Trancher un litige peut amener le juge à être confronté à  des points techniques échappant à ses compétences ordinaires et à celles des parties. En guise de palliatif, recours est souvent fait à des techniciens de spécialités variées. Ce sont les experts. Leur intervention est bien encadrée. Analyse du contexte juridico-judiciaire camerounais.
L’expert judiciaire est un professionnel ayant prêté serment, appelé à la barre de manière ponctuelle, pour éclairer le juge sur un point technique soulevé au cours d’un procès. On lui conteste souvent le statut d’auxiliaire de justice, pourtant, cela n’entame en rien l’importance de plus en plus croissante de sa participation dans l’activité judiciaire. Ce professionnel peut appartenir à des domaines aussi variés que diversifiés. Ainsi, le juge peut appeler un expert en architecture, propriété industrielle, armes, art, assurances, comptabilité, fiscalité, criminalistique, immobilier , informatique, électronique, santé, médecine, traduction.     Â
Au Cameroun, plusieurs textes fixent le cadre d’exercice de l’expertise judiciaire. Certains sont d’ordre général; c’est le cas du code de procédure pénale, celui de procédure civile et commerciale, ou encore de la loi n°90/037 du 10 août 1990, relative à l’exercice et à l’organisation de la profession d’expert technique et son décret d’application n°92/238/PM du 24 Juin 1992 et le décret n°60/251 du 31 décembre 1960, fixant les modalités d’établissement des listes d’experts, syndics de faillite, liquidateurs judiciaires, administrateurs de biens et commissaires aux comptes. D’autres textes visent une catégorie particulière d’experts. C’est le cas de la règlementation d’Ordres professionnels ou de certains ministères tels que celui en charges des Finances pour les experts en assurance ou de celui en charge l’Energie pour les experts en électricité.
QUI PEUT ÊTRE EXPERT JUDICIAIRE
En principe, pour être appelé à la barre devant un tribunal ou une cour, le spécialiste doit être inscrit dans le tableau national ou la liste de la Cour d’Appel des experts. Aux termes du décret du 31 décembre 1960, en matière civile, les experts sont choisis sur la liste de la Cour d’Appel tandis qu’en matière pénale, le code de procédure oblige le juge d’instruction à se réfèrer à la liste nationale. Pour figurer sur ces listes, il faut être particulièrement qualifié dans une profession bien définie et faire acte de candidature auprès du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de son lieu de travail ou auprès de la Cour de Cassation. Toutefois, un spécialiste peut être choisi en dehors de ces listes, si l’avis des parties est obtenu. Malgré sa désignation par le juge, l’expert peut être récusé par une partie au procès. Les personnes morales ne sont pas admises à l’expertise judiciaire.       D’autres conditions d’admission au métier d’expert sont posées par des textes spécifiques. C’est dans cet ordre d’idées que l’article 52 du règlement n°11/01-UEAC-027-CM-07 portant révision du statut des professionnels libéraux de la comptabilité dispose : «Nul ne peut exercer les fonctions d'Expert Judiciaire en comptabilité s'il n'a pas été préalablement agréé comme Expert -Comptable par une décision du Conseil des ministres de l'UEAC. Par ailleurs, il doit être inscrit sur une liste près du Tribunal ou la Cour d'Appel ».
DÉROULEMENT DE L’EXPERTISE
L’expertise est demandée soit par les parties, soit d’office par le juge. Pour ce qui est de l’ordonnance de l’expertise, elle ressort de la compétence du juge d’instruction. Car, l’expert apporte des preuves. Lorsque le juge prend la mesure, il doit préciser la mission de l'expert. On peut désigner plusieurs experts par affaire. Le jugement par lequel le juge ordonne une expertise ne peut être contesté par voie de recours. L’indépendance est exigée de la part du collaborateur.  Â
Le déroulement de l’expertise s’opère sous le contrôle du procureur de la République. L’expert consigne ses observations dans un rapport qui peut être soit un avis d’expert, soit des conclusions, des analyses, des notes ou des « dire à experts judiciaires ». Il doit agir avec compétence et selon le code de déontologie de sa profession. Ainsi, l’expert en propriété incorporelle agit conformément à l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 révisé en 1999, régissant la propriété intellectuelle. Les experts comptables par exemple se conforment dans le cadre de leurs missions au règlement n°11/01-UEAC-027-CM-07 portant révision du statut des professionnels libéraux de la comptabilité et de la loi n°90/38 du 10 août 1990, relative à l'exercice et à organisation de la profession d'Expert-comptable.
L’article 128 du code de procédure civile et commerciale consacre cette indépendance du juge vis -à -vis des conclusions de l’expert : « Le tribunal n’est point astreint à suivre l’avis des experts, si sa conviction s y oppose ».
LES RISQUES ENCOURUS PAR L’EXPERT JUDICIAIRE
Le professionnel appelé à donner son avis au cours d’un procès, peut s’exposer à des pressions extérieures comme tout autre intervenant au procès. De même, sa responsabilité pénale, civile ou disciplinaire peut être engagée en cas de défaillance. Les pressions tiennent de manière générale à la subornation. Pour ce qui est du risque de sanction pénale, il s’agit notamment de la fausse expertise réprimé par le code pénal camerounais en son article 165 : « Est punie des peines de l’art. 164 (1b), l’expert qui dépose un faux rapport devenu irrévocable » et des avertissements, des mises en garde et exclusion de l’Ordre, si l’expert en fait partie. Lequel article 164 (1) énonce : « Celui qui fait un faux témoignage susceptible d’influencer la décision et dont la déposition est devenue irrévocable est puni : (b) lorsque le faux témoignage est fait devant une juridiction statuant en matière pénale.. »                                                       Â
W. Z.