DROIT ALIMENTAIRE: Premier rapport d’Olivier De Schutter

« Il faut aller vers une loi-cadre sur le droit à l'alimentation et il faut aller vers l'adoption d'une stratégie nationale plus réelle, pour réaliser le droit à l'alimentation », a conclu le rapporteur spécial de l’Onu sur le Droit à l’alimentation au terme de sa visite au Cameroun.

Qui dit droits de l’homme dit droit à la vie et qui dit droit à la vie dit droit à l’alimentation. C’est en substance le message que le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation a véhiculer au terme de sa visite de travail au Cameroun. Visite au cours de la quelle il a pu se rendre compte  du niveau réel de la  sécurité alimentaire du Cameroun.

Le Rapporteur spécial part du constat selon lequel « Au Cameroun, les indicateurs sur la sécurité alimentaire sont au rouge malgré les mesures prises à la sortie de la crise de 2008 et la hausse des revenus liés à l’importante exploitation de ressources naturelles ». En effet l’expert onusien rappelle que ses conclusions sont le fruit d’une pléthore de rencontres avec les autorités étatiques : une dizaine de membres du gouvernement, des honorables députés, y compris le très honorable Cavaye Yégyié Djribril, président de l’Assemblée Nationale. Ainsi que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme. Il s’est aussi appuyé sur les faits observés lors des voyages qu’il a effectués dans le pays profond.

ETAT DES LIEUX

Monsieur de SCHUTTER fait remarquer de manière générale que  «l’insécurité alimentaire dans le pays demeure forte, 33% des enfants sont en situation de malnutrition chronique ». Selon lui cet état des choses est dû à la recrudescence des catastrophes naturelles et des chocs climatiques. Dans les enquêtes menées auprès des populations vulnérables à l’exemple des prisonniers, il ressort qu’ «il y a une surpopulation considérable qui tient notamment à un recours abusif à la détention préventive et l’alimentation des détenus n’est pas à la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un pays comme le Cameroun ». Le sort des populations locales n’est pas meilleur. Le rapporteur spécial fait le constat selon lequel le gouvernement camerounais, au mépris de la Constitution et des textes internationaux, n’accorde pas aux pygmées l’attention qu’ils méritent.

L’examen du Document Stratégique pour la croissance et l’Emploi révèle l’ambition du Cameroun d’augmenter la production agricole de 30%  en augmentant aussi la superficie des surfaces cultivables. Cette ambition de dérouler le tapis aux investisseurs de l’agro-industrie fait planer la crainte de la marginalisation de l’agriculture paysanne et des populations autochtones et même de la redistribution des richesses. Selon le diplomate suisse, «Le Cameroun, comme d'autre pays de la région, est devenu extrêmement attractif pour les investisseurs qui aujourd'hui, veulent s’accaparer les ressources naturelles des pays du sud. » Cette tendance exige que les autorités étatiques du  Cameroun prennent des précautions pour assurer le droit à l’alimentation à toutes les populations du Cameroun.

Mieux se préparer…pour une gouvernance responsable des régimes fonciers Le Rapporteur spécial suggère un certain nombre de propositions plus à même d’aider le Cameroun à assurer une sécurité alimentaire durable. «Se préparer c’est développer une agriculture plus résistante aux chocs climatiques, c’est développer des programmes d’agroforesterie qui permettent de mieux régénérer les sols par exemple à travers l’acacia Sénégal qui est un arbre de cette région. C’est développer l’aménagement des parcelles cultivées afin que celles-ci puissent mieux retenir les précipitations, capter l’humidité des pluies ». Pour ce qui est de l’amélioration des conditions de vie des couches vulnérables, l’expert onusien pointe du doigt la volonté politique qui ne doit pas prétexter le manque de ressources budgétaires pour justifier le mauvais entretien des prisonniers et la marginalisation des pygmées. Tout dépend de la volonté politique et du cadre juridique. Le Pr. De SCHUTTER interpelle à ce sujet les magistrats qui doivent faire montre d’audace et d’impartialité dans leur office. « On connait les exemples, y compris en Afrique, où les juridictions sont venues au secours du droit à l’alimentation, rappelant aux autorités la nécessité de prendre en compte par exemple les petits pécheurs artisanaux ou les petits éleveurs. J’ai aussi rappelé au gouvernement que le droit à l’alimentation supposait sa protection effective par des tribunaux dont l’indépendance, l’impartialité sont à l’abri de tout soupçon ». Il est aussi vrai qu’une règlementation propre à ce droit est indispensable pour éclairer l’action des juges « Il faut aller vers une loi-cadre sur le droit à l'alimentation et il faut aller vers l'adoption d'une stratégie nationale plus réelle, pour réaliser le droit à l'alimentation.»

Sur le plan social, le Rapporteur spécial suggère une protection sociale universelle : « le Cameroun peut aujourd'hui aller loin. Il doit aller à l'horizon 2020, vers le déploiement d'une protection sociale universelle, à l'échelle du pays. C'est abordable. D’après les estimations de  l'organisation internationale du travail. La couverture sociale universelle couterait moins de 6% du produit national brute du Cameroun. » La question foncière enfin requiert une attention particulière ; Pour De SCHUTTER, « les personnes qui dépendent des forêts et de la terre doivent être protégées contre les risques d’expropriation ». Il recommande « une mise à plat du régime foncier au Cameroun, dans un but de mieux protéger les usagers de la terre y compris ceux des populations autochtones, et dans le but aussi d'aligner le droit camerounais sur les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicable aux terres. Ces directives volontaires ont été adoptées en mai dernier par le comité de la sécurité alimentaire mondiale. »

LE CAMEROUN, UN PAYS RICHE ?

« Le Cameroun est un pays qui peut être riche à l'avenir, les ressources naturelles dont il dispose sont un atout considérable dans les années qui viennent », soutient clairement M. le Rapporteur spécial. Mais, toujours d’après lui, le tout repose sur les pratiques du gouvernance des autorités, notamment dans la manière de négocier les contrats d’exploitation minière et la politique de redistribution des retombés des ressources aux populations. Pour M. le Rapporteur spécial, le Cameroun doit utiliser le maximum de ces ressources pour garantir le droit à l’alimentation à toute sa population. « Nous sommes à une époque où le rapport de force entre les pays qui ont les capitaux et les pays qui ont les ressources a changé. Et le Cameroun peut et devrait pour sa population être plus ambitieux dans la négociation des accords qu'il noue avec ses investisseurs. ». Il est enfin nécessaire qu’il soit établi un rapport de confiance entre le gouvernement et la société civile. « Je parle souvent avec des gouvernements qui sont pleins de bonnes intentions, mais qui n'écoutent pas suffisamment les populations bénéficiaires, du coup ces programmes sont mal ciblés, mal orientés et en fin de compte inefficaces ». Dans cet esprit, le Rapporteur Spécial suggère l’institution d’un organe indépendant de contrôle du gouvernement sur l’engagement de ce dernier à garantir le droit à l’alimentation. Cet objectif, reconnait M. DE SCHUTTER, ne peut être atteint que s’il est adopté une loi cadre : « j'en appelle à la mise en chantier d'une loi-cadre sur le droit à l'alimentation »

Achille Magloire NGAH

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