Expropriée sans d’indemnisation par « négligence »

Dame X, titulaire d’un immeuble bâti au lieu-dit Hôtel Aurore, a été expropriée pour cause d’utilité publique à l’occasion de la construction du Palais des Sports de Yaoundé et de l’aménagement des lieux alentours pour parking, cela sans au final avoir bénéficié de l’indemnisation y afférente.

2008 a été l’année décisive de construction du premier Palais des Sports du Cameroun à Yaoundé et de l’aménagement des alentours de cet édifice en vue de la construction de parkings. Les populations riveraines ont de ce fait été expropriées moyennant indemnisation. Seulement, Madame X n’a pas touché un franc de cette indemnisation, elle qui a pourtant perdu son terrain sur lequel elle avait bâti une maison.

Les faits remontent en réalité à fin 1970- début 1980 lorsque Dame X décide d’acheter un lotissement non bâti au lieu-dit Briqueterie Hôtel Aurore. Le lotissement en question est une partie du terrain objet d’un titre foncier-mère détenu par Mr Y, vendeur du terrain loti. Elle établit alors avec Mr Y un certificat de vente malheureusement non passé devant notaire parce que, aux dires de la petite fille de dame X, « elle ne l’a pas fait par ignorance, mais davantage parce que, à cette époque-là, elle considérait que le certificat de vente établi en l’état était suffisant pour prouver qu’elle était titulaire du terrain. C’est d’ailleurs pourquoi elle n’a pas établi un titre foncier pour ce lotissement par la suite et qu’elle ne s’est pas dérangée quand, depuis Foumbot où elle vit maintenant, elle a appris qu’elle venait de subir une expropriation. Pour elle, il n’y avait pas de problème vu qu’elle détenait son certificat de vente dans l’optique d’une preuve de sa propriété. En outre, les héritiers de Mr Y, déjà décédé, pouvaient témoigner de l’effectivité de la vente de son lotissement ». Sur son terrain donc, dame X fait bâtir des maisons en « studios » sur lesquels elle recevait l’équivalent de la somme de 200.000 frs par mois.

Au moment de l’expropriation, la Communauté urbaine de Yaoundé a demandé aux personnes victimes de l’expropriation de fournir une preuve qu’elles sont effectivement propriétaires d’un des terrains expropriés. Pour cela, il a été demandé de fournir soit un titre foncier établit en bonne et due forme, soit un certificat de vente passé devant notaire. Cette dernière est une procédure normale à observer en cas d’achat de terrain par un particulier. D’abord, au terme de l’article 8 (1) de l’Ordonance N°74/1 du 0- juillet 1974 portant régime foncier, concernant les transactions des propriétés privées, « Les actes constitutifs translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers doivent, à peine de nullité, être établis en la forme notariée ». Ensuite, selon le Décret de No 79/017 du 13 Janvier 1979 relatif aux transactions immobilières privées, « à l’intérieur du périmètre urbain, un immeuble ne peut faire l’objet de transactions par parcelles qu’après un lotissement approuvé ». Ces dispositions de l’article 2 du texte cité ci-dessus, sont complétées par l’article 5 du même texte qui porte sur la procédure en cas d’aliénation d’une parcelle de son immeuble et à travers lequel on peut lire que « Le vendeur et l’acquéreur saisissent conjointement le notaire territorialement compétent d’un dossier comprenant les pièces suivantes : (a) le plan et le procès verbal de bornage ; (b) le certificat d’urbanisme ; (c) la copie du titre foncier… ». De plus, au terme de l’article 25 du Décret No 76/165 du 27 avril 1976 fixant conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret No 2005/481 du 16 décembre 2005, on peut retenir que, « Le démembrement d’un immeuble à la suite de ventes successives, de partage ou de cessions à titre gratuit, emporte morcellement du titre foncier initial au profit des acquéreurs, des copartageants ou des cessionnaires » ; ceci suppose donc le début d’une procédure de morcellement, préalable à une procédure d’obtention du titre foncier. Or dame X n’a pas engagé une telle procédure. Elle ne disposait donc ni du titre foncier de sa parcelle, ni d’un certificat de vente passé devant notaire. Pire encore, l’héritier de Mr Y, le vendeur, a décidé de ne même pas reconnaître le certificat de vente que dame X avait passé avec Mr Y, son défunt père.

En fait, cet héritier s’est servi du titre foncier-mère qu’il détenait pour bénéficier de l’indemnité à laquelle donnait droit son titre foncier, c’est-à-dire, le terrain qui était encore en sa possession et la parcelle de terrain achetée par dame X et pour laquelle elle aurait dû recevoir une compensation du fait de l’expropriation. Selon la petite -fille de dame X, « Elle avait espéré qu’il lui reverse sa côte part maintenant qu’il a perçu une indemnisation du fait qu’elle était propriétaire même avec un certificat de vente non passé devant notaire. Mais il refuse de reconnaitre ce dernier papier et le seul qui pouvait admettre l’authenticité de cet acte est Mr Y qui est malheureusement déjà décédé ».

Interrogée sur l’état de la procédure d’indemnisation pour leur cas, la petite-fille de dame X a affirmé qu’ils l’ont abandonnée vu que le papier qu’ils disposent et qui fait office de preuve de la propriété du terrain de dame X n’est pas suffisant devant les autorités en place. Le seul espoir aurait pu résider en le témoignage de l’héritier ou au moins de sa bonne foi après obtention de l’indemnisation sur la base du titre foncier mère. Mais, ce dernier n’a même pas reconnu le certificat de vente de dame X, d’où le fait qu’elle n’ait pas reçu d’indemnisation. Notons que la procédure a été abandonnée et il n’y a pas eu d’action intentée ni devant l’administration, ni devant la justice. Madame X a préféré concentrer son action sur des revendications envers l’héritier du Sieur Y.

L’erreur de Dame X a certainement été celle d’avoir fait confiance sans prendre des mesures juridiques pour pérenniser son achat ; et d’avoir été négligente au moment de l’achat de son terrain en n’enclenchant pas la procédure de morcellement et donc d’obtention d’un titre foncier distinct du titre foncier mère. Maintenant, il paraît bien difficile d’intenter une action en justice, car selon une maxime bien connue, « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». En d’autres termes, elle ne pourrait invoquer ses propres erreurs pour revendiquer ses droits. Et le fils de l’héritier, qui a bien perçu ces erreurs, s’y est accroché pour ne pas lui remettre ce qu’elle aurait normalement dû avoir. Même si un tel comportement relève de la mauvaise foi qui est punissable par la loi, il est bien difficile pour Dame X de l’attaquer en justice.

Au demeurant, il apparaît que ce cas d’expropriation pour cause d’utilité publique a conduit au versement d’une indemnisation. Mais dame X n’a pas reçu sa côte part, non pas du fait de l’administration, mais d’une part de son fait, mais aussi du fait de l’héritier de Sieur Y.

Ranèce Jovial Ndjeudja Petkeu

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