Dans son premier essai juridique, la «Liberté de saisir et exécution forcée dans l'espace OHADA », paru chez l’Harmattan en 2015, le juriste camerounais, Serge Christian Ekani jette un jour nouveau sur l’attractivité juridique des voies d’exécution.
« Je ne suis plus à France Volontaires, aujourd’hui je suis en Doctorat à l'Université Laval au Canada et continue de réfléchir toujours sur l'OHADA ». Ces propos du jeune essayiste camerounais Serge Christian Ekani traduisent d’emblée de l’intérêt que l’auteur porte au droit des affaires de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des affaires. En 2015, alors qu’il était encore en service à France Volontaires et en même temps inscrit en thèse de doctorat à l’université de Yaoundé II, il s’est particulièrement penché sur la réforme du droit des voies d’exécution entrepris par l’OHADA.
C’est dans la collection « Etudes africaines » que l’Harmattan Paris a permis à l’auteur de la « Liberté de saisir et exécution forcée dans l’espace OHADA » de s’exprimer, et non moins sous la préface respectable de Félix Onana Etoundi, à l’époque, directeur général de l’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature de l’OHADA (Ersuma). Autant dire toute une caution.
Au demeurant, c’est en 374 pages que la liberté de la personne qui saisit les biens de celle qui doit, son débiteur en l’occurrence, est auscultée.
Selon l’auteur, la liberté de saisir suppose qu'il soit reconnu au créancier la possibilité de choisir les mesures et moyens de droit qu'il estime opportuns dans la mise en œuvre de son droit à l'exécution. Etre libre, selon Serge Ekani, doit se comprendre comme la condition sine qua non de la reconnaissance du caractère fondamental du droit à l’exécution et partant, de l'efficacité du droit OHADA. Celui-ci est encadré dans les 17 pays membres de cette Organisation depuis 1998 par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution adopté le 10 avril et paru au journal officiel de l’OHADA n°6 du 1er juillet de la même année 1998. Il est important pour le jeune essayiste que le droit OHADA puisse permettre au titulaire d’un titre exécutoire d’obtenir facilement la matérialisation du droit qui lui est reconnu dans des conditions de facilité et de célérité raisonnables de sorte à exposer le moins de frais possibles.
Le livre du juriste Ekani, postule que le législateur OHADA, à la différence de ses devanciers, aménage à la faveur du créancier, de bonnes possibilités de choix sur tous les champs de la saisie. Il en est ainsi, pour le plan territorial sur lequel peut se déployer la saisie, pour le champ matériel c'est-à-dire concernant les biens à saisir et enfin, pour celui des personnes contre lesquelles la saisie peut être mise en œuvre. Le livre permet de souligner que l’OHADA ne perd non plus de vue que « l'affirmation de cette liberté passe par la recherche constante de l'équilibre entre les parties et donc des intérêts en cause ».
Pour l’ancien volontaire et le permanent juriste, la philosophie des voies d'exécution ne doit avoir de cesse de veiller à ce que les limitations qu'imposent les différents intérêts en jeu ne contredisent jamais fondamentalement le droit de saisir. Dans cette occurrence, l'auteur constate que : « la primeur accordée à l'intérêt général, aux intérêts des tiers, tout autant que l'humanisation de l'exécution forcée par la protection accrue du débiteur, mettent à mal la liberté du créancier et partant, la matérialisation de ses droits. C’est dire que le rapport que l'on peut dresser de la liberté de saisir dans l’espace OHADA reste mitigé à ce jour » résume-t-il.
C’est un essai structurant qui est proposé par l’auteur. L’ouvrage pose la question de savoir si dans le domaine des saisies comme dans celui du procès, le créancier ou son conseil peut user de stratégies, opérer des choix entre les procédés de saisies pour obtenir une exécution facile. En mille questions plus qu’en une, le livre de Serge Ekani aide à se poser et à surtout à répondre à bien de préoccupations pratiques de fond : le droit OHADA laisse-t-il suffisamment des marges de manœuvre au créancier pour choisir les moyens qui lui semblent les plus adéquats pour obtenir une exécution facile du droit dont il a été reconnu titulaire ?
Un titre exécutoire comme obtenu dans un pays donné peut-il permettre une saisie dans d’autres pays de l’OHADA ? Dans ce sens, rappelons que l’article 33 de l’Acte uniforme susmentionné cite comme titres exécutoires, les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute, les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif d’exécution, les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ou encore les actes notariés revêtus de la formule exécutoire. L’essai juridique de Serge Ekani soulève également pour mieux y répondre, la question de savoir quelles sont les manifestations, le contenu et la portée d’une telle saisie « transafricaine »? Et dans la même ligne d’autres interrogations comme celles fondamentales de savoir : Peut-on parler d’une liberté d’exécuter et donc de saisir ? Quelles sont les limites d’une telle liberté ?
L’ouvrage qui se veut accessible se destine aux praticiens qui y trouveront des stratégies à mettre en œuvre pour optimiser le recouvrement forcé de leurs créances dans l’espace OHADA. Et aussi, enseignants, chercheurs et étudiants y trouveront des analyses théoriques enrichies d’une jurisprudence actuelle.
Il est cependant à déplorer que seules quelques copies aient été achetées par des praticiens ou encore par l'ERSUMA, quelques universités en France et au Canada.
C’est le lieu indiqué ici pour souligner que le livre la « Liberté de saisir et exécution forcée dans l'espace OHADA » dans la foulée des grandes réflexions menées dans le domaine. On se souvient mieux du livre du doyen Paul-Gérard Pougoue sur « la saisie immobilière dans l’espace OHADA » de 2010. Dans la même veine, de Joseph Djogbenou, sur « L’exécution forcée, droit OHADA » de 2006 qui soulignait dans le sens de l’auteur Ekani que « le droit, en soi, poursuit une double finalité : la justice et l’équité. Sa réalisation est alors une quête, un cheminement. Et le recours à l’exécution forcée est l’un des sillons vers la réalisation concrète du droit, c’est-à-dire l’un des instruments de la quête de la justice et de l’équité ».
Willy Zogo
Liberté de saisir et exécution forcée dans l’espace OHADA
Préface de Félix Onana Etoundi
L’Harmattan/ Etudes africaines
38 euros / 25000 FCFA
374 pages
2015