M. François X. a été déclaré non coupable par le tribunal de Première instance de Yaoundé centre administratif siégeant en matière correctionnelle malgré son plaidé coupable pour utilisation de fausse monnaie.
L e juge du Tribunal de Première Instance de Yaoundé Centre administratif a acquitté pour défaut d’intention, le jeudi 22 novembre 2012, M. François X, des accusations d’usage de fausse monnaie qui pesaient sur lui. En effet, il avait été interpellé par un policier dans un bistrot de la place, après avoir réglé sa facture avec un billet de 10.000 FCFA, identifié par la serveuse comme étant un faux.
LA DÉCISION DU JUGE
Après avoir entendu toutes les parties, le président du tribunal a rendu son jugement. Pour le juge, M. François X. est déclaré non coupable pour faux et usage de fausse monnaie sur la base des articles 74 et 211 du code pénal notamment pour défaut d’intention. Il a de ce fait demandé sa relaxe pure et simple.
Cette décision prise, nous relevons un point des plus importants dans l’argumentaire du juge, celui du rôle de l’intention comme élément constitutif d’une infraction pénale.
LES FAITS
Selon le récit du prévenu devant la barre, « les faits se déroulent au quartier Mendong vers le lieu-dit Montée Jouvence, un vendredi du mois d’août 2012. M. François X., en compagnie de deux amis, ramasse une somme de 15.000 F.CFA, dont un billet de 10.000 F.CFA et un autre de 5.000 F.CFA, au cours d’une ballade. Ils décident alors d’improviser une sortie entre amis. Au moment de régler la note, la serveuse réalise que le billet de 10.000 FCFA qu’elle vient de recevoir du sieur François X est un faux. Après les dénégations de ce dernier, la serveuse attire l’attention d’un policier qui se trouvait sur les lieux, lequel décide de conduire François X. au commissariat du 09ème arrondissement de Mendong avant d’être déféré au parquet le lundi suivant, puis de se retrouver à la prison centrale de Nkondengui depuis septembre 2012 en attente de son procès.
LE DÉROULEMENT DU PROCÈS :
Appelé à la barre, le prévenu décline son identité. Ensuite, il lui a été demandé s’il plaide coupable ou non coupable. Son choix a été celui de plaider coupable. Puis, la présidente du Tribunal lui a demandé quelle serait sa ligne de défense, conformément à l’article 366 (1) du Code de procédure pénale selon lequel « si le tribunal estime que des éléments de preuve suffisants sont réunis pour que le prévenu puisse présenter sa défense, il lui offre trois options : (a) faire sans serment toute déclaration pour sa défense ; (b) ne faire aucune déclaration ; (c) déposer comme témoins sous serment ». François X. a, sur cette base, décidé de faire une déclaration sous serment. Son avocat lui a alors demandé de donner sa version des faits. Une fois présenté les faits tels que raconté plus haut, le procureur n’a pas jugé bon de l’interroger vu qu’il avait déjà plaidé coupable. Toutefois, le procureur de la République dans son réquisitoire, a demandé au juge d’appliquer la loi et de condamner le prévenu pour usage de fausse monnaie tel disposé par l’article 211 du code pénal. Selon cet article, notamment son premier alinéa, « (1) Est puni de l’emprisonnement à vie celui qui : (a) contrefait ou altère les monnaies de papier, d’or ou d’argent ayant cours dans la République ; (b) introduit sur le territoire de la République ces monnaies contrefaites ou altérées ; (c) émet ces monnaies contrefaites ou altérées… ».
A la suite du procureur, l’avocat du prévenu, Me Ndongo, est revenu sur le fait que son client avait effectivement plaidé coupable, mais il a relevé trois points nécessaires à la commission de l’infraction visée ici. En effet, à la question de savoir si les faits sont avérés, c’est-à-dire que le prévenu était en possession de faux billets, l’avocat a répondu par « oui ». A la question de savoir si les faits sont imputables à son client, c’est-à-dire qu’il a fait usage de ces faux billets, l’avocat a encore répondu par l’affirmative. Le dernier point qui semble primordial, concerne l’intention de son client, c’est-à-dire, son intention délictuelle, sa connaissance sur la nature fausse de ces billets et son intention de les utiliser malgré tout. A ce niveau, l’avocat a noté que « la réponse est clairement non au regard des faits ». Sa plaidoirie s’est donc appesantie sur cette absence d’intention de son client. Il a peint M. François X. comme un jeune qui, ayant ramassé une certaine somme d’argent, a voulu se faire plaisir en compagnie de ses amis sans au préalable s’assurer que l’argent qu’il venait de « trouver » était authentique. Il en a eu pour preuve que les seuls faux billets qu’il avait en sa possession et qu’il a reconnu devant le policier avoir ramassé étaient ces billets de 10.000 Frs et 5.000 Frs, les autres billets qu’il avait en sa possession étaient de bons billets.
Ensuite, s’il avait réellement l’intention de commettre l’infraction de faux et d’usage de faux, il n’aurait pas dit au policier qu’il avait un autre billet en sa possession qu’il avait ramassé en même temps que le billet de 10.000 Frs que la gérante du bar venait de déclarer comme faux. Enfin, s’il était en réalité conscient de la qualité douteuse de son billet, le prévenu n’aurait certainement pas contesté les dires de la gérante du bar, surtout que dans le même bar se trouvait un homme en tenue. Aux yeux de l’avocat, cet ensemble d’éléments prouve l’absence d’intention, condition sine qua none relevée par l’article 14 du code pénal sans lesquels son client ne peux être reconnu coupable pour faux et usage de faux, même s’il est indéniable qu’il a fait usage de faux billets.
Ranèce Jovial Ndjeudja P.
Le problème juridique
L’intention en matière pénale. Voilà une notion souvent évoquée comme condition incontournable dans la commission des infractions. Le code pénal a reconnu la place de l’intention comme élément constitutif de l’infraction en son article 74 selon lequel : « (1) Aucune peine ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’une personne pénalement responsable ; (2) Est pénalement responsable celui qui volontairement commet les faits caractérisant les éléments constitutifs d’une infraction avec l’intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l’infraction ; (3) Sauf lorsque la loi en dispose autrement, la conséquence même voulue d’une omission n’entraine pas de responsabilité pénale ; (4) Sauf lorsque la loi en dispose autrement, il ne peut exister de responsabilité pénale que si les conditions de l’alinéa 2 sont remplies. Toutefois, en matière contraventionnelle, la responsabilité pénale existe, alors même que l’acte ou l’omission ne sont pas intentionnels ou que la conséquence n’en a pas été voulue ».
A la lecture de cet article, l’on peut dire, dans la législation camerounaise, l’élément matériel seul ne suffit pas à constituer une infraction, sauf dans des cas contraires énumérés par la loi. Il faudrait aussi y accoler un élément moral qui est constitué de la volonté et de l’intention et qui est caractérisé par des termes traditionnels comme « volontairement, sciemment, en connaissance de cause, frauduleusement, de mauvaise foi… ». Ainsi donc, lorsque les éléments matériels d’une infraction sont établis, il ne reste qu’à prouver que l’auteur a volontairement commis les faits de cette infraction, et qu’il les a commis avec l’intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l’infraction. La volonté est de ce fait à distinguer de l’intention même si les deux se confondent dans certaines situations comme dans le cas d’un assassinat où l’auteur ne saurait prétendre qu’il n’avait pas l’intention de tuer.
Dans le cas d’espèce, l’infraction commise par le sieur François X. en l’occurrence l’usage de fausse monnaie punie par l’article 211 du Code pénal, nécessite cet élément intentionnel. Or, le procureur de la République n’a pas prouvé, du moins au vu de la décision du juge, que cet élément intentionnel fût présent chez le prévenu lors de la commission de l’infraction.