TEXTE JURIDIQUE L’acte de gouvernement et l’office du juge administratif

Chargé de cours Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (UYII- Soa) - Chef de la Crc-Daj Minatd

Eléments de droit comparé et du droit positif camerounais

L’acte de gouvernement est une notion strictement jurisprudentielle et d’affinage doctrinal constant. La notion trouve son origine dans la tradition juridique française en ce que le Conseil d’Etat s’est refusé de contrôler les actes du Gouvernement pris dans un mobile politique. Cette position de la haute juridiction administrative française va permettre au Gouvernement de se soustraire du contrôle du juge, en ce que tout acte du Gouvernement peut devenir un «acte de Gouvernement» dès lors qu’un mobile politique est avancé pour le justifier.

Il s’agit plus exactement d’un acte qui est la marque de la collaboration des pouvoirs souverains de l’Etat (Exécutif/Législatif), d’un acte qui matérialise les rapports de l’Etat avec les Etats étrangers et dont il ne revient pas au juge administratif d’en connaître (G. VEDEL). Il s’agit également d’un acte qui incarne la fonction gouvernementale distincte de la fonction administrative (R. CHAPUS), d’un acte qui a vocation à pourvoir aux besoins de la société politique toute entière, de veiller aux rapports des citoyens avec la puissance publique (E. LAFERRIERE). En dernière analyse, il s’agit d’un acte pris en considération de mobiles d’ordre politique dans la mesure où «le spectre de la raison d’Etat plane continuellement sur la notion d’acte de Gouvernement» (J.F. BRISSON).

Cette position jurisprudentielle va connaître un infléchissement considérable avec l’arrêt Prince Napoléon (C.E. 12 février 1875) qui consacre la notion d’ «acte détachable». Cette dernière a ceci de particulier qu’elle permet au juge de s’en tenir à une conception restrictive de l’acte de Gouvernement. Voir dans ce sens:

°C.E. 17-17-1982, Société Radio Monte-Carlo (acte détachable de la conduite des relations internationales);

°C.E. 29-06-1990, GISTI (interprétation des traités);

°C.E. 25-09-1998, MEGRET («fait détachable des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif» au sujet d’un acte par lequel le Chef du Gouvernement charge un parlementaire d’une mission temporaire).

LA CONSISTANCE ACTUELLE DE L’ACTE DE GOUVERNEMENT

-Les rapports du pouvoir exécutif avec le Parlement et les autres pouvoirs constitués:

°Le refus de déposer un projet de loi (C.E. 29-11-1968, Tallagrand).

°Le refus de retirer un projet de loi en cours de discussion (C.E. Ass. 19-01-1934, Cie Marseillaise de navigation à vapeur).

°Le décret de promulgation d’une loi (C.E. 03-11-1933, Desrumeaux).

°La décision du Président de la république de constituer un comité consultatif en vue de formuler des propositions de révision de la Constitution (C.E. 03-12-1933, Syndicat des justiciables BIDALOU, MEYET et autres).

°Le décret de dissolution de l’Assemblée Nationale (C.E. 20-02-1989, ALLAIN c/ Président de la République).

°La décision du Président de la République de recourir au référendum (C.A Ass. 19-10-1962, BROCAS).

°L’attribution par le Président de la République des pleins pouvoirs (C.E. Ass. 02-03-1962, Rubin de SERVENS).

°Les actes de nomination du Président de la République (C.E. Ass. 09-04-1999, Mme BA).

- Les rapports du pouvoir exécutif avec les Etats étrangers:

°La décision de suspendre l’application d’un traité international -à ne pas confondre avec le non respect des obligations internationales de l’Etat- (C.E 23-09-1992, GISTI et MRAP; C.E. 16-03-1962, Prince SLIMANE BEY).

°Le refus du Gouvernement d’assurer la protection diplomatique de ses ressortissants à l’étranger (C.E. 25-03-1988, SAPVIN).

°Le refus de créer une zone de sécurité dans les eaux internationales (C.E. Ass. 11-07-1975, Paris de BOLLARDIERE).

°La décision du Président de la République de procéder aux essais nucléaires (C.E. 29-09-1995, Association Greenpeace France en  ce que, la décision du Président de la République de procéder à la reprise des essais nucléaires «n’est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France et échappe, par suite, à tout contrôle juridictionnel»).

Au regard des éléments du droit comparé et de ce que l’on peut qualifier de mimétisme juridique, le droit positif camerounais s’inscrit ipso facto dans cette logique, ce à quoi s’ajoutent certains points spécifiques tels que le contentieux de la désignation des chefs traditionnels (art. 16 du Décret n°77/245 du 15-07-1977 en ce que «les contestations soulevées à l’occasion de la désignation d’un chef sont portées devant l’autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et en dernier ressort»; l’art.1er de la loi n°80-31 du 27-11-1980 en ce que «les juridictions de droit commun et de l’ordre administratif sont dessaisies d’office de toutes les affaires pendantes devant elles et relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des chefs traditionnels»); le contentieux relatif à la délimitation des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel (art.2 de la loi n°2003/016 du 22-12-2003 portant règlement des litiges relatifs aux limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel en ce que «est irrecevable, nonobstant toute disposition législative contraire, tout recours judiciaire en annulation d’un acte administratif pris pour le règlement des litiges relatifs aux limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel»). Et, dans une moindre mesure, le contentieux des emplois temporaires dans l’administration (art.1er de la loi n°2008/013 du 29-12-2008 relative au règlement du contentieux lié aux emplois temporaires dans la Fonction publique, en ce que ledit contentieux est réglé de plein droit par le Ministre en charge de la Fonction publique). La juridiction administrative camerounaise a, à maintes reprises, eu l’occasion de confirmer cette position et d’en préciser les contours. Citons entre autres: CS/CA, ord du 25-08-2004, TAKILE Jean c/ Etat du Cameroun; CS/CA 31-10-2002, Collectivité NZUONKWELLE c/ Etat du Cameroun; CS/CA 22-02-2010, DHIN DIPPAH Samuel c/ Etat du Cameroun; CS/AP, 19-03-1981, Etat du Cameroun c/ Enfants du chef Banka; KOUANG Guillaume c/ Etat du Cameroun et Collectivité Deido c/ Etat du Cameroun.

Il faut enfin considérer la jurisprudence établie en matière de la répression du terrorisme dont l’action des pouvoirs publics n’est pas susceptible de recours devant la juridiction administrative (CFJ/AP, 15 mars 1967, Société forestière de la Sanaga c/ Etat du Cameroun) et qu’il  s’agit de spécifier par rapport aux opérations de maintien de l’ordre dont le contentieux est attribué aux juridictions administratives (art. 2 §3(e) de la loi n°2006/022 du 29 -12-2006 fixant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs).

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