ETAT CIVIL : Intéresser les femmes à l’état civil au Cameroun

ETAT CIVIL : Intéresser les femmes à l’état civil au Cameroun

L’enregistrement des faits d’état civil est l’inscription des faits marquant la vie d’une population. Avoir un acte de naissance est une condition pour jouir de ses droits et services devant l’État pour un individu, comme le droit à l’éducation ou le droit de voter ou voyager. Cependant on observe qu’un faible nombre de bons citoyens et parents vont solliciter les services d’état civil au quotidien. Aussi, très peu de femmes occupent les fonctions d’officiers et de secrétaires dans les centres d’état civil.

LES FEMMES SONT SOUS-REPRÉSENTÉES DANS LE SYSTÈME DE L’ÉTAT CIVIL.

En 2007, une étude de Civipol Conseil sur la cartographie des centres d’état civil du Cameroun avait montré que sur 1 213 officiers d’état civil travaillant dans les centres principaux, il y avait seulement 253 femmes pour 960 hommes. Et dans les centres secondaires d’état civil la situation est encore pire ; l’on comptait   79 femmes contre 1 911 hommes. Cette faible présence des femmes est un phénomène également visible au niveau national. C’est le cas par exemple des 11 femmes nommées ministres sur la soixantaine de postes ministériels existants.

POURQUOI Y-A-T-IL SI PEU DE FEMMES OFFICIERS ET SECRÉTAIRES D’ÉTAT CIVIL AU CAMEROUN ?

Certaines croyances traditionnelles entretiennent encore aujourd’hui une perception inégalitaire des rôles masculins et féminins dans la société camerounaise. Dans certaines régions du pays, les femmes sont encore considérées comme celles qui doivent s’occuper uniquement de la famille, du travail ménager, et prétendre à des postes peu ambitieux. Elles ne peuvent accéder à l’autorité qu’en l’absence de l’homme ou avec son approbation. Elles ne peuvent donc pas facilement prétendre à un poste d’officier d’état civil. Une étude de « l’impact du droit coutumier sur le droit moderne en matière d’état civil » au Cameroun, réalisée 2019 par le Programme d’Appui à la Modernisation de de l’état civil (PAMEC/GIZ), avait montré que dans plusieurs communautés ethniques, la femme ne peut pas librement prendre l’initiative d’aller enregistrer la naissance de son enfant sans la présence du père. Cette tâche reste le domaine réservé du chef de la famille, selon les opinions populaires.

Devenir officier d’état civil dans un centre principal est une fonction qui s’obtient par la voie des élections. Le maire et ses adjoints sont automatiquement officiers d’état civil, peu importe qu’ils soient des hommes ou des femmes.  Ce processus diminue les possibilités d’accroître le nombre de femmes Officiers d’état civil dans les centres principaux. Cette année 365 femmes ont été élues maires ou adjointes au maire dans les 360 communes du pays, sur un total de 1 332 maires et adjoints au maire, soit 27 %.

Cette faible présence des femmes dans l’état civil est encore plus extrême au niveau des centres secondaires d’état civil.  Ceux-ci sont généralement situés dans les zones reculées du pays, où les niveaux d’accès à l’éducation et aux emplois décents pour les femmes sont faibles. Par conséquent, très peu de femmes sont nommées officiers et secrétaires dans ces centres secondaires d’état civil. Les personnes qui y sont nommées sont majoritairement des intellectuels ou retraités issus de diverses administrations où ils occupaient des postes de responsabilités, qui sont pour la plus grande partie des hommes. Par ailleurs dans plusieurs régions du pays, un grand nombre d’officiers d’état civil occupent en même temps la fonction de chef traditionnel. Ce qui limite d’avantage l’accès pour les femmes.

EN QUOI UNE MEILLEURE REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS L’ÉTAT CIVIL PEUT AMÉLIORER LE SYSTÈME AU CAMEROUN ?

Un plus grand nombre de femmes exerçant comme officiers et secrétaires dans les centres d’état civil constituerait un moyen pour améliorer le fonctionnement global du système de l’état civil au Cameroun. Promouvoir davantage de femmes leaders dans l’état civil contribuerait à développer un sentiment de sécurité et de confiance chez les femmes usagers, et les inciterait à se fier plus facilement à leurs interlocutrices des centres d’état civil. Certains hommes se sentiraient peut-être également plus à l’aise à l’idée qu’une femme soit l’interlocutrice de leurs épouses au centre d’état civil.

Parce que la femme officier d’état civil ou secrétaire d’état civil fait partie d’une communauté en tant que mère, épouse, sœur, ou amie, elle est aussi une actrice du changement en faveur des systèmes d’enregistrement d’état civil qui « ne veulent laisser personne de côté ».  Mieux que les hommes elles sont conscientes que l’enregistrement des faits d’état civil est important autant pour la jeune fille que pour le jeune garçon. Plus il y aura des femmes leaders dans le système d’état civil, plus les préoccupations des femmes seront portées et mieux prises en compte dans le cadre des rencontres et plaidoyers liés aux réformes d’état civil. 

LES CONSÉQUENCES DU MANQUE D’ENREGISTREMENT DES FAITS D’ÉTAT CIVIL EST PLUS GRAVE CHEZ LES FEMMES

Un individu sans acte de naissance n’a pas d’existence légale. Il ne peut pas obtenir sa carte nationale d’identité, avoir des diplômes, voyager, ou voter. Les conséquences sont encore plus graves chez les femmes et les jeunes filles. Sans la preuve d’un acte de naissance, il est difficile pour la jeune fille d’éviter un mariage précoce lorsqu’elle est encore mineure. En 2019, le comptage des registres d’état civil par le PAMEC/GIZ dans 16 communes des régions du Nord, du Sud-ouest et du Littoral a permis de constater que les filles et les femmes sont moins enregistrées que les hommes et les garçons dans les centres d’état civil.  Ce faible enregistrement concerne les actes naissance dans les délais de 90 jours, le jugement supplétif de naissance (au-delà de 90 jours), ainsi que l’acte de décès. 

Une femme qui n’a pas d’acte de mariage se retrouve très souvent dans une situation de vulnérabilité, car ses droits en tant qu’épouse ne sont pas protégés devant la loi. En cas de séparation avec son époux par exemple, elle ne peut pas obtenir la liquidation des biens du couple. Et dans le cas où l’époux vient à décéder, la femme n’a aucun droit au jugement d’hérédité, ne peut pas accéder à la propriété, ni au capital décès s’il n’existe pas d’acte de décès. L’absence d’un acte de décès de l’époux peut causer une dépression et entrainer la mort de la veuve, car elle ne peut plus subvenir aux besoins familiaux. Cette situation peut entrainer par la suite la dispersion de la famille, ce qui réduit les chances pour l’éducation et le bon encadrement des enfants.

QUE PEUT-ON FAIRE POUR FAVORISER UNE MEILLEURE REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LE SYSTÈME DE L’ÉTAT CIVIL AU CAMEROUN ?

Promouvoir la représentation des femmes signifierait d’améliorer le quota de femmes officiers et secrétaires nommées dans les centres d’état civil secondaires par le Ministère de la décentralisation et du développement local (MINDDEVEL). Dans les zones rurales, il s’agirait de réduire les barrières socioculturelles qui limitent la participation des femmes dans l’état civil. Les femmes leaders dans l’état civil pourraient multiplier au niveau local la tenue des rencontres pour améliorer la sensibilisation et l’information des femmes autour de l’état civil.

CONCLUSION

Plusieurs raisons expliquent pourquoi la participation des femmes est faible dans le système d’état civil du Cameroun.  Ces motifs s’appuient notamment sur les modalités d’élections des officiers dans les centres principaux, ainsi que sur les critères de nomination dans les centres secondaires d’état civil.  On note aussi que les discriminations entre l’homme et la femme héritées des traditions ancestrales continuent d’empêcher beaucoup de mères d’aller enregistrer la naissance de leur enfant dans un centre d’état civil. Les graves conséquences du non-enregistrement chez les femmes et les filles amènent à conclure que cette catégorie en tant que groupe social a plus d’intérêt à ce que leurs faits d’état civils soient enregistrés.  Ainsi initier des actions pour impliquer davantage de femmes dans l’état civil peut contribuer à augmenter les taux d’enregistrement des faits d’état civil. Ce qui entrainerait des   résultats positifs non seulement au niveau de la prise en compte du genre, mais aussi au niveau du fonctionnement du système d’état civil dans sa globalité.

Programme d’Appui à la Modernisation de l’Etat Civil de la GIZ (GIZ/PAMEC), mis en oeuvre sous la tutelle du Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDEVEL).

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