Pr. Jean-Claude MBARGA: La Sémiotique est d’autant plus importante...

« La Sémiotique est d’autant  plus importante que l’homme est entouré de signes, dès la naissance et jusqu’à la mort »

Professeur des Universités enseignant à l’Ecole Normale Supérieure et dans plusieurs autres universités de renom dans le monde, et par ailleurs, Vice-Président de l’Association Internationale de Sémiotique,  le Pr. Jean-Claude MBARGA, dans un entretien accordé au journal Le Droit, décrypte  le concept de Sémiotique ou science des signes dont le champ d’application est vaste dans la vie sociale.

Bonjour Professeur. Merci de m’accorder cet entretien. Vous êtes une figure marquante du paysage socio-politique de notre pays. Veuillez nous parler de votre parcours tant académique que professionnel…

De manière synoptique, je dirais que j’ai fait mes études primaires et secondaires, ainsi qu’une partie de mes études supérieures au Cameroun, avant de me retrouver par la suite  dans des universités étrangères telles que l’Université de Toulouse-Le Mirail (France) et l’Université Complutense de Madrid (Espagne) où j’ai obtenu un certain nombre de diplômes, jusqu’au niveau hiérarchique le plus élevé. Et une fois rentré au pays, j’ai commencé ma carrière à l’ancienne Université de Yaoundé, au Département de Langues de l’E.N.S. comme Assistant en 1991. Puis, je suis passé Chargé de Cours en 1992, Maître de Conférences en 2000, et Professeur des Universités en 2006. Le 8 Juillet 2004, à l’Université Lumière Lyon 2 (France), j’ai été élu Vice-Président de l’Association Internationale de Sémiotique pour un mandat de 5 ans jusqu’en 2009. A travers moi, c’est tout un continent, le Continent Noir, qui pour la toute première fois se trouvait ainsi hissé au sommet de la plus grande instance mondiale de la Sémiotique. Et le 26 Septembre 2009, à l’Université de La Coruña (Espagne) j’ai été réélu Vice-Président de l’Association Internationale de Sémiotique pour un mandat de 5 ans jusqu’en 2014. En outre, depuis 2005, je suis Coordonnateur Continental de l’International  Communicology Institute du Southern Illinois University Carbondale (USA). Par ailleurs, je suis Professeur Associé et Visiting Professor dans diverses universités et instituts européens et asiatiques, entre autres : l’Université du Maine au Mans (France), l’Université de La Coruña (Espagne), l’Université Normale de Nanjing (Chine), le Finnish International Network University of Semiotics and Structural Studies de Helsinki (Finlande), les Instituts Internationaux de Sémiotique d’Imatra (Finlande) et de Vienne (Autriche). Je suis membre de plusieurs autres sociétés savantes, entre autres : les associations espagnole, andalouse, vénézuélienne, argentine, italienne  et chinoise de sémiotique. Par ailleurs, je suis auteur de plusieurs livres et articles scientifiques publiés à travers le monde (Algérie, Brésil, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Roumanie, Venezuela, etc.).

Vous êtes enseignant au Département de Langues Etrangères à l’E.N.S. de Yaoundé. Quel est l’intérêt de l’enseignement de la langue espagnole, non seulement dans notre pays qui, comme on le sait est bilingue (francophone et anglophone), mais aussi dans le contexte mondial actuel où l’anglais est la première langue d’échange ?

Effectivement, vous posez une question très pertinente, au regard de l’ampleur que prend de plus en plus l’anglais. Mais je dois dire que, si sur le plan international l’anglais devient de plus en plus incontournable, en tant qu’il se situe à la toute première place au niveau des échanges, sur le même plan l’espagnol a nettement engrangé des points, de manière à devenir une langue très importante. Depuis ce prisme d’appréciation, il y a lieu de dire qu’aujourd’hui plus qu’hier, l’intérêt de l’enseignement de l’espagnol s’inscrit dans le souci de notre pays de s’ouvrir et de s’arrimer aux exigences du Village planétaire, l’espagnol étant désormais une langue avec laquelle il faut compter.

Vous êtes également enseignant de sémiotique à l’Université de Yaoundé I, et  comme pour couronner vos prestations scientifiques dans ce domaine, vous êtes Vice-Président de l’Association Internationale de Sémiotique. Parlez-nous de cette discipline en quelques mots.

La Sémiotique est la science des signes au sein de la vie sociale. Elle est d’autant plus importante que l’homme est entouré de signes, dès la naissance et jusqu’à la mort. Autrement dit, tout est signe. Cet état de choses explique le fait que la sémiotique s’intéresse à tout phénomène soumis à l’épreuve de production du sens. D’où par exemple divers champs d’application de la Sémiotique qui rendent compte de son caractère fédérateur. Ainsi nous avons, par exemple :  la sémiotique de la communication et de la locomotion ;  la sémiotique des pratiques culturelles et esthétiques ; la sémiotique de l’espace; la sémiotique de la mondialisation ; la sémiotique visuelle ; la sémiotique littéraire ; la sémiotique du droit, de la politique et de l’économie ; la sémiotique de la médecine ; la sémiotique de la religion ; la sémiotique vestimentaire ; la sémiotique de la lumière ; la sémiotique de la musique ; la biosémiotique ; la zoosémiotique ; la sémiotique des mathématiques ; la cybersémiotique ; la neurosémiotique ; la sémiotique de l’histoire ; la sémiotique du sport, etc.

Quel est l’impact de cette discipline dans le vécu quotidien des entités tant physiques que morales ? La sémiotique peut-elle décrypter une société et permettre son progrès ? Prenons le cas de notre pays...

En tant que science s’intéressant à tout phénomène soumis à l’épreuve de production du sens, la sémiotique ne peut qu’avoir un impact considérable dans notre société. En effet, en tant qu’elle aide à décrypter et à démonter les mécanismes de construction, de fonctionnement et de signification de tout signe (humain, matériel, fait social ou historique, etc.), elle contribue indubitablement au progrès de notre société. Dans le cas de notre pays, je pense par exemple que  des études de sémiotique idiosyncrasique du quotidien peuvent aider, non seulement nos dirigeants à prendre un certain nombre de résolutions allant dans le sens d’une amélioration de leur gestion de la cité, mais également nos compatriotes à procéder à une toilette de leur comportement et à mieux se connaître.

Parlez-nous également de l’Association Internationale de Sémiotique dont vous êtes en ce moment l’un des piliers, et curieusement depuis sa création, le tout premier et le seul homme de couleur membre du Bureau…

Il s’agit de la plus haute instance scientifique de la sémiotique à l’échelle mondiale. Elle est ouverte à tous les chercheurs qui travaillent dans des domaines où la notion de signe est ou peut être discutée. Du point de vue organique, elle comprend : une assemblée générale, un comité directeur comprenant environ 53 pays membres des cinq continents, et un bureau comprenant : 1 président, 5 vice-présidents,  1 trésorier, 1 trésorier-adjoint, 1 secrétaire général, 1 secrétaire général-adjoint chargé du site web, 1 éditeur-en chef de la revue Semiotica assisté d’un adjoint. Effectivement, je suis le seul noir membre du bureau, mais cela n’a aucune importance pour moi, car la science ne connaît pas de frontières de races. Depuis ma toute première élection en 2004 jusqu’à ce jour, tous mes collègues ne cessent d’ailleurs de me le prouver. En outre, il n’est peut-être pas superfétatoire de signaler que toutes les races et tous les continents sont désormais représentés dans le bureau.

Quel est le regard du Professeur des Universités que vous êtes sur la qualité de l’enseignement, et sur le niveau des étudiants aujourd’hui ? Seront-ils capables de prendre la relève ?

Sans circonlocutions, je m’en voudrais de ne pas dire que la qualité de l’enseignement et le niveau des étudiants sont ce que notre société voudrait bien qu’ils soient. Nous avons des problèmes axiologiques réels qui font que nous fonctionnons, comme qui dirait, sans boussole. L’échelle des valeurs est encore très tatillonne, pour ne pas dire simplement à l’envers chez nous. Et tant que notre société ne donnera pas à l’école la place qui est la sienne, la qualité de l’enseignement ne pourra pas être améliorée consensuellement par toutes les parties prenantes ; et parallèlement, les étudiants –qui, pour la plupart, au vu de la situation actuelle, considèrent les études comme un simple adjuvant de la débrouillardise de l’être en société- ne prendront véritablement pas leurs études au sérieux, et par conséquent, ne pourront valablement pas prendre la relève. Malheureusement, je dois le dire pour le déplorer, la situation axiologique actuelle amène par exemple nos étudiants à se dire de manière caricaturale qu’il vaut mieux avoir des mollets permettant de courir après un ballon, que de perdre son temps à apprendre ses leçons...

Propos recueillis par Emilienne N. Soué

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