les autorités compétentes pour régler les litiges survenus après la procédure d’immatriculation ?

Il faut d’abord déterminer  la nature du litige. Quand la procédure est à son terme, on  obtient  le titre foncier. C’est ce titre foncier que l’on conteste généralement. L’autorité exclusivement  compétente, comme dit plus haut, est le ministre chargé des Domaines et des Affaires foncières en vue du retrait ou de l’annulation du titre foncier (Cf. art. 2(4), 2(5) et 2(6) du décret précité.),  s’il est démontré que l’administration a commis une faute pendant la procédure d’immatriculation.  Par exemple, un titre foncier a été délivré avant la publication au bulletin des Avis Domaniaux et fonciers de l’avis de clôture de bornage : art. 16 nouveau (1) ; ou bien un titre foncier a été délivré alors qu’il n y a aucune borne sur le terrain.

S’il n’a pas été prouvé que l’administration a commis une faute pendant la procédure d’immatriculation, le titre foncier est inattaquable, intangible et définitif. Tout ce qui reste à un éventuel contestataire de faire est de saisir la juridiction  civile compétente, en cas de dol, pour être dédommagé par l’auteur du dol : article 2 nouveau (1et 2). C’est par exemple le cas d’une personne, frère du défunt qui, obtient régulièrement  un titre foncier sur un terrain de la succession de ce défunt, qui a pourtant laissé un enfant légitime. Cet enfant, qui ne rapporte pas la preuve de la faute de l’administration lors de l’immatriculation, bien que c’est lui qui ait qualité pour immatriculer  ce terrain, ne peut obtenir ni le retrait, ni l’annulation du titre foncier. S’il a été lésé dans son droit par son oncle, il ne lui reste que le droit de saisir une juridiction civile pour obtenir des dommages et intérêts suite à la condamnation éventuelle de cet oncle.

 

Quelle est la typologie des recours?

Il existe d’abord le recours gracieux (voir supra). Il existe ensuite le recours hiérarchique (voir supra).

Il existe en  troisième lieu le recours en retrait du titre  foncier  qui consiste à sortir de l’ordonnancement juridique, un titre foncier litigieux en cas d’irrégularité commise au cours de la procédure  de son obtention et au vu des actes authentiques produits.  La requête en retrait doit être établie dans les deux mois consécutifs à la délivrance dudit titre foncier. Mais en général, la computation des délais par le juge, à l’instar du régime de la notification, se fait pour compter du jour où la victime du titre foncier faisant grief a eu connaissance de son existence.

En quatrième  lieu, on peut citer le recours en constat de nullité d’ordre public de titre foncier. C’est un instrument de police administrative permettant au ministre en charge des Domaines et des Affaires Foncières de maintenir ou de rétablir l’ordre public en matière foncière et domaniale face à des situations de très graves irrégularités menaçant gravement les droits et la sécurité juridique des personnes.  Selon  les dispositions de l’article 2 nouveau (6) du décret précité « un titre foncier est nul et d’ordre public dans les  cas suivants: lorsque  plusieurs titres fonciers sont délivrés sur un même terrain ; dans ce cas, ils sont tous déclarés nuls de plein droit, et les procédures sont réexaminées pour déterminer le légitime propriétaire. Un nouveau titre foncier est alors établi au profit de celui-ci ;

Lorsque le titre foncier est délivré arbitrairement sans suivi d’une quelconque procédure, ou obtenu par une procédure autre que celle prévue par la loi à cet effet ;

Lorsque le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur une dépendance du domaine public ;

Lorsque le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur une parcelle du domaine privé de l’Etat, d’une collectivité publique ou d’un organisme public, en violation de la réglementation.

En cinquième lieu, il y a le recours en rectification d’un titre foncier prévu par les articles 39 nouveau  à 40 du décret sus évoqué. La rectification consiste en la régulation des omissions ou erreurs commises dans le titre de propriété ou dans les inscriptions, par exemple : l’orthographe d’un nom, le numéro d’un lot, la superficie du terrain.

En sixième lieu, l’on peut citer le recours en indemnisation évoqué plus haut.

 

Propos recueillis par Emilienne N. Soué

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