Euro obligations: Des imprécisions juridiques à lever

Après le marché financier interne et différents emprunts obligataires réussis, l’Etat du Cameroun a décidé de se lancer sur les marchés  internationaux. Pour ce faire, des Eurobligations ont été lancées  à hauteur de 1,5 milliard de dollars US, l’équivalent de 750 milliards de FCFA.  Cependant, les contours juridiques n’ont guère encore été précisés...

 

Les Eurobligations sont à la mode, décidément. Après le Sénégal ou encore la Côte d’ivoire, c’est le Cameroun qui  s’y met. Les anglo-saxons disent euro bond et en français on parle d’euro-obligations. Il s’agit de fait de  titre de créance libellé dans une monnaie différente de celle du pays de l'émetteur. Par exemple, une obligation émise en dollar des États-Unis par une banque basée à Londres en Angleterre dont la monnaie usuelle est la livre sterling. L’obligation en soit est un titre de créance cessible c’est-à-dire, un document qui constate une dette due que  le  détenteur peut changer  à travers la Bourse ou sur le marché secondaire. L’emprunt obligataire dans ce même sens se  compose d’obligations émises par l’emprunteur sur le marché financier en vue de capter les ressources nécessaires à l’investissement. Dans le cas du Cameroun, il semble que ce sont les tensions de trésorerie qui mettaient à mal les relations entre la Société Nationale de Raffinage - Sonara et ses créanciers bancaires, et surtout ses fournisseurs de pétrole brut de plus en plus impatients qui poussent  le Gouvernement a rechercher de nouveaux  mécanismes de refinancement de cette société.  En sus, il faut tout de même ajouter le plan d’urgence en cours lancé par le présent Paul Biya. Les ressources mobilisées via l'emprunt international vont notamment par exemple aider à financer la construction de deux axes routiers de désenclavement dans chaque région, la création d'agropoles et de 120 000 hectares de périmètre hydro-agricole, de grands marchés de ravitaillement en denrées, l'aménagement d'ouvrages de retenue d'eau dans les trois régions du nord du pays.
Trouver 750 milliards de FCFA n’est pas une chose aisée ! C’est un engagement de tout un Etat aux yeux des investisseurs étrangers. C’est pour cette raison que tout doit se faire dans le cadre du principe de la légalité. En ce sens, ce nouvel emprunt fait justement suite à un décret d’habilitation du président de la République signé le 06 février 2015,  qui à autorisé M. Alamine Ousmane Mey, ministre des Finances (Minfi) à engager l’Etat à l’international. Ce décret intervient à la suite d’une ordonnance modifiant et complétant certaines dispositions de la loi de finances pour l'exercice 2015 .
L’Etat du Cameroun qui est représenté par le ministère des Finances a signé mardi  10 février à Yaoundé une  lettre de mandat y relative  avec les directeurs généraux de Société générale Cameroun (SGC), Jean-Philippe Guillaume, et Standard Chartered Bank, Mathieu Mandeng, ces deux banques étant les représentants techniques de l’emprunt. Concrètement, le directeur général de la SGC explique aux confrères  des médias que : « Nous sommes co-chefs de file avec Standard Chartered Bank, ce qui signifie que c’est nous qui allons organiser l’émission sur les marchés internationaux. Cette émission aura lieu surtout auprès d’investisseurs américains, européens et asiatiques. Nous n’intervenons par directement dans l’émission en elle-même, nous l’organisons et nous faisons en sorte de trouver les investisseurs ».  

Le mandat donné aux banques

Le contrat de mandat signé par le ministre des Finances en faveur des  institutions financières n’a pas livré toute  sa teneur. Il reste justement à déterminer quelles sont exactement les obligations et les droits de chacune des parties. Le mandant qu’est l’Etat doit par exemple préciser quelle est la nature et l’étendue des pouvoirs des ces deux banques. De fait, il existe plusieurs sortes de mandats selon le Code civil applicable au Cameroun. Déjà, l’article 1984 de ce code  définit le mandat ou procuration comme « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire ». De fait, il convient en outre de préciser quelles sont les différentes commissions que les différents intermédiaires vont encaisser.
En marge de cet arrangement juridique bilatéral, il y a avec cet emprunt comme un soupçon d’illégalité que la Commission des Marchés Financiers du Cameroun avait déjà décrié lors du troisième emprunt obligataire de l’Etat camerounais. De fait, ce dernier emprunt avait engagé l’état Cameroun au-delà de ce que la légalité permet. Pourtant, cette incongruité avait été passée sous silence malgré les récriminations du gendarme financier national.  Le même problème semble se profiler à l’horizon de cette émission des Euro-bonds qui à elle seule accumule une valeur supérieure à toutes les autres levées de fonds que l’Etat camerounais à effectué sur les marchés financiers internes et de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Beac) depuis 2010.  Les trois dernières opérations ayant  été de 350 milliards de FCFA. Il est clair que 750 milliards de FCFA d’endettement par le marché financier nécessite une certaine clarté vis-à-vis de ce que la règlementation budgétaire nationale a souvent autorisé.

Quel marché financier ?


Il est plus qu’impératif  pour  la transparence que le cadre juridique  soit précisé. Pour ce faire, les acteurs de l’opération ont pleine conscience de l’ardeur de la tâche. Le Minfi avertissait ainsi  «qu’ il faut se préparer à des journées de 27 heures » pour affronter cette opération qui est un  « processus plus compliqué », selon Jean-Philippe Guillaume. On a donc pu apprendre que les équipes du ministère des Finances ont commencé à rédiger toute la documentation juridique devant permettre de procéder à une  structuration de l’emprunt.
Mais, ce qui est davantage important, c’est la nécessité de savoir exactement quel sera le marché financier qui servira de cadre à cette émission. Il reste tout de même beaucoup d’imprécisions autour du marché en question. Il est vrai qu’avec la libéralisation et la mondialisation financière, les marchés ne sont plus forcément localisables par rapport aux territoires. Et que cela est d’autant plus difficile que les marchés sont électroniques et interconnectés. Mais, pour savoir quel sera le droit applicable à cette opération et par la même occasion pour savoir quelle sera l’instance de surveillance et de vérification chargée d’assurer la protection des investisseurs étrangers qui sont les principaux visés, il importe que l’Etat se fasse un peu plus précis sur le marché sollicité en question.

Stéphane Ngo

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