Le procureur de la République mis a nu

Ancien procureur de la République et actuel juge d’instruction à Bertoua, Ferry Armand Mpinda vient de mettre en lumière dans un ouvrage, tous les contours de la fonction de procureur dans le système judiciaire…

La simple évocation de son titre fait trembler de crainte les citoyens en indélicatesse ou simplement aux prises avec la justice. Le Parquet ou plus précisément le procureur est littéralement « déifié » dans les rapports entre la justice et le justiciable au Cameroun. Mais que cache ce statut qui découle de celui de magistrat. Pour ne pas faire mentir le constat sus-mentionné, les Presses Universitaires d’Afrique (PUA) qui ont édité le juge Ferry Mpinda, n’ont pas manqué de préciser que « de la pluralité des acteurs qui concourent à la matérialisation de la Justice, le procureur de la République émerge comme étant l’un des plus actifs et des plus attendus. Il est aussi l’un des plus controversés », dans un contexte où la place centrale de la Justice dans la régulation des rapports sociaux n’est plus à démontrer. C’est à lui que revient la charge de faire respecter les interdits et de préserver les valeurs dans un contexte où la dévaluation de celles-ci va galopante. Ces mots sont bien de ceux de l’éditeur qui ajoute que l’histoire et la place du procureur au Cameroun sont fortement marquées par des interrogations et des dénonciations sur « sa toute puissance » ou plutôt parfois sur « son incapacité » dans la mise en branle de son rôle dans l’information judiciaire ainsi que dans les autres matières, répressives ou non. Telles sont donc au demeurant, les deux faces de cette autorité judiciaire qui construisent la trame du livre.

En tout état de cause, l’éditeur veut voir dans cet ouvrage « courageux », « une étude d’abord juridique, par l’abondance des références dans le domaine, mais aussi finalement une étude sociologique parce qu’au-delà des apprenants, chercheurs et praticiens du droit, elle interpelle le magistrat, le citoyen, le fonctionnaire, le travailleur, sur sa contribution à la sauvegarde de l’intérêt général et au progrès ».

A QUOI SERT LE PROCUREUR ?

En marge de l’essai du magistrat Mpinda, le rôle du procureur dans l’appareil judiciaire est en grande partie consigné dans le Nouveau code de procédure pénale qui vient de voir célébré son anniversaire de 10 ans. Sa puissance y est indéniable : le procureur de la République est donc celui qui peut décerner des mandats de comparution,  d’amener, de perquisition, d’extraction ou même de détention provisoire en cas de flagrant délit. En même temps, le procureur de la République est celui à qui les  officiers de police judiciaire adressent quotidiennement, l’état des personnes gardées à vue dans leurs services. C’est encore sous la direction du procureur de la République que  la police judiciaire est exercée, par les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et tous autres fonctionnaires ou personnes auxquelles des lois spéciales confèrent des pouvoirs de police judiciaire. Mais par-dessus toute chose,c’est le procureur de la République qui détient le pouvoir d’apprécier qu’une affaire est ou non opportune à poursuivre.                                     

Face à la multidimensionnalité qui caractérise le statut et rôle de ce personnage de l’appareil judiciaire, le livre du magistrat Mpinda est plus qu’un outil d’appoint. En effet, dans la première partie du livre, l’auteur analyse le procureur de la république dans l’information judiciaire. Il s’agit précisément de son intervention au début de l’information judiciaire, avec le choix du mode de poursuite que ce magistrat possède. Entre les cas d’hypothèses légales et la correctionnalisation judiciaire, la place de l’opportunité des poursuites souvent reconnue au juge du Parquet est fortement attendue. La notion de correctionnalisation judiciaire est analysée à la lumière de la pratique ainsi que de ces limites. Mais, aussi, il est question de l’intervention du procureur en cas de plainte avec constitution de partie civile, celle-ci étant parfois une intervention obligatoire. L’auteur revient sur les interrogations suscitées par l’intervention du procureur de la République après la communication d’une plainte avec constitution de partie civile ainsi que sur les réquisitoires aux fins d’ouverture de l’information judiciaire ou de non ouverture de l’information judiciaire.

Le souci d’exhaustivité qui gouverne l’intervention du procureur dans l’information judiciaire amène M. Ferry Mpinda à décortiquer ce qu’il présente comme une « participation illimitée à l’information judiciaire » notamment au travers de l’assistance aux actes de l’information judiciaire. Par ailleurs, l’auteur décline une question : le procureur de la République est-il partie principale de l’information judiciaire ? Comme raison justifiant son interrogation, l’auteur relève l’ignorance du procureur de la République par le juge d’instruction ainsi que le défaut d’information à son encontre. A cela s’ajoute même le refus de communication qui peut lui être opposé.

Au bout de ces questions qui susciteront peut-être une réforme des rapports entre juge d’instruction et procureur, le livre ausculte les contours de l’intervention du procureur de la République au terme de l’information judiciaire. Son droit d’appel, les actes concernés par ce droit de faire appel, la procédure, les conséquences, l’impact de l’appel sur le cours de la procédure ainsi que les zones d’ombre à éclaircir. Tout y passe. 

LE PROCUREUR N’EST PAS INHUMAIN

Dans la deuxième partie de son essai, l’ancien procureur d’Edéa analyse la protection des droits de l’homme par le procureur de la République, par rapport à la garde à vue, à la détention. Il revient aussi sur son rôle, quant à la protection de l’intégrité physique et morale, en rappelant précisément le régime de la sanction de la torture et des atteintes à la dignité humaine ainsi que les contours de la sauvegarde du droit au repos et l’absence d’artifices.

En outre, il transparaît du livre que le procureur de la république est un professionnel au service de la défense de la loi  en matière répressive, en dehors, avant, après et pendant l’audience. Mais aussi, la défense de la loi en matière non répressive.

Comme pour mieux asseoir la volonté pratique de son essai, Armand Mpinda ajoute dans les annexes, des arrêts et des décisions de justice à l’instar de celle de Ia Cour Européenne des Droits de l’Homme (arrêt du 20 novembre 2010 rendu dans le cadre de l’affaire Moulin c. France). On  peut aussi profiter des arrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage CCJA, notamment l’arrêt N°003/2002 du 10 janvier 2002 de l’affaire Siem c. Société Atou et Bicici° ou encore la décision du Tribunal de première instance de Bertoua avec une ordonnance d’irrecevabilité, celle n°06/CI/J3/COR du 26 octobre 2015 prise dans le cadre de l’affaire groupement actif des douanes de l’Est c. Inconnu../

 Willy Zogo

Armand Mpinda

240 pages

2016

Presses universitaires d'Afrique 

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