DOSSIER SPECIAL: Golfe de Guinée

Depuis la fin de la guerre froide et à la faveur de la période post 11 Septembre 2001, le Golfe de Guinée connait des mutations liées à l'explosion-révolution du trafic maritime conteneurisé. La sécurisation du Golfe de Guinée est-elle une  solution allant dans le sens d'un développement harmonieux et durable des États de ladite zone ? Quelles sont les enjeux  de la sécurisation et les perspectives au regard du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC, la CEDEAO, de la CGG sur la sécurité et la sureté maritimes qui s’est tenu les 24 et 25 juin 2013 à Yaoundé?

Du 24 au 25 juin 2013, le Cameroun a abrité le premier Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC, la CEDEAO, de la CGG sur la sécurité et la sûreté maritimes, qui s’est tenu au Palais des Congrès  à Yaoundé. Plusieurs chefs d’Etats ou leurs représentants, les représentants des organisations internationale, ont effectué le déplacement du Cameroun, accompagnés de fortes délégations. Pendant deux jours,  chefs d’Etat et experts ont planché sur les stratégies communes pour la sécurisation de la région. Les travaux se sont alors articulés autour de trois piliers fondamentaux, à savoir la Déclaration des Chefs d’Etat et de gouvernement des Etats de l’Afrique Centrale et de l’Afrique de l’Ouest sur la sureté et la sécurité dans l’espace maritime commun, un code de conduite relatif à la prévention et à la répression des actes de piraterie, des vols à main armée à l’encontre des navires et des activités maritimes illicites en Afrique de l’Ouest et du Centre et enfin un mémorandum conclu en vue de réaliser une meilleure coopération entre les centres régionaux de sécurité maritime de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale ( CEEAC), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) et la Commission du Golfe de Guinée(CGG).« En ma qualité d’hôte de ce sommet, il me revient une fois de plus de prendre la parole à la fin de nos travaux. Je suis d’autant plus à l’aise dans ce privilège qu’il me permet de saluer l’esprit constructif qui a animé les travaux de Yaoundé qui s’achèvent. Je tiens à dire toute ma appréciation pour les différents apports qui ont permis de dégager notre horizon sécuritaire, ouvrant ainsi la perspective d’une grande maîtrise de l’océan », avait alors solennellement déclaré le président camerounais, son Excellence Paul Biya, lors de son discours de clotûre. Le chef des armées camerounaises soulignait ainsi la volonté consensuelle des dirigeants des deux sous-régions ayant en partage les eaux du golfe de Guinée de venir à bout de cette hydre de mer insaisissable qui prend le visage de la piraterie maritime et d’autres activités illicites connexes. Il était donc question de d’adopter une stratégie  commune qui contribuera à la régionalisation de la sécurité collective sur la façade atlantique des pays du Golfe de Guinée. Et le volontarisme des dirigeants de la CEEAC, de la CEDEAO et de la CGG s’est traduit par la décision unanimement saluée de créer un Centre inter-régional de coordination dont le siège sera à Yaoundé, en terre camerounaise.

Sécurité maritime : enjeux et perspectives

Le Golfe de Guinée est au centre de gros enjeux pétroliers qui suscitent des envies diverses. Occasionnant des différends, y compris armés, qui en font une région à risques. Trois raisons majeures ont justifié la tenue des assises de Yaoundé. D’abord des raisons géopolitiques, qui font du Golfe de Guinée, grâce à ses énormes potentialités minières et énergétiques, une « zone utile », dans les découpages géopolitiques du XXIe siècle. Il s’inscrit dans le registre des espaces convoités. « La dimension de « oil/diamond heartland » du monde tropical que la région a progressivement acquise en fait l’une des arènes les plus décisives de la compétition géopolitique mondiale. Une raison stratégique dont la raison majeure en est le pétrole », selon les géopolitologues.

Ensuite, le Golfe de Guinée se révèle être en proie à la piraterie qui hypothèque le développement régional voire continental. « La piraterie maritime est pour nos Etats une menace sérieuse à la paix et à la stabilité. Elle est un frein au développement et au bien-être de nos populations. En effet, comment s’épanouir dans un pays si d’aventure nos eaux devenaient des lieux dangereux pour la libre circulation des hommes et des biens ? », telle est la problématique posée par le chef de l’Etat camerounais dans son discours d’ouverture. Enfin, la résolution 2039 du 29 février 2012 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui recommande à la CEEAC, à la CEDEAO et à la CGG la tenue d’un sommet des chefs d’Etats et de Gouvernement sur la piraterie maritime et les vols à main armée dans le Golfe de Guinée. Laquelle résolution qui tire ses origines de la 28e réunion ministérielle du comité consultatif permanent des Nations Unies tenue au Gabon en 2008, au cours de laquelle l’idée de l’organisation d’une conférence internationale sur la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée a été proposée par le Cameroun.

Les contraintes

En raison de ces multiples richesses, cette zone est devenue à la fois une aire de transit des trafics, et un site de confrontation, de rivalité et de convoitise entre puissances. En somme, la géopolitique des ressources du Golfe de Guinée met en exergue la présence des richesses sur l’ensemble de l’échancrure et ces ressources transforment cet espace en un théâtre d’opération des professionnels du crime (cybercriminalité, trafic de drogue, trafic d’armes, des êtres humains et de leurs organes, des espèces protégées) et confrontation des puissances.

Enjeux sécuritaires

1-Les enjeux d’appropriation des richesses ou enjeux externes

La découverte d’importants gisements pétroliers et le gaz naturel sur le littoral et au large  a renforcé l’intérêt  économique que suscite le Golfe de Guinée faisant de certains des pays abritant ces gisements des pôles d’attraction économique. Le Golfe de Guinée est donc un espace géographique convoité. La convoitise se manifeste sous forme d’investissements notamment politique, militaire et économique, comme l’affirme AWOUMOU Côme Damien Georges, docteur en Relations Internationale, dans une étude intitulée ‘’Le Golfe de Guinée face aux convoitises ″. Traditionnellement d’influence française, le Golfe de Guinée se  transforme peu à peu en un champ d’intérêts américains dès les années 2000.

Sur le plan politique, les Etats de la sous-région sont l’objet d’une cour assidue tous azimuts. C’est ainsi que tous les chefs d’Etat de l’Afrique Centrale ont été reçus en audience collective par le président Bush en octobre 2002, pour parler essentiellement du pétrole et de la sécurité. Au plan militaire, les Etats Unis ont transféré certaines de leurs forces basées en Europe en Afrique, plus précisément dans cette zone-là.

Au plan économique, plusieurs majors à l’instar de Chevron Texaco, Exxon Mobil investissent dans le pétrole, plusieurs milliards de dollars. D’autant plus que, dans la ″National Energy Plan″, élaborée en 2001 par l’équipe du vice-président américain Richard Cheney, il est suggéré que 25% de la demande américaine soit satisfaite par le marché africain à l’horizon 2015.

En dehors des Européens et des américains, la manne pétrolière du Golfe de Guinée est convoitée par les pays émergents tels la Chine, le Brésil et bien d’autres.

Enjeux internes

Le partage de la rente : le pétrole est au cœur de la corruption, facteur des conflits, d’appétits et de rivalités. L’on peut également souligner des problèmes d’ordre territorial : les frontières ne sont pas toujours bien précisées.

Enjeux de la régulation des trafics

Le littoral africain s’étend sur 31000 km, y compris l’Afrique du Nord et l’Afrique Subsaharienne dont les côtes couvrent près de 18 000 km.  A côté de cela, les ressources navales et autres logistique de patrouille ne sont pas conséquentes. D’où la difficulté d’effectuer des patrouilles. Chaque Etat du Golfe de Guinée est confronté à des défis sécuritaires. Le manque de navires entrainant une protection insuffisante et un développement des trafics de tout genre.

Le Cameroun, quant à lui est un modèle en matière de patrouille maritime, avec la création du Bataillon d’intervention Rapide (BIR) qui est une riposte efficace face à l’insécurité au large des côtes camerounaises.

Comment relever les défis ?

Le sommet de Yaoundé apporte trois réponses d’envergure, dans le cadre d’une synergie gouvernementale concertée et transfrontalière, au problème d’insécurité maritime. La première réponse est une compilation de recommandations consignées dans un document intitulé Déclaration des Chefs d’Etats et de Gouvernement des Etats de l’Afrique Centrale et de l’Afrique de l’Ouest sur la sureté et la sécurité dans l’espace maritime commun. Cet instrument jette les bases d’une  plate-forme de travail entre les parties prenantes dans la mise en œuvre d’une Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans –horizon 2050 (Stratégie AIM 2020). La boussole pour y arriver, le renforcement par les trois entités institutionnelles que sont  la CEEAC, la CEDEAO et la CGG, des activités visant à la coopération, la coordination, la mutualisation et l’interopérabilité des moyens entre les Etats membres, l’acquisition de la logistique de contrôle et de patrouille et d’énormes ressources financières.

La deuxième réponse est un code de conduite élaboré à titre transitoire pour promouvoir la coopération maritime régionale et l’instauration d’un environnement maritime stable, qui contribuera à la paix, l’ordre et au maintien de la prospérité en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. Cet instrument censé devenir contraignant à moyen terme, est un code déontologique régional en matière de répression des actes criminels transnationaux violant le droit international, tels que le terrorisme maritime, la pêche illégale, non règlementée et non déclarée (INN) et autres activités illégales en mers sur fond de respect de l’intégrité territoriale et de souveraineté des Etats parties. A cet effet, les Etats signataires doivent internaliser les instruments internationaux dans leurs  législations respectives en vue de faciliter la coopération évoquée supra, créer des instances nationales de sécurité maritime, établir un plan national de sécurité maritime et les juridictions poursuivre les auteurs de toutes les formes de d’actes de piraterie et d’actes illicites à l’encontre des gens de mers des navires et du personnel d’installations portuaires ; renforcer la protection des navire, la coopération judicaire, l’échange d’information, le renforcement des capacités pour la gestion du milieu marin, en particulier pour le maintien de l’ordre en mer, la préservation et la protection du milieu marin et la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution marine.

La troisième réponse est le mémorandum d’entente entre la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et la Commission du Golfe de Guinée (CGG) sur la sureté et la sécurité dans l’espace maritime de l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Ouest. Ledit mémorandum est conclu en vue de réaliser une meilleure coopération entre les centres régionaux de sécurité maritime de la CEEAC, de la CEDEAO et de la CGG. Cette coopération s’opérera au plan technique, en matière de formation et renforcement des capacités, gestion de l’information et collecte des données etc. Avec ces feuilles de route, les Etats de la CEAAC, la CEDEAO et la CGG se font fort de triompher de l’Hydre maritime qu’est l’insécurité dans le golfe de Guinée. Et bien sûr, avec l’appui des partenaires multilatéraux, en concédant les ressources naturelles, et, au risque  de spolier l’Afrique.

Emilienne N. Soué & Marius Nguimbous

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