La reconnaissance et la légitimation

Mlle Adèle Nadège MBELLE NKELLE

La loi camerounaise, depuis 1981 prévoit deux voies  pour pallier la situation inconfortable de l’enfant né en dehors du cadre familiale. Analyse de la doctorante Adèle Nadège Mbelle Nkelle.

Les relations informelles entres les hommes et les femmes engendrent très souvent des enfants, sans que leurs auteurs aient au préalable réfléchi aux conséquences de cette situation (cet évènement). Dans un souci de protection de ceTs enfants, la loi offre aux géniteurs le choix d’élever leur enfant sans changer la nature de leur relation (c'est-à-dire en dehors du cadre d’un foyer conjugal), ou de régulariser leur union par le mariage. Il s’agit tantôt de la reconnaissance d’enfant tantôt de la légitimation.

 

 

La définition de la reconnaissance

La reconnaissance est la manifestation de volonté par laquelle une personne affirme être le géniteur d’un enfant. C’est un procédé d’établissement de la filiation naturelle, entendue comme le lien juridique qui unit un enfant à ses père et mère ou à l’un d’entre eux, lorsque ceux-ci n’étaient pas mariés ensemble au moment de sa conception ou de sa naissance.

 

La procédure de reconnaissance

La reconnaissance s’effectue sous deux formes. L’article 44 de l’ordonnance n° 81/02 du 29 Juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques dispose que : « la reconnaissance des enfants nés hors mariage peut être faite par déclaration devant l’Officier d'Etat Civil au moment de la déclaration de naissance », en présence de deux témoins. La mère donne son consentement et si elle est mineure, celui-ci est appuyé par le consentement de ses parents. Cette déclaration est signée par le père, la mère, les témoins et l’Officier d'Etat Civil avant l’établissement de l’acte de naissance de l’enfant. L’acte de naissance qui suivra portera ainsi aux lieux prévus à cet effet les noms de ses père et mère. Dans la pratique, la procédure de reconnaissance est destinée au père, afin que son nom puisse figurer dans l’acte de naissance de son enfant en remplacement de la mention PND (père non dénommé). En général le nom de la mère figure toujours dans l’acte de naissance de son enfant car l’accouchement vaut reconnaissance à l’égard de la mère (art. 41 alinéa 1 paragraphe 2 ordonnance suscitée). L’absence du nom de la mère sur l’acte de naissance relève le plus souvent des cas d’oubli de l’Officier d'Etat Civil ayant rédigé l’acte.

Toutefois, la procédure de reconnaissance par déclaration est inapplicable lorsque la paternité de l’enfant est revendiquée par plusieurs personnes (art.44 alinéa 5 ordonnance 81). La reconnaissance faite au mépris de cette disposition est attaquable devant la juridiction compétente par toute personne susceptible de revendiquer la paternité de l’enfant (art.45 ordonnance 81). Il s’agit en particulier de la personne rattachée à lui par le lien de sang. Quand ce lien de sang est établi, nul ne peut faire obstacle à la reconnaissance (article 41 alinéa 2 ordonnance de 1981). La loi a prévu deux principaux moyens d’attaquer la reconnaissance d’un enfant à savoir l’action en annulation de l’acte de reconnaissance (lorsqu’il est entaché d’irrégularité) et l’action en contestation de la reconnaissance. Cette dernière est prévue à l’article 339 du Code Civil qui dispose que « toute reconnaissance … pourra être contestée par ceux qui y auront intérêt ». Dans cette catégorie de personne on retrouve  premièrement les membres de la famille légitime qui veulent protéger cette famille contre l’intrusion d’un enfant et deuxièmement ceux qui veulent protéger la personnalité de l’enfant contre un rattachement mensonger. Dans ce cas, la reconnaissance se fait par jugement. L’article 41 de l’ordonnance suscité dispose à cet effet que « la reconnaissance d’un enfant né hors mariage se fait par jugement ».

Lorsque la procédure est judiciaire, l’auteur de la reconnaissance saisit par voie de requête le juge tribunal de premier degré ou du Tribunal de Grande Instance (seul compétent en matière d’état des personnes). La reconnaissance peut être contentieuse ou gracieuse selon que l’enfant avait déjà fait l’objet d’une reconnaissance antérieure ou non. C’est une action personnelle. C’est dire qu’elle est faite individuellement par l’auteur et non les héritiers. Elle établie la filiation à l’égard de son auteur uniquement . L’âge de l’enfant n’a pas d’importance. De même la reconnaissance peut porter sur un enfant décédé quand il y va de son intérêt. Seuls les enfants naturels simples  peuvent être reconnus à l’exclusion des enfants adultérins. Cependant, depuis l’arrêt de la Cour Suprême n° 42/L du 02 Mai 1985 Aff. EKANI Pauline C/ BAYEME Alphonse, l’enfant adultérin a padre peut être reconnu par son père. S’agissant de l’enfant adultérin a madre par contre, il ne peut être reconnu par son père naturel qu’après désaveu du mari de la mère en justice (art. 43 alinéa 2). La loi interdit également la reconnaissance des enfants issus d’un viol (art. 41 alinéa 3). Le jugement de reconnaissance est transcrit en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

 

Les effets de la reconnaissance

La reconnaissance a des effets absolus et rétroactifs. L’enfant ainsi reconnu est réputé avoir été rattaché dès sa conception à celui qui ne l’a reconnu que plus ou moins longtemps après. Ceci est d’autant plus avéré que la reconnaissance est un acte déclaratif : il constate une filiation qui existait déjà.

L’établissement de la filiation naturelle à travers la reconnaissance n’est pas sans incidence sur la condition juridique de l’enfant. Quelles que soient les conditions de la reconnaissance, l’enfant naturel reconnu a certains droits. En effet, l’enfant naturel reconnu vient à la succession de ses parents. Il recueille la moitié de ce qu’il aurait eu s’il avait été légitime. Il en a été décidé ainsi par la Cour d'Appel du Centre à Yaoundé dans un arrêt n° 36 du 27 Décembre 1990, Aff. BIHINA MBARGA Gabriel C/ NNANGA Marceline. Le decujus avait laissé une veuve, 2 enfants légitimes et 6 enfants naturels. Ces derniers ont fait appel de la décision du juge d’instance les écartant de la succession. Le juge d’appel, après avoir constaté que les appelants ont été reconnus par le défunt, a décidé qu’ils ont été écartés à tort de la succession et les a déclaré cohéritiers. S’agissant du partage, le juge a fait recours à l’article 758 du Code Civil .

La filiation est également la condition déterminante pour l’attribution de la garde de l’enfant naturel. Lorsqu’elle n’est établie qu’à l’égard d’un seul auteur, la garde lui est confiée. La preuve se fait par la production d’un acte de naissance portant le nom de l’auteur à l’endroit indiqué. C’est ainsi que dans une affaire, le juge d’instance a reçu le père et lui a confié la garde de l’enfant sur la base d’un acte de naissance. La mère a interjeté appel de la décision du juge d’instance. Il est reproché au jugement d’avoir confié la garde de l’enfant au monsieur sur la base d’un acte de naissance fabriqué pour les besoins de la cause alors que celui détenu par la mère ne comporte pas le nom du père. La Cour, constatant que la déclaration de naissance du 16 Septembre 1998 ayant servie à la confection du deuxième acte de naissance est postérieure à l’acte de l’enfant produit par la mère, infirme le jugement entrepris et évoquant et statuant à nouveau, confie la garde de l’enfant à la mère légitime (CA. Centre, Arrêt n° 447/Civ/06-07 du 18 Juillet 2007, Aff. Dame OTTOU Delphine Catherine C/ M. MFONA Richard).

 

La légitimation

Lorsque la reconnaissance d’un enfant est suivie du mariage de ses parents, il y a légitimation. C’est une institution qui permet de transformer la condition juridique d’enfant naturel en celle d’enfant légitimé. Elle suppose que l’enfant ne bénéficie pas d’une légitimité d’origine résultant soit de sa conception, soit de sa naissance pendant le mariage. Dès lors, deux conditions majeures gouvernent l’institution de la légitimation : d’abord la constatation de la filiation naturelle, ensuite le mariage des parents de l’enfant. La légitimation découlant de la réunion de ces deux éléments s’opère de plein droit. Pour ce faire, elle n’a pas besoin d’être constatée dans un acte distinct. Elle fait juste l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance de l’enfant, à la diligence de l’Officier d'Etat Civil ayant célébré le mariage s’il a connaissance de l’existence d’enfants ; à défaut par toute personne intéressée, en l’occurrence les père et mère.

Néanmoins, lorsque la constatation de la filiation naturelle est postérieure à la célébration du mariage, la légitimation n’est pas automatique. Une troisième condition doit être remplie : la vérification judiciaire. Elle a pour but de prévenir la fraude qui consisterait à tourner l’adoption en légitimation, si les époux n’ont pas eu d’enfants. Le juge vérifie qu’avant le mariage, les époux connaissaient l’enfant et le traitaient comme le leur. On parle de légitimation post nuptias.

La légitimation des enfants naturels simples ne pose aucun problème. S’agissant de l’enfant adultérin, il ne peut être légitimé qu’une fois le mariage en violation duquel il avait été conçu dissout. Une autre condition s’ajoute s’agissant de l’enfant adultérin a madre, même lorsque le mariage de sa mère est dissout, c’est celle du désaveu du père . L’enfant naturel incestueux quant à lui ne peut être légitimé qu’une fois l’empêchement de parenté ou d’alliance qui faisait obstacle au mariage de ses auteurs levé par une dispense régulièrement obtenue.

La légitimation a pour conséquence d’assimiler la condition juridique de l’enfant légitimé à celle de l’enfant légitime. Mais une fois effectuée, la légitimation n’opère pas rétroactivement. En effet, il s’agit d’un acte constitutif qui fait acquérir à l’enfant une qualité nouvelle pour l’avenir. A la différence de l’enfant légitime, l’enfant légitimé n’est pas considéré comme tel depuis sa conception, mais à compter de l’acte de légitimation qui est selon le cas le mariage de ses auteurs ou le jugement.

 

1 Elle ne peut en aucun cas être rattachée à l’autre conjoint lorsque l’auteur de la reconnaissance est engagé dans les liens d’un mariage. Cas de la reconnaissance d’un enfant adultérin a padre qui établit la filiation uniquement à l’égard du père.

2 L’enfant naturel simple est celui dont ni le père encore moins la mère n’est engagé dans les liens du mariage par opposition à l’enfant adultérin dont l’un au moins des parent est marié à une autre personne.

3 Cet article énonce que le droit héréditaire de l’enfant naturel dans la succession de ses père et mère est fixé ainsi qu’il suit : si le père ou la mère a laissé des descendants légitimes, ce droit est la moitié de la portion héréditaire qu’il aurait eue s’il eût été légitime. (Ce principe a également connu une consécration jurisprudentielle avec l’arrêt de la Cour Suprême n° 42/L du 18 Janvier 1978, et n° 47/L du 8 février 1979)

4 Ce qui est logique dans la mesure où l’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari de la mère. C’est la présomption « pater is est quem nuptiae demonstrant » Cf. Art 312 du Code Civil.

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