Violations des droits de l’homme : Quand l’Unesco se fait tribunal des droits de l’homme

Porter plainte devant l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco)  pour refus de passeport, de bourse d’études, de remise de diplôme, de reprise des études ou encore interdiction d’émission, de publication de journal ou de livres, cela est possible. La procédure dite « procédure confidentielle » pour y parvenir reste peut connue, pourtant…

 

« Si l’on vous refuse le passeport, une bourse, un diplôme, en gros si vos droits sont violés à l’école et dans la culture, saisissez l’Unesco» ! Un juge inattendu chez qui se plaindre donc. Ainsi peut-on comprendre la missive que le ministre de l’Enseignement Supérieur, le Pr Jacques Fame Ndongo, a adressée aux recteurs des Universités du Cameroun. Son entête est la suivante : « Procédure confidentielle pour l’examen des plaintes concernant les violations des droits de l’Homme dans les domaines de compétence de l’Unesco ». Annexée à la missive, une note explicative de ladite procédure formulée par la Commission nationale camerounaise de l’Unesco, le tout souligné par une instruction de procéder à une large diffusion. La missive diffusée possède quelque chose d’inattendue, la mise en oeuvre d’une procédure portant le sigle de l’Unesco. Lorsque l’on sait que l’objectif de l’Unesco est de « construire la paix dans l’esprit des hommes à travers l’éducation, la science, la culture et la communication » et que ses domaines de compétence sont exactement connus. Dans l’éducation, l’Unesco entend apporter son appui à l’élaboration des politiques et stratégies sectorielles de l’éducation, à la promotion de l’éducation de la petite enfance, de l’enseignement technique et professionnel, de l’éducation non formelle, de la santé à l’école, de l’éducation au VIH/SIDA et aussi de la diversité culturelle et linguistique dans l’éducation. Dans la culture, l’organisation s’adonne à la promotion et à la conservation des biens culturels immobiliers et des biens matériels sous  l’égide de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culture de 2003. Elle s’emploie aussi à renforcer la protection des objets culturels et de la lutte contre leur trafic illicite, notamment par la promotion et la mise en œuvre des conventions de 1970 et 2001, ainsi que du développement des musées. La promotion de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 fait aussi partie des ses missions.

L’Unesco travaille aussi à la promotion de la culture de la paix, à la communication et l’information, à la promotion de la liberté d’expression et de la presse, au renforcement des capacités techniques des professionnels des médias, à l’appui des instances d’auto régulation et de régulation des médias ainsi qu’au développement des médias communautaires y compris à la préservation de l’héritage documentaire dans les bibliothèques et les archives.

La science pour l’Unesco consiste dans le renforcement des capacités dans les sciences fondamentales et les sciences de l’ingénierie, des sciences de l’eau, notamment la mise en œuvre tels que le Programme hydrologique intergouvernemental (PHI), le Programme Homme et Biosphère (MAB) dans le cadre des Sciences écologiques ainsi que l’appui en matière d’élaboration des politiques scientifiques.

Au regard de ces enjeux, cette organisation des Nations Unies  née le 16 novembre 1945 était donc plus attendue sur le terrain de l’éducation, de la science  et la culture moins que sur celui de protection des droits de l’Homme.

TRIBUNAL DES DROITS DE L’HOMME

A l’observation, il apparait que l’Unseco est consubstantiellement liée aux droits de l’Homme du fait même que sa mission d’éducation, de savoir et de culture est intrinsèque aux droits de l’homme. La déclaration Universelle en son article 26 pose à cet effet : « Toute personne a droit à l'éducation. (…)L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

De plus, l’on sait aussi son implication avec la Chaire UNESCO pour l'enseignement, la recherche et l'éducation aux droits de l'homme, à la démocratie et à la paix dans plusieurs universités.

LA PROCÉDURE CONFIDENTIELLE DE DÉNONCIATION

C'est depuis 1978 que le Conseil exécutif de l'Unesco a mis en place une procédure dite procédure confidentielle à travers laquelle elle peut examiner les communications et les plaintes de violations alléguées des droits de l'homme dans ses domaines de compétence, à savoir l'éducation, la science, la culture et l'information, que l’Unesco reçoit. Les droits de l’homme concernés sont le droit à l'éducation, le droit de bénéficier des progrès scientifiques,  de participer librement à la vie culturelle, le droit à l'information, y compris la liberté d'opinion et d'expression, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit, le droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique et aussi le droit à la liberté de réunion et d'association pour les activités liées à l'éducation, à la science, à la culture et à l'information.

QUI DOIT SAISIR L’UNESCO ?

Ce sont les individus, les groupes d'individus et les organisations non gouvernementales qui peuvent adresser à l'UNESCO des communications ou plaintes concernant des violations des droits de l'homme, soit que les auteurs de ces communications sont eux-mêmes victimes de telles violations, soit qu'ils estiment avoir une connaissance digne de foi de telles violations.

COMMENT ?

Une lettre adressée au directeur de l'Office des normes internationales et des affaires juridiques de l'Unesco à Paris à l’adresse, 7 place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP France suffit pour se plaindre. Cette lettre doit cependant contenir les allégations brièvement exposées, être signée et rédigée en anglais ou français. A la suite de l’envoi, le Secrétariat de l'Unesco fera parvenir à l'auteur de la lettre un formulaire à remplir qui constitue sa communication et qui sera transmise au gouvernement concerné et examinée par le Comité sur les conventions et recommandations du Conseil exécutif chargé de la mise en œuvre de la procédure. Une procédure qui s’avère en soi lourde. Il faut souligner que la plainte  ne doit pas être « anonyme; manifestement mal fondée, injurieuse, fondée exclusivement sur des renseignements diffusés par les moyens de grande information comme la presse écrite, la télévision, radio (...) ». De même, cette plainte doit être présentée dans un « délai raisonnable à partir de la date des faits qui en constituent l'objet, ou de la date à laquelle ces faits auront été connus et indiquer si un effort a été fait afin d'épuiser les voies de recours internes disponibles concernant les faits qui constituent l'objet de la communication ainsi que les résultats éventuels de tels efforts ».

Selon l’Unesco, si la plainte est déclarée recevable, son Comité  fait un examen au fond des allégations avancées en présence des représentants du gouvernement concerné qui sont invités à fournir des informations ou à répondre aux questions posées par les membres du Comité le bien fondé de cette communication. L’Unesco précise que « le Comité n'étant en aucune manière un tribunal international, il s'efforce de résoudre le problème dans un esprit de coopération internationale, de dialogue, de conciliation et de compréhension mutuelle ». Une faiblesse donc consubstantielle au droit international.

Après la session qui est confidentielle, l'auteur de la plainte et le gouvernement concerné par elle sont informés des décisions du Comité qui ne sont pas susceptibles d'appel même si le Comité peut accepter d'examiner à nouveau une communication en cas d’informations complémentaires ou de nouveaux éléments pertinents.

A défaut de condamner les Etats et les Universités, la procédure confidentielle a au moins la force de pouvoir être un levier de pression sur les Etats coupables pour peu qu’ils soient soucieux de leur image à l’international.

Il faut dire qu’en plus de 45 ans, près de 600 plaintes ont été examinées et près de 400 ont « été réglées » et le reste ont été frappées d’irrecevabilité ou est en cours d’examen.

Willy Zogo

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