Discours d'investiture: Cap sur l'économie

Le premier discours du nouveau septennat du Président de la République donne une orientation fortement économique au Cameroun. Paul Biya se donne ainsi l’ambition d’implémenter sa nouvelle politique « des grandes réalisations. »

Dès l’entame de son sixième mandat à la tête de l’Etat, le Président Paul Biya a tenu à faire un pied de nez à ceux qui l’observent depuis le 6 novembre 1982 et qui croient le connaître. Contrairement aux supputations des uns et des autres, le vainqueur de la présidentielle d’octobre 2011 est sorti de ses sentiers battus de la politique pour faire du progrès économique du Pays, son cheval de bataille prioritaire. Ce secteur, précise-t-il « sera sans doute l’une des grandes affaires de ce septennat, c’est-à-dire l’accélération de la relance de la croissance ». L’homme du Renouveau en fait d’ailleurs un point d’honneur. C’est cela ou rien. C’est la raison pour laquelle, si son discours de politique générale du 03 novembre dernier à l’Assemblée Nationale lors de la prestation de serment n’a pas occulté les questions politiques et sociales, il leur a du moins, accordé une portion véritablement congrue, contrairement aux prises de paroles précédentes.

Dans le registre politique justement, son appréciation de notre évolution démocratique bien que juste, apparaît très laconique pour un orateur dont c’est souvent le sujet de prédilection. « Au fil du temps, notre système démocratique s’enracine, se consolide et se perfectionne» affirme-t-il avant de passer aux annonces afférentes à ce secteur. Il s’agit de la mise en place des institutions prévues par la Constitution depuis 1996. « L’Assemblée Nationale sera bientôt épaulée par le Sénat. Le pouvoir législatif sera alors exercé par un Parlement complet où les collectivités territoriales décentralisées seront, elles aussi, représentées. Par ailleurs, le processus de décentralisation, qui se poursuit de façon satisfaisante, sera mené à son terme avec un transfert complet des compétences et la mise en place des conseils régionaux prévus par notre Loi fondamentale. Nous disposerons en conséquence d’une architecture assurant aux citoyens une meilleure participation à la vie publique, avec un bon équilibre entre l’Etat et les collectivités décentralisées. Il nous faudra également installer le Conseil Constitutionnel qui est un organe essentiel pour le fonctionnement de nos institutions. »

Très expéditif sur ce chapitre, le Président de la République a conclu cette partie par un commentaire globalisant de l’évolution démocratique du Pays : « De façon générale, nous pouvons nous féliciter des progrès accomplis sur la voie de la démocratie. Des dispositions ont été prises pour garantir la régularité et la transparence des élections. L’exercice des libertés publiques et le respect des droits humains sont de mieux en mieux assurés. Certes, la critique systématique, par certains, de l’action gouvernementale n’a pas disparu, mais la volonté d’établir un dialogue constructif paraît gagner du terrain. C’est bon signe et j’espère que nous pourrons ainsi trouver des espaces d’entente sur les problèmes d’intérêt national. »

 

ETHIQUE ET CROISSANCE

 

Avant de s’appesantir plus longuement sur les questions économiques, Paul Biya est revenu sur un thème qui lui est devenu récurrent, celui de la moralisation des comportements des citoyens. « Je dois dire que les comportements individuels ne sont pas toujours en harmonie avec la solidarité qui devrait être la marque d’une société démocratique. Trop souvent, l’intérêt personnel prend le pas sur l’intérêt général. Cet état d’esprit est à l’origine de ces dérives sociales que sont la fraude, la corruption, voire la délinquance. »

Une attitude qui doit certainement déboucher sur l’avènement d’un pays plus enclin à la rectitude morale. « Même si le chômage, la pauvreté et les inégalités peuvent expliquer en partie le déclin de la morale publique, nous devrons réagir avec encore plus de fermeté contre ces comportements délictueux auxquels il convient d’ajouter la conduite inadmissible de certains automobilistes irresponsables qui causent de véritables hécatombes sur nos routes. Nous nous devons en effet de continuer à bâtir une République exemplaire en luttant contre la corruption, en consolidant la démocratie. »

« La République exemplaire que nous bâtissons est une République ouverte aux critiques constructives, sans revendication du monopole de la vérité. La République exemplaire est une République de liberté, de tolérance et de civisme. Et je dois dire que je compte sur la participation de tous et de chacun, notamment des jeunes et des femmes, pour impulser la Nouvelle Dynamique dans tous les secteurs d’activités, pour mener à bien la mission qui m’a été confiée. »

Abordant ensuite les questions fondamentales d’économie, le Président a choisi de faire un flash-back sur la situation antérieure du Pays. «Il n’y a pas si longtemps, notre gestion budgétaire se caractérisait par de nombreux dérapages. Nous peinions à assurer le versement régulier des salaires et pensions des agents de l’Etat et le service de la dette. Les contraintes de l’ajustement structurel limitaient nos ambitions. Nous devions négocier pour atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE. »

Visiblement satisfait des résultats produits par de nombreuses et douloureuses réformes, Paul Biya peut donc aisément orienter l’avenir économique de son Pays, le Cameroun. « Aujourd’hui, nous avons remis de l’ordre dans nos finances publiques. L’allègement de notre dette nous a donné de nouvelles marges de manœuvre. Nous disposons désormais d’une vision à long terme qui fixe les étapes de notre marche vers l’émergence et de la stratégie pour la croissance et l’emploi qui nous guidera pendant les prochaines années. Bref, nous savons où nous allons et sommes libres de nos choix. La récente crise économique et financière, même si elle n’a pas remis en cause les fondamentaux de notre économie, a freiné notre élan au moment où nous nous apprêtions à lancer nos grands projets agricoles, miniers, énergétiques et infrastructurels. Je suis heureux de pouvoir dire maintenant que, malgré un contexte mondial encore marqué par la morosité et par d’inhabituelles convulsions, la plupart de ces projets vont prochainement prendre corps et transformer radicalement l’économie de notre pays. »

Comment devra-t-on procéder pour booster la croissance économique camerounaise ? Le Chef de l’Etat insiste sur quelques-unes des actions phares à entreprendre dès cette entame de septennat. S’agissant de l’agriculture, « Il nous faudra pour cela sortir des sentiers battus, changer de méthodes et mettre en œuvre des moyens modernes. Un seul exemple : réaliser, au Cameroun ou dans le cadre de la CEMAC, un vaste programme de production d’engrais à la mesure des besoins de notre agriculture… Nos projets dans le domaine de l’énergie sont désormais en bonne voie. Les barrages de Lom Pangar, Memve’ele, Mekin et les centrales qui leur sont associées, seront une réalité dans les prochaines années. D’autres suivront avec l’aménagement du cours de la Sanaga. Le cauchemar des pénuries sera alors derrière nous. Il convient toutefois de s’interroger sur l’origine des défaillances que nous avons connues. Entre projets mal gérés et engagements non tenus, les responsabilités devront être établies. Le problème du déficit d’énergie réglé avec le renfort de l’exploitation de nos gisements de gaz et l’apport des centrales thermiques, nous allons pouvoir relancer nos industries à partir de nos ressources minières et agricoles. Nous serons ainsi en meilleure position pour transformer nos matières premières, avec le double avantage d’obtenir un surplus de valeur ajoutée et de réduire nos importations. Nous aurons alors une industrie digne de notre pays. L’agriculture, l’énergie et l’industrie ont pour dénominateur commun un réseau d’infrastructures adapté à une économie en expansion. Ce réseau a été amélioré de façon visible dans la période la plus récente. De nouveaux projets de routes, d’installations portuaires, de lignes de chemin de fer, de télécommunications et de liaison par fibre optique sont en cours de réalisation ou sur le point de l’être. Ils permettront non seulement de faciliter les échanges, mais aussi de rompre l’enclavement et par là même de conforter l’unité nationale. »

La question du financement de ces projets considérables destinés à relancer la croissance de la République ne se pose pas, la méthodologie étant d’ores et déjà retenue. Il s’agira « en priorité de faire appel aux investisseurs privés nationaux et étrangers. Si les projets sont bien étudiés et rentables, l’accord pourra être trouvé. Nous nous tournerons également vers les Etats amis qui nous font confiance. Enfin, nous pourrons avoir recours à notre propre budget d’investissement et à l’épargne de nos concitoyens. »

 

REGARD SOCIAL

 

C’est donc sur cet axe majeur de la relance de l’économie que Paul Biya fonde son sixième septennat dit des « grandes réalisations ». Mais peut-on véritablement aboutir à des résultats économiques importants tels que l’envisage le Président de la République sans une aggiornamento des Camerounais eux-mêmes ? Qui d’autre que lui pour poser un diagnostic accablant de la triste situation de  ses compatriotes ?

 

« Il faut avoir le courage de le reconnaître, les conditions de vie d’une partie de notre population sont très difficiles, particulièrement dans les zones rurales et à la périphérie des centres urbains. Ce sont pour la plupart des petits paysans, des chômeurs, des jeunes qui n’ont pu trouver d’emploi, des retraités ou des personnes âgées sans ressources. Notre pays ne fait pas exception en Afrique. Même dans les pays développés, la pauvreté s’étend. Une création de richesses insuffisante, une forte démographie, un environnement international défavorable et un mode de développement inadapté, telles sont les raisons principales d’une situation qui rejette dans l’exclusion des centaines de millions d’individus dans le monde. Au Cameroun, qui n’est peut-être pas le plus mal loti, nous nous efforçons de trouver des solutions à la mesure de nos moyens.

Le chômage, véritable fléau social, est le mal le plus difficile à combattre. L’Etat crée des emplois publics selon ses possibilités. Au cours des dernières années, il a intégré des milliers de jeunes dans la fonction publique, notamment dans l’armée et les services de sécurité, l’enseignement et la santé. Actuellement, le recrutement de 25 000 diplômés que j’avais annoncé est effectif. Mais, nous le savons, là n’est pas la vraie solution. C’est seulement la relance et l’accélération de la croissance qui permettront de régler progressivement le problème du chômage. Ce sont les grands projets et la révolution agricole qui ouvriront à beaucoup les portes de l’emploi. C’est la raison pour laquelle je m’engage, pour la part qui est la mienne, à les faire aboutir dans les meilleurs délais possibles. »

Cet engagement à résoudre les problèmes sociaux que prend le Père de la Nation Camerounaise à l’endroit de ses concitoyens, est si poignant qu’il n’a pas hésité à donner des détails  sur les actions précises à mener.

« Une autre dimension importante de la question concerne la professionnalisation de notre système éducatif. Cette mutation est en cours et l’on peut penser qu’elle donnera les résultats escomptés. Je ne m’étends pas sur l’effort particulier qui a été fait pour multiplier les établissements scolaires de divers degrés et étendre notre réseau universitaire. Vous en constatez comme moi les résultats. Je suis confiant qu’à terme nous en percevrons les dividendes au plan de l’emploi.

Faciliter l’accès aux soins de santé et aux médicaments de qualité est une autre façon d’améliorer les conditions de vie de notre population, surtout pour les plus démunis. Des progrès indéniables ont été faits à cet égard. Ils restent insuffisants. C’est pourquoi nous continuerons à ouvrir de nouveaux centres de santé et à apporter à nos formations hospitalières les équipements de pointe qui leur font défaut parfois. Dans toute la mesure du possible, nous étendrons la gratuité ou la réduction du coût des soins pour les pandémies ou les maladies infantiles. La mise en place, dans le cadre de notre système de sécurité sociale, d’un dispositif d’assurance maladie facilitera l’accès aux soins des moins favorisés.

Beaucoup reste à faire, c’est vrai, pour mettre à la disposition des Camerounais un approvisionnement suffisant en électricité et en eau potable, préalable indispensable pour assurer des conditions de vie et de santé acceptables. Je crois pouvoir dire qu’avec la réalisation des projets énergétiques que j’ai évoqués et le programme d’adduction d’eau qui a démarré, la situation, de ce point de vue, devrait s’améliorer considérablement.

L’habitat demeure la priorité de notre action. Le programme de construction de 10.000 logements sociaux sera réactivé, en concertation avec le secteur privé et les autres partenaires nationaux et internationaux.»

La feuille de route présidentielle  ainsi déroulée, Paul Biya en seul maître du navire Cameroun donne une orientation globale conclusive de son discours sous la forme d’une conviction forte : « tous ensemble, Camerounais des villes et des villages, de l’intérieur et de l’extérieur, sans discrimination de quelle que nature que ce soit, nous pouvons, mieux, nous devons résolument transformer le Cameroun en un chantier de l’émergence, c’est-à-dire :

• en un pays qui crée des richesses et les redistribue de manière équitable,

• en un pays qui offre à tous des opportunités égales d’épanouissement,

• en un pays à la croissance économique forte et durable,

• en un pays à la sécurité alimentaire renforcée,

• bref en un pays du bonheur de tous et de chacun. »

Depuis le 03 novembre dernier, les Camerounais et le monde entier savent exactement dans quelle direction le pays de Roger Milla ira pour les sept prochaines années, grâce au discours d’investiture du Président Paul Biya. L’on sait aussi que ce plan d’action global s’intègre harmonieusement dans la vision 2035, déjà énoncée depuis quelques temps à travers le DSCE, Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi, véritable boussole et outil de management de l’Etat pour atteindre l’émergence à l’horizon 2035.

Alors, la vision est-là, elle fait d’ailleurs quasiment l’unanimité, les outils sont définis, les ressources financières sont même ciblées, il ne restait plus qu’à définir les ressources humaines chargées de l’implémentation de ce brillant programme. C’est chose faite depuis le 9 décembre dernier avec la mise en place du premier Gouvernement du septennat en cours. Une seule certitude, le pilote s’appelle Paul Biya et il exige de la nouvelle équipe Yang, plus de dynamisme et d’efficacité. C’est désormais l’ère de la gestion axée sur les résultats. « L’heure est à l’action», conclut-il en guise de nouvelle approche et surtout de mise en garde.

Denis Alain MBEZELE ANYA

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