La Cour suprême du Cameroun a effectué sa rentrée 2016 le 23 février dernier. L’audience solennelle qui s’est tenue à cet effet a permis à ses hauts magistrats de mettre en avant la lutte contre les lenteurs et les erreurs judiciaires au Cameroun…
Magistrats
La leçon inaugurale d’Alexis Dipanda Mouelle
Aller au-delà de la simple application des règles de droit ; intégrer droit et équité, conscience et humanisme. Telles sont quelques unes des recommandations du président de la Cour Suprême lors de l’audience solennelle du 26 août dernier.
L’art de juger s’est décliné de plusieurs manières en fonction des époques et des pays. Dans la tradition gréco-romaine, les hommes ont été jugés selon la loi du Talion « Œil pour œil, dent pour dent », il y a eu le fait de livrer le coupable à la famille de la victime, puis « le prix du sang » en guise de réparation, ou justice dite populaire qui se pratique encore de nos jours, dans la rue, pour évoluer vers des formes de justice moderne qui prennent en compte la dimension humaine du coupable (présomption d’innocence, égalité pour tous devant la loi, et de son corollaire , l’égalité des armes, prohibition de la violation des droits de l’homme).
Plusieurs instruments juridiques tels que la Constitution, et différentes autres chartes et conventions modernes s’en font l’écho.
M. Alexis Dipanda Mouelle pose le problème épineux de la difficulté de juger. Pour le magistrat, « Juger est un art qui s’apprend par l’expérience et se transmet par l’exemple, sans qu’il soit nécessaire de l’expliquer et de le conceptualiser, le vécu du juge étant d’une grande complexité ».
Quelle magistrature pour quelle justice au Cameroun? Telle était le thème d’une conférence organisée à l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature à la faveur du cinquantenaire de la prestigieuse institution qui s’est célébré au début du mois de décembre 2009.
Plusieurs magistrats de haut rang ont apporté leur contribution à cette conférence dont le thème est d’une actualité indéniable. Quelle magistrature pour quelle justice au Cameroun ? Seuls les magistrats pouvaient, après avoir fait un état des lieux de la pratique de la justice dans notre pays, répondre à cette thématique. Deux jours avant cette conférence, le chef de la magistrature suprême, le président de la République Paul Biya balisait le chemin dans son discours en précisant que : « La justice est la plus haute instance de régulation sociale et la poutre maîtresse de la démocratie dans un Etat de droit ». Et la voix la plus autorisée ajoutait que « Rendre la justice est une noble mission, mais aussi une lourde responsabilité ». Ce qui nous amène à la mission du magistrat qui est l’incarnation de la justice. L’Ethique et la Déontologie doivent lui servir de guide. Comme l’a affirmé le Directeur des Affaires générales du ministère de la Justice, M. Oumarou Bamanga : « Le magistrat est appelé à rendre la justice sans crainte, sans faveur ni rancune et se comporter en tout, et partout avec dignité et loyauté». Ce personnage devrait sortir des moules de l’ENAM. Un homme nouveau habité de probité qui devra agir avec impartialité pour asseoir l’état de Droit au Cameroun. Le serment que chaque magistrat prête à l’entrée en fonction, lui demande de rendre justice conformément aux lois de la République, sans crainte ni faveur ni rancune, et se comportant avec droiture et loyauté.
Pour l’avocat général Joseph BELIBI, l’éthique et la déontologie doivent se retrouver dans le magistrat pour l’assainissement de l’environnement de la justice, étant donné que « l’acteur principal de la justice c’est le magistrat ». La mission du magistrat est l’assainissement de l’environnement judiciaire pour favoriser les investissements. La justice doit donc participer à la lutte contre la corruption ; cette dernière étant un frein au développement.
Pour le premier président de la Cour suprême, pour parvenir à un état de droit, la protection de l’indépendance du juge est une condition sine qua none. Alexis DIPANDA MOUELLE a spécifié deux types d’indépendances: l’indépendance organique, celle qui soustrait le judiciaire dans son ensemble aux pressions extérieures et qui le conduit à ce titre à se gérer lui-même et l’indépendance fonctionnelle par laquelle, les juges sont rendus indépendants dans l’exercice de leurs fonctions, quels que soient les modes de gestion du corps auxquels ils appartiennent.
Le magistrat se présente ici, non plus comme un homme ordinaire, mais comme un homme extraordinaire, « qui entre dans la profession par conviction. La profession de magistrat est un appel ». C’est de cette magistrature-là dont a besoin le Cameroun pour garantir la justice et la bonne gouvernance.
ENS
Le cinquantenaire de l’Ecole Nationale de l’Administration et de la Magistrature a été pour la rédaction du Droit une occasion idoine pour revisiter la profession de magistrat. En effet, l’ENAM est comme l’a d’ailleurs affirmé le chef de l’Etat, le Président Paul Biya, le socle sur lequel se construit l’avenir de l’administration publique au Cameroun. Et c’est dans cette institution que commence l’apprentissage de la bonne gouvernance. Bien que l’école ait ouvert ses portes à d’autres filières, il n’en demeure pas moins que la magistrature demeure le fleuron de la formation. Qu’est-ce que le magistrat professionnel ? Quelles sont les conditions d’accès à l’ENAM, quelles sont les missions et le profil d’un magistrat ? La rédaction de votre journal apportera des éclairages sur cette profession dans deux éditons successives.