La juridiction financière que dirige M. Marc Ateba Ombala a rendu son 9ème rapport annuel, le 18 juillet dernier à Yaoundé.
L’une des parties les plus attendues du rapport 2014 pour la presse présente au Mont Fébé était certainement celle contenant les condamnations faites par la Chambre. Primo, il y a eu dans cette partie, l’arrêt de débet n° 16/AD/S3/14 du 16 juin 2014 au sujet du compte de gestion de l’Agence d’Electrification Rurale du Cameroun (AER) de l’exercice 2005, précisément contre l’agent comptable. Celui-ci a été condamné au débet, c’est-à -dire qu’il doit rembourser le déficit de 4 millions F CFA, le paiement indu au président du Conseil d’administration de la somme de 10 millions F CFA ou encore les paiements irréguliers aux personnels de la somme 6 millions FCFA au titre des frais de missions… Secundo, autre affaire, s’il en est, les comptes de la mission d’aménagement et d’équipement des terrains urbains et ruraux (MAETUR), pour ses exercices 2004 et 2005. Le rapport de la Chambre du 04 décembre 2014, souligne plusieurs irrégularités. Au rang desquelles, « des insuffisances de la mise en conformité des statuts découlant des décrets avec le cadre législatif en vigueur qui expliquent l’absence d’une Assemblée générale, organe qui, conformément au droit de l’OHADA, sanctionne la gestion assurée par le Conseil d’administration et sous sa responsabilité, par la Direction ». La chambre a également établi un rapport semblable sur les comptes de la Société immobilière du Cameroun (SIC). « La Chambre des Comptes observe qu’en 2004 et 2005, le délai de validité du mandat du directeur général était largement dépassé. Celui-ci était en effet arrivé à terme six (6) ans plus tôt au regard des dispositions de l’article 44 des statuts de la SIC » lit-on.
Au demeurant, la section de contrôle et de jugement des comptes des comptables publics de l’Etat n’a rendu aucun arrêt définitif au 31 décembre 2014. Sa section de contrôle et de jugement des comptes des receveurs municipaux des collectivités territoriales décentralisées en a rendu 20. Et sa section de contrôle et de jugement des comptes des agents comptables des établissements publics administratifs en a rendu un. Ce bilan qui semble refléter une baisse de régime s’explique « par le fait que les décisions définitives prennent du temps », a expliqué le président de la Chambre des Comptes. Cependant, les décisions provisoires à l’époque du rapport (2014) avoisinent les 150. Autant le dire, il n’y a pas de repos pour les auditeurs des comptes comme en témoignent les près de 250 pages de rapport ouvertes au grand public.
De fait, conformément à l’article 3 de la loi 2003 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun, après le président de la République, celui de l’Assemblée Nationale et de celui du Sénat, le rapport de la Chambre s’est révélé au public sous un format habituel. C’est la quasi-totalité des administrations impliquées directement ou non dans la gestion de l’argent public qui s’est retrouvée au Mont Fébé Hôtel de Yaoundé à l’effet de découvrir le contenu de ce 9ème rapport de la Chambre. Pour rompre avec la monotonie, l’on est tenté de se demander d’emblée ce qui a changé depuis le 1er rapport de l’exercice 2006. A cette question, il convient d’apporter une réponse nuancée. Déjà sur la forme, le rapport 2014 est toujours d’une présentation impeccable, en français et en anglais. Mis à part, le signataire de la préface qu’est désormais, le Premier président de la Cour Suprême Daniel Mekobe Sone, les grandes articulations sont toujours les mêmes. Il comprend, comme pour les précédents, quatre parties; la première partie rendant compte des moyens, la deuxième partie portant sur les contrôles juridictionnels et les missions extra juridictionnelles effectuées, la troisième partie est consacrée à la présentation de certains actes significatifs de la Chambre, choisis parmi les arrêts définitifs, les rapports d’observations définitives, les avis et rapports de certification et enfin, la quatrième partie du rapport recensant les recommandations formulées par la juridiction financière.
UN BUDGET RÉDUIT
Le président de l’Ordre national des experts comptables, Léonard Ambassa, qui était présent à la cérémonie, n’a pu s’empêcher de souligner au bout de la présentation de la synthèse, combien il était difficile de croire que la CC/CSC peut atteindre ses objectifs, alors que son budget était réduit de 50%. En effet, malgré le soutien du Programme d’Appui à la Réforme des Finances Publiques (PARFIP), il apparaît que le budget de la Chambre est en baisse. Toute chose qui fait chuchoter dans l’opinion qu’il lui serait encore plus difficile de s’imposer comme le chantre de la surveillance financière de toutes les communes, les mairies et les entreprises publiques et parapubliques dans leurs comptabilités.
Pour le président, Marc Ateba Ombala, l’Etat, à travers le ministère des Finances, ne manque pas l’occasion d’apporter son soutien financier. L’on sait que les investissements de la Chambre n’ont pas afflué, le président s’est félicité néanmoins de la finalisation des études architecturales et techniques pour la construction du Centre d’archivage de Nkozoa. Dans le même temps, « Le mobilier de bureau est insuffisant eu égard à l’évolution de l’effectif des personnels. A cet égard, comme il a été déjà signalé en 2013, l’acquisition de nouveaux équipements est nécessaire », peut-on lire dans le rapport. Il ressort aussi que « la Chambre des Comptes a continué à mener ses activités dans les mêmes locaux exigus au regard des effectifs actuels. Les démarches entreprises auprès des administrations pour l’attribution d’un terrain au centre administratif pour la construction de son immeuble siège n’ont pas abouti ».
LE RENOUVEAU DE LA RESPONSABILITÉ DU COMPTABLE PUBLIC JUGÉ
C’est en 2014 aussi que la notion de « préjudice » a été introduite dans la responsabilité du comptable public. Cette responsabilité est désormais une responsabilité pour faute, apprend t-on. Telle est la substance de ce qui est ressorti d’une formation reçue par les magistrats de la CC/CSC du 21 au 27 mai 2014, à Yaoundé. Et c’est grâce à l’internalisation des directives CEMAC à travers le décret n°2013/160 du 15 mai 2013 portant Règlement Général de la Comptabilité Publique, que cela s’est concrétisé. Pour apprécier la faute du comptable public désormais, il est tenu compte à la fois des circonstances de l’infraction pouvant induire la faute du comptable et le préjudice causé par l’agent à l’entité publique concernée.
Le point d’orgue de la présentation du rapport a été dans la section portant sur l’exécution des missions de la Chambre des Comptes en 2014. Là aussi, il n’y a pas grand changement, du moins dans les habitudes des justiciables qui doivent produire les documents comptables. Comptables publics de l’Etat, receveurs municipaux des collectivités territoriales décentralisées (CTD) et agents comptables des établissements publics administratifs (EPA) ne se pressent jamais de produire les documents pour les contrôles sur pièces. Seuls les contrôles sur place des magistrats semblent être la seule issue pour la Chambre, a avoué son président. Le rapport précise que « les treize (13) comptes des comptables publics de l’Etat ont été produits au 31/12/2014, comme les exercices antérieurs » que « bon nombre des comptes des receveurs municipaux et des agents comptables des EPA n’ont pas été produits à la juridiction financière depuis l’exercice 2004 » et même que « pour les receveurs municipaux, le nombre des comptes non produits des exercices antérieurs s’élève à 3002 ».
L’un dans l’autre, malgré que ses recommandations ne semblent pas susciter des réactions diligentes, la Chambre continue son rôle d’agent de mise en garde. Dans ses recommandations 2014, elle suggère par exemple l’accélération de la mise en œuvre de tous les aspects significatifs de la « comptabilité patrimoniale » en vue de l’échéance de 2019 ou encore l’instauration des registres auxiliaires de suivi des régularisations des dépenses en avance de trésorerie dans les postes comptables. Comme une bouteille à la mer…
Stéphane Ebogo