Editorial Le Droit N° 039

Par Emilienne N. Soué

Politique pénale : Et si la prison n’était pas toujours la solution?

De tout temps, la prison a eu pour vocation de punir délinquants et criminels, et d’en protéger la société et, en théorie, de conduire les coupables à s’amender. L'incarcération est ainsi devenue, au Cameroun, l'unique réponse pénale, ou presque, pour tous les délinquants. Les mutations induites par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), couplées avec la mobilité des individus, ont drainé avec elles de nouveaux délits et crimes à l’instar du terrorisme. Au Cameroun, le phénomène du djihadisme transnational a amené  les pouvoirs publics à pousser la politique répressive aussi loin que possible : la loi antiterrorisme seule a accru la sévérité de la politique pénale, jusqu’à la sentence de la peine de mort: “La promulgation de la loi antiterrorisme était une ardente nécessité dans un pays victime d’attaques terroristes dont le nombre, l’intensité et l’ampleur vont croissants”, confiait alors le professeur James Mouangue Kobila,vice-président du Cndhl, dans une interview accordée au journal le Droit, dans édition de janvier-Février 2015. Une loi qui, si elle était appliquée en l’état, remplirait les prisons camerounaises de membres de la secte Boko haram. Le Cameroun étant  donc en proie au problème de surpopulation carcérale, dans des conditions souvent lamentables. Celle-ci est plus nombreuse que jamais (4500 personnes incarcérées, pour 1500 places dans la prison de Kondengui par exemples). Pis, le risque de récidive est nettement plus élevé chez les petits délinquants, exposés à des séjours fréquents derrière les barreaux. Les récidivistes sont plutôt les condamnés pour les délits les moins graves. Enfin, la prison coûte beaucoup plus cher à l’Etat que les peines alternatives.

 

Tout semble indiquer que les mesures alternatives protègent mieux de la récidive que la prison. Elles contribuent à la resocialisation d’anciens détenus, “réduisent le prononcé des courtes peines d’emprisonnement,c’est-à-dire, des peines applicables aux délits passibles d’un emprisonnement inférieur à deux (02) ans “  et règle, en partie, le problème de la surpopulation carcérale. La question de la surpopulation carcérale préoccupe les pouvoirs publics camerounais. Déjà au centre des réflexions de la première réunion des chefs des Cours d’appel et des délégués régionaux de l’Administration pénale organisée par le Garde des Sceaux, Laurent Esso, en septembre 2015, elle était le sujet consacré des deuxièmes assises du genre, qui se sont tenues les 18 et 19 août dernier. Et ce, dans le sillage de la promulgation du code pénal qui donne une esquisse de solution en ses articles 18-1, 26 et 26-1, traitant des peines alternatives.

En outre, les exemples venant d’autres pays tel le Canada, démontrent qu'entre l'amende et la prison, des peines de "probation", assorties d'obligations et d'un suivi précis, sont beaucoup mieux adaptées pour de nombreux délinquants. Personne ne prétend que de tels dispositifs feront disparaître la récidive. Au Cameroun par exemple, les peines alternatives ne vont pas règler définitivement la question de la surpopulation carcérale. Tout démontre cependant qu'elles peuvent être des voies d’amélioration des conditions de détention. A deux conditions. D'une part, de mettre en place un système de suivi de la mise en oeuvre et de l’exécution des peines alternatives digne de ce nom. D'autre part, d'assumer le risque politique d'une telle philosophie, dans un pays habitué depuis des lustres à penser que la prison est la seule réponse à la délinquance.

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