ART

« On peut atteindre les 80 millions d’abonnés, même si la pression démographique explose. On a encore beaucoup d’années devant nous pour la question des numéros »

 

La régulation de l’environnement économique des Télécommunications est une tâche ardue qui sollicite de la part du régulateur une vigilance et un contrôle accru, garants de l’assainissement de cet environnement concurrentiel. A ce propos, la mise en place des infrastructures de pointe,  une meilleure gestion des ressources rares, la couverture nationale, la réduction tarifaire, l’intégration sous-régionale, et la convergence technologique sont autant de défis que doit relever l’Agence au travers de ses missions techniques. Explications de  Mme DINH ESSAKA, Chef Cellule des Analyses et Evaluations Economiques et M. MIASSE Hermann Olivier, chef de Cellule des licences.

Comment les opérateurs pensent-ils parvenir à la couverture nationale, si d’une part, les ressources (fréquences, numéros, points hauts) sont rares et, d’autre part, il y a la pression démographique ?

M. MIASSE: La couverture du territoire national est une obligation des cahiers des charges. Il y a une clause qui prescrit la couverture du  territoire national. Cela suppose que,  quand on a une licence, ce n’est pas seulement pour couvrir Yaoundé et Douala, c’est pour couvrir tout le territoire. Pour le cas de MTN et Orange, la phase 1 du cahier des charges, dispose que dés la 1ère année, il faut au moins couvrir Yaoundé, Douala, Bafoussam ainsi que leurs aéroports et les routes qui y mènent, ainsi de suite, jusqu’à la phase 4 pour les villes de plus de 50 000 habitants. Pour les numéros, le problème a déjà presque été résolu, puisque avant,  les centrales téléphoniques étaient analogiques, ce qui  signifie que,  pour couvrir une zone, il y avait un nombre de fils qu’on pouvait tirer et lorsque ce taux était atteint par les abonnés,  il fallait une mise à jour en y  ajoutant d’autres. Ce qui fait qu’il y avait vraiment une limitation en matériel. Actuellement, l’on est passé aux centrales  numériques; ce qui nous a permis de passer de 6 à 7 chiffres et de 7 à 8 chiffres. Ce n’est plus une affaire de fils, mais de programmation de changement de cartes à l’intérieur des systèmes pour augmenter les plages des abonnés.

 

Pourrait-on envisager une mutation de 8 à 10 chiffres par exemple ?

Actuellement, on peut aller à environ 80 millions d’abonnés ; même si la pression démographique explose, on a encore beaucoup d’années devant nous pour la question des numéros.

Pour ce qui est des points hauts, ce ne sont pas que des ressources rares mais des ressources essentielles, puisqu’on ne saurait les dupliquer ; ce qui fait que tout opérateur a  le droit d’accès à ces points. Je vais prendre le cas de Yaoundé avec  le Mont Mbankolo ; si un opérateur parvient à installer ses antennes à Mbankolo,  il  peut couvrir  à peu de frais une bonne partie de Yaoundé et même toucher les points et les villes environnantes. L’exploitation d’un tel site ne peut pas faire l’objet d’un monopole. A cet effet, le Régulateur  a prévu un texte, un accord-cadre qui régit le partage d’infrastructures.  A partir de là, si déjà MTN a construit un pylône sur un point haut et qu’Orange veuille également mettre ses infrastructures sur le même point, il n’aura plus besoin de construire un autre pylône à proximité. Il faudrait au préalable que MTN ait prévu de la place pour d’autres opérateurs qui viendront solliciter le partage,  de telle manière qu’on puisse gérer de façon efficiente les ressources rares. S’il n’y avait pas cet accord, le premier arrivé aurait monopolisé toutes les ressources ; l’accord-cadre limite et encadre la concurrence sur les infrastructures. Il serait  donc inefficient de dupliquer  les infrastructures ; autant partager celles existantes dans le but aussi de réduire les coûts d’exploitation.

 

Qu’est-ce qu’une fréquence ?

Généralement, une fréquence est définie comme étant le nombre de fois qu’un phénomène se produit dans le temps.  Mais en télécommunication et en physique,  une fréquence est un média, un support. Prenons  par exemple un  émetteur d’un  côté  et un récepteur de l’autre qui veulent communiquer ;  l’on peut  les relier par un fil qui va porter l’information ; on peut aussi les relier par un signal lumineux qui va émettre l’information. Il peut aussi arriver qu’on ne mette pas de fil, le média sera la fréquence. C’est donc ce support-là qui va porter l’information. Nous sommes en train de parler en ce moment, ce sont les fréquences vocales qui portent l’information ; dès qu’on s’éloigne, on aura du mal à s’écouter, car leurs forces (intensités) vont s’atténuer  au fur et à mesure que l’on s’éloigne. A ce moment-là, on aura donc besoin des amplificateurs ou des relais, c’est-à-dire des appareils qui vont régénérer le signal. Pour la téléphonie mobile, quand l’on communique avec son portable, ce sont  les fréquences qui font office de support. Mais elles sont tout de même limitées.

Au Cameroun,  pour la téléphonie, ce sont des fréquences de 900  et 1800 mégahertz qui sont utilisées pour le GSM. Dans d’autres pays comme le Japon et les USA, on est sur la base des 1900 mégahertz. Actuellement il est prévu de loger trois(3) opérateurs dans la bande des 900 MGHZ.  C’est le cas de MTN, Orange et du repreneur de Camtel. On peut donc réaménager ces bandes de fréquences  pour loger plus d’opérateurs comme c’est le cas dans certains pays où on a pu en  loger 4 ou  5. La technologie ayant évolué, on peut donc vaincre la limite qui,  il y a quelques années, paraissait insurmontable. Par conséquent, l’on pourra couvrir tout le pays, malgré la pression démographique et la rareté des fréquences.

 

Pouvez-vous expliquer au public pourquoi, malgré le déploiement des réseaux à fibre optique, les consommateurs observent toujours des perturbations sur les réseaux (MTN – ORANGE – CAMTEL) surtout en fin d’année ?

C’est une question  à deux volets  qu’on ne peut pas forcément lier. La fibre optique, c’est un choix de technologie et les perturbations, c’est autre chose. La fibre optique peut juste servir à raccorder les sous-systèmes d’un réseau.  Par exemple, si entre Yaoundé et Douala un opérateur dispose de son système, notamment les BTS et les contrôleurs des BTS, alors il peut les relier par un support de son choix, il peut le faire par voie sans fils notamment, par des ondes en utilisant des fréquences. Il peut le faire par voie filaire, notamment le câble. Le câble peut donc être la fibre optique ou le cuivre. Quand déjà il parvient à relier les sous-systèmes par fibre optique, alors la transmission des signaux est immunisée contre les perturbations existantes et     peut continuer sans problème.  Pour ce qui est des autres perturbations, notamment celles observées en fin d’année , rappelons  que les BTS sont conçues pour pouvoir traiter un nombre de communication à la fois, ce qui  fait qu’il y a parfois des listes d’attentes lorsque la capacité est atteinte, et les nouveaux appels vont attendre que ceux en cours de communication puissent raccrocher et libérer la ressource. Et comme en fin d’année, à une heure particulière,  tout le monde veut  transmettre un message à son prochain, on a l’impression que le réseau est saturé et à cette période-là, les opérateurs, entre autres, multiplient les BTS temporaires, à tel point que si l’une est saturée, l’abonné qui passe un appel va être aiguillé sur une autre voisine. Ce qui résorbe le problème. Au début du GSM, année 2000,  ce problème se posait, mais au fil des années, cela commence à être maîtrisé par les opérateurs; et c’est la même chose pour la messagerie ; quand on envoie un SMS à ce moment de pointe, il n’est plus instantané. Il faut  attendre que ceux  qui sont d’abord stockés dans le centre de messagerie soient « délivrés », puisque dans la pratique, l’envoi d’un SMS se fait en deux temps : un 1er temps,  c’est du portable de l’abonné jusqu’au serveur des messageries, et dans un 2e temps,  du  centre de messagerie qui  délivre ce SMS au destinataire prêt à recevoir le message. Ces phases sont respectivement le Submit et le deliver.  Si l’abonné destinataire  est hors service à ce moment-là ou même si son téléphone est déjà saturé de messages, le réseau ne peut pas lui  en délivrer d’autres. Voilà pourquoi en cette période-là, tout comme avec les appels vocaux,  les SMS sont aussi perturbés. Avec l’expérience, les opérateurs trouveront des solutions pour absorber ces trafics. Lorsque les sous-systèmes sont raccordés par liaison hertzienne, c’est-à-dire par les fréquences, il peut y avoir des interférences. En effet-,  Il peut arriver, lorsqu’un autre réseau est exploité à proximité d’une telle liaison, que  les fréquences perturbent  les transmissions de cette dernière; en utilisant la fibre optique, il y aura moins de perturbations, car celle-ci véhicule les informations sous forme de faisceaux lumineux, qui ne sont pas perturbés par des ondes radioélectriques.

 

Quel est le but de la campagne d’identification ?

Le but  visé est de veiller à ce que chaque abonné puisse être identifié.  Il  peut donc y avoir plusieurs exploitations.  Nous sommes à l’heure de la  cybercriminalité : il faut au moins avoir une piste en cas d’appel malveillant. Par exemple, si l’on a un ravisseur qui demande une rançon, au moins, on peut déjà à partir du numéro  de téléphone utilisé, arriver au souscripteur. On peut donc remonter jusqu’au détenteur courant du numéro.  Il est donc impératif que tout abonné soit identifié. Cela peut aussi être utile pour les accidentés ; à partir de leurs numéro de téléphone, on peut remonter jusqu’à leurs familles. Au début du mobile, le but de la campagne d’abonnement visait à ce  que les opérateurs recrutent le maximum d’abonnés, que les usagers aient accès aux services. Normalement,  en allant acheter une puce, vous devez avoir au moins une pièce d’identité comme pour un abonnement à AES/Sonel ;  cela  devrait être la même chose.  C’est  le phénomène du prépayé - une exclusivité africaine -,  qui  a un peu bouleversé la donne.  Au début, les opérateurs n’étaient pas très regardants sur les identités  des usagers ; ce qui importait, c’était de leur  faciliter  l’accès au service. Mais à un moment donné, il faut qu’on puisse identifier. Cela se passe partout parce que,  même quand vous voyagez et que vous achetez une puce, on vous demande de renvoyer la photocopie de votre passeport, avant de l’activer.

Pourquoi les tarifs téléphoniques et des services internet sont-ils aussi élevés au Cameroun par rapport aux autres régions d’Afrique ?

Mme DINH ESSAKA : Cela est  très relatif parce qu’on essaye quand même de faire un benchmark ; c’est-à-dire,  des comparaisons entre les pays et les régions.  Il faut dire qu’en zone Afrique Centrale, on a les tarifs les plus élevés par rapport à l’Afrique de l’Ouest et de l’Est, mais le Cameroun est dans l’une de ces moyennes-là.

Nous  estimons que les tarifs  ne sont  pas suffisamment bas pour plusieurs raisons : en premier lieu, dans les autres pays, les opérateurs de téléphonie mobile, quand ils arrivent, ils s’appuient sur l’infrastructure de l’opérateur existant, c’est-à-dire l’opérateur historique; celui qu’ils ont trouvé. Or, le problème qui s’est posé au Cameroun est qu’on a créé Camtel et  la structure a aussitôt été mise à  privatiser.  Ce qui signifie que,  tous les investissements ont été gelés ; on n’a plus investit sur le réseau, puis  les opérateurs sont arrivés. Il fallait qu’ils se déploient parce qu’ils avaient des obligations de couverture. Ils ont donc investi pour le faire alors qu’ils  devaient s’appuyer sur le réseau existant pour pouvoir étendre leurs activités.  Vous comprenez  donc qu’il y a eu augmentation en termes de coûts.

Le 2e problème est qu’au début, les opérateurs multipliaient les infrastructures. Chacun voulait avoir son réseau.  Nous sommes en train de régler le problème  au niveau des infrastructures avec le partage. On essaye la mutualisation.

Le 3ème point qui fait en sorte que les tarifs soient élevés, est  qu’il n’y a pas suffisamment de concurrence dans ce segment de marché.  Il faut bien qu’il y ait   concurrence entre  opérateurs de téléphonie mobile. Quand ils sont deux(2), c’est plus facile de s’entendre, ils peuvent baisser plus.  Mais comme ils  ne sont  que deux, ils forment une sorte de duopole.

 

Le 4ème problème, c’est le problème de taxes ; il faut quand même avouer qu’au Cameroun, elles sont assez élevées. Ce qu’on oublie c’est que le tarif c’est un ensemble de coûts, plus la marge bénéficiaire. Alors, tous les coûts qui sont à la base,  on les  répercute au consommateur et on ajoute sa marge dessus.   Plus les taxes sont élevées, plus cela se ressent au niveau des tarifs.  Les opérateurs payent leurs taxes,  mais ils savent comment faire pour recouvrer ces taxes.

 

Enfin, ces dernières années, on a un  problème d’énergie. Qu’est-ce-qui se passe avec l’énergie ?  Avec tous les problèmes enregistrés au niveau  d’AES/SONEL, les opérateurs sont obligés d’utiliser des groupes électrogènes et vous savez qu’à ce  niveau  aussi,  le prix du carburant  a connu une augmentation sensible.  Le baril de pétrole est à 80 dollars ces jours-ci. Il faut alimenter, parce qu’un réseau mobile est un ensemble de points et qu’il est sans fil ; certains éléments de réseau fonctionnent en permanence  chaque fois que  les fréquences tournent pour trouver les abonnés et il faut les alimenter en énergie. Quand on n’a pas d’électricité il faut qu’une énergie de relai reprenne l’alimentation. Cela ne peut pas faire diminuer les prix.

 

MIASSE : Par exemple entre Douala et Yaoundé si MTN ou Orange doit maintenir une liaison, il faut qu’un groupe électrogène tourne 24h/24 et il est alimenté en carburant, alors que si l’énergie est fournie  par AES/SONEL, cette charge aurait été supprimée ou du moins amoindrie. Et quand on dit alimenter en carburant, cela signifie  qu’il faut d’abord acheter le carburant et le transporter sur les sites. Ces charges sont prises en compte dans la structure des coûts de communication. Il faut  par la suite envoyer des techniciens en mission.

 

DINH ESSAKA : Il n’en demeure pas moins que  nous estimons que les tarifs sont tout de même élevés. Ce qui  ne veut pas dire que, malgré ces désagréments,  les opérateurs ne peuvent rien faire pour revoir les tarifs à la baisse. Nous essayons tous les ans de revoir les coûts.  On les voit à travers le coût d’interconnexion qui est  l’un des principaux coûts que l’on encadre au niveau de l’agence, et tous les ans jusqu’ici, cela a baissé. Au début ils étaient à 144 FCFA la minute, depuis l’année dernière ils sont à 45 FCFA. Cette année ce sera encore moins, mais on n’a pas encore bouclé les négociations avec eux, mais ce coût-là, plus il diminue, plus on oblige aussi les opérateurs à baisser leurs tarifs. Il faut quand même avouer qu’ils sont confrontés à tous les problèmes évoqués plus haut.

Jusqu’ici, nous n’avons  parlé que du téléphone mais pas d’Internet ; mais tout cela se tient. L’Internet peut se développer s’il y a un réseau conséquent. C’est maintenant que les opérateurs sont en train  d’investir  pour en installer. Désormais, on ne parle plus que de haut débit,  de la fibre optique  qui fait  diminuer les coûts, parce que ce ne sont plus les mêmes médias. Au Cameroun, on est seulement en train d’installer; par contre ailleurs, ils sont à 20 000 km de fibre, pendant qu’on parle de 1000 km.  Le pipeline s’étend sur 1000 km seulement. On a  donc un problème d’infrastructures et un problème d’accès.

 

MIASSE : par exemple la plupart des ISP qui sont basés à Douala sont connectés au Backbone Internet par le câble sous-marin et là aussi les tarifs d’accès sont élevés, mais pour ceux qui sont à l’intérieur du pays, la fibre n’arrive pas encore à leur niveau,  ce qui  fait qu’ils sont obligés de passer par le satellite et qui dit communications par satellite dit location de bandes passantes aussi bien sur le plan national que sur le plan international (segment spatial).  Comme pour le téléphone,  Il y a une structure des coûts qui fait que si certains éléments n y  figuraient pas,  les coûts baisseraient, les tarifs aux usagers avec.

 

Avec les  problèmes sus énumérés comment prétendre un jour à la couverture de l’ensemble du  territoire national ?

 

DINH ESSAKA : Il faut dire qu’on a quand même déjà une dorsale parce que la fibre s’étend du Nord jusqu’au Sud.  Tout le long du tracé du pipeline, il y a 17 points de sortie ; il suffit  seulement de tirer la fibre dans les villes.  Je pense que Camtel fait des choses par rapport à cela, peut-être pas à la vitesse qu’on voudrait, parce que  c’est une société à privatiser. Mais ils sont en train de faire des travaux et notamment, nous avons eu des demandes des opérateurs  de mobile qui veulent aussi installer la fibre optique. C’est un grand chantier.

 

Revenons sur  les fréquences et  leur mode de gestion…

 

MIASSE : On va d’abord parler du découpage  du spectre. Des fréquences allant de 30 Kilohertz à 30 000 Mégahertz.  Rappelons que  l’unité de mesure des fréquences c’est le Hertz.  Les fréquences en dessous de 30 Kilohertz ce sont les Very Low Frequencies (VLF),  de 30 kHz à 20 MHz ce sont les LF qui se propagent en ondes de sol et permettent les longues portées. Ensuite,  on a la HF qui va de 2MHz à 30 MHz, c’est par exemple à ce niveau qu’on retrouve les talkies-walkies utilisés par les forestiers. De 30 MHz à  300 MHz,  on a la VHF qui  sont des fréquences  permettant des émissions à vue, limitées à l’horizon ; là également on a des talkies-walkies que les vigiles, la Police et autres  forces de Défense utilisent. Ensuite la UHF de 300 MHz à 3000 MHz ; là aussi, les communications sont rectilignes et limitées à l’horizon et c’est dans cette bande qu’on retrouve les mobiles, dont le GSM. Enfin,  il y’a les SHF qui vont de 3000 MHz à 30 000 MHz et sont utilisés notamment pour les RADAR (météo, navigation aérienne).

 

Au Cameroun plusieurs  administrations utilisent les fréquences. Nous avons notamment la Défense, l’Administration du Territoire, la police, puis  les opérateurs, sans oublier l’audiovisuel (Télé, Radio). Pour cela, il faut un découpage de la bande afin d’éviter par exemple que les fréquences de la Défense soient brouillées par celles des opérateurs économiques (Télécoms). Il faut donc une attribution de ces bandes et cette structuration se fait  au niveau de l’Organe Interministériel de Gestion des Bandes de Fréquence.  C’est le ministre en charge des Télécommunications qui préside ce Comité. C’est dans la partie qui revient aux Télécommunications qu’on prélève celles  qui seront  assignées  aux opérateurs et à tous ceux qui les utilisent comme activité connexe (les banques par exemple utilisent les fréquences pour raccorder leurs agences et améliorer le service bancaire).

 

Quels moyens l’ART met en œuvre pour contrecarrer l’utilisation non autorisée des fréquences par certains acteurs ?

L’ART s’est dotée d’un équipement moderne roulant qui peut permettre de détecter à distance des émissions, celui-ci étant relié à une base de données. Les émissions sont détectées automatiquement, ainsi que la localisation de l’endroit d’où elles proviennent. Ce procédé est  appelé la triangulation. Le système  permet de localiser la source d’émission et comparer sa fréquence à celles qui sont dans la base de données. On pourra  donc déterminer si la fréquence qui est en cours d’utilisation a bien  fait l’objet d’une assignation  et si ce n’est pas le cas, on envoie une équipe sur place pour verbaliser l’auteur de l’utilisation frauduleuse et prendre toutes les mesures conservatoires qui s’imposent.

Les procédures d’assignation des fréquences ont été allégées.  Quiconque souhaite exploiter un réseau radioélectrique peut venir faire une demande sans limitation. Ceci incite aussi à ne pas utiliser les fréquences de façon frauduleuse. Cette libéralisation protège un peu des fraudes.

 

Vous avez fait des prévisions à court et à long termes pour pouvoir maintenir et augmenter la qualité de service des structures de télécommunication.  Qu’est ce qui garantit  les consommateurs de la fiabilité des services à long terme ?

 

MIASSE : On se base toujours sur les cahiers de charges des opérateurs.  Lorsqu’ un opérateur obtient sa licence, celle-ci comporte ses droits et ses obligations, de manière à ce qu’il puisse vraiment vivre de son art. Le cahier des charges, en fait,  donne des prescriptions visant à protéger le consommateur. L’ART est donc chargée de suivre la mise en œuvre du cahier de charges. En le faisant, elle assure aux consommateurs une bonne qualité de service,  puisque, dans le cahier de charges, il est généralement  fait mention de disponibilité continue  du service sur  toute la durée de la concession. Cela veut dire que, si l’on fait un contrôle de qualité aujourd’hui,  qui est favorable à l’opérateur, on ne dira pas que la qualité est définitivement  bonne. C’est  donc un travail permanent. Actuellement,  il y a une campagne en cours qui vise la vulgarisation des mesures  de couverture et de qualité, puisque c’est d’abord la couverture qui permet de vérifier que le signal arrive bel et  bien à un point donné du territoire. Ceci étant, la question est de savoir si  le signal qui arrive est de bonne qualité. Est-ce que le niveau du signal est très élevé ? Au quel cas, cela peut perturber  notamment l’ouïe dans l’organisme, est-ce qu’il est bas ? Au quel cas les communications seraient inintelligibles. Est-ce que pour émettre un appel il faut faire huit ou dix tentatives ? C’est donc un travail au quotidien. Le suivi de la bonne exécution des cahiers de charges garantit aux consommateurs, à long terme, des services fiables et de bonne qualité.

Quelles sont les avancées en matière d’intégration dans les domaines des télécommunications dans la sous-région Afrique Centrale (CEMAC) ?

 

DINH ESSAKA: En ce qui concerne l’intégration sous-régionale, on peut dire que la zone CEMAC  est aussi à la traîne par rapport à la zone UEMOA. En Afrique de l’Ouest, ils ont déjà des textes communautaires et ils en sont à la transposition.  Ils ont d’ailleurs  des délais pour que les administrations nationales transposent  les textes qui ont été adoptés dans les législations nationales. Au niveau de la CEMAC, on avance comme on peut. Le conseil des ministres a adopté des textes communautaires fin 2008.  Il y a deux types de textes: ceux qui sont contraignants et ceux qui ne le sont pas, comme les traités par exemple et les directives. Je crois qu’il y a cinq directives et une loi qui doit être contraignante. Maintenant, il revient  au gouvernement de faire la règlementation et  l’ART la met en pratique. Mais je crois qu’il y’a un projet de loi des télécommunications qui tient encore lieu par rapport à ce qui a été dit dans les textes communautaires. La CEMAC a également adopté son paquet règlementaire et essaye de faire des infrastructures pour l’intégration à l’exemple du projet-cadre (Central African Ckbone) qui veulent faire un réseau à fibre optique intégrant le  Cameroun, la République Centrafricaine et le  Tchad.  Cela fait partie des deux grands projets actuels.

 

MIASSE : Dans la même lancée, on a pu créer l’ARTAC qui regroupe les régulateurs des télécoms d’Afrique Centrale et qui traite des questions transfrontalières. Si par exemple au Tchad (N’Djamena) il y a un opérateur de téléphonie mobile et un autre  installé au Cameroun (Kousseri), comme les ondes n’ont pas de frontière, lorsque l’opérateur de téléphonie émet de Kousséri,  les ondes arrivent à N’Djamena et vice versa. Comme cela a été le cas, les  opérateurs de téléphonie du Cameroun ont pris des parts de marché au Tchad et vice versa ; cela a donc créé des litiges  qui ont suscité l’intervention des régulateurs. Actuellement le calme est revenu. Cette résolution des litiges s’appelle la coordination transfrontalière.

Au niveau de la CEMAC, l’ARTAC traite déjà de ce genre de problèmes.  Pour compléter les propos de Mme ESSAKA, les textes en cours  qui ont été validés récemment visent à harmoniser les cadres règlementaires dans la CEMAC. Il faut que les Etats parlent le même langage ; par exemple, au Cameroun, l’on désignait une licence de téléphonie mobile par le terme concession, alors qu’au Gabon on parlait simplement de licence, ce qui  fait qu’il y’avait des disparités dans la nomenclature. Aussi, lors des  conseils, l’on parlait de la même chose, mais en des termes différents. Actuellement, on harmonise en laissant à chaque Etat sa marge de souveraineté. C’est dans ce sens-là que les lois ont été révisées ou sont en cours de révision dans les Etats membres dont le Cameroun, afin de s’arrimer aux textes harmonieux sus évoqués.

 

Qu’est-ce que la convergence technologique, et comment peut-elle à la lumière des instruments juridiques en cours d’élaboration  participer à une régulation uniforme ?

MIASSE : La convergence technologique c’est le fait qu’une seule technologie (un appareil) puisse concentrer plusieurs services. Par exemple avec ce téléphone, on pouvait juste transmettre  de la voix,  alors qu’avec l’évolution de la technologie, on peut non seulement  transmettre la voix, mais également des données. On peut  ainsi  visionner des films, enregistrer des sons, filmer et photographier etc.  Chaque service se référant à une administration particulière. Par rapport au cadre juridique actuel, chaque administration est chargée d’une mission bien précise : le MINCOM est compétent pour  tout ce qui est visuel (images), alors que le MINPOSTEL a en  charge  des données et de la voix (téléphone). Alors, lorsqu’un appareil  concentre les images, des données et la voix par exemple,  comment il va être géré ?  Est-ce qu’il faudrait fédérer les administrations pour délivrer une seule licence ou alors chaque administration va continuer à administrer sa licence ? Ce sont les cas auxquels  l’on commence déjà à être confronté. Avec le cadre réglementaire actuel,  on parvient à  résoudre cette question. Pour l’administration, il n’y a pas de problème puisqu’elle applique les textes,  chacune en ce qui la concerne. Mais pour l’opérateur, cela fait un paquet de licences qu’il tient en main. La question est  celle de savoir s’il faut aussi converger leurs administrations.  A titre d’illustration, un provider (ISP) d’Internet qui veut déployer une technologie qui  permet de fournir un service TV par Internet aura recours à deux administrations différentes (le MINPOST et le MINCOM). Au final, il sera en règle puisse qu’au niveau des télécommunications, il dispose d’une licence de fournisseur d’accès et des services Internet. Au niveau du MINCOM, il obtiendra celle des câblo-opérateurs. Cette question de règlementation multisectorielle relève de la compétence du gouvernement.

Propos recueillis par Emilienne N. Soué


LEXIQUE

ISP: Internet Service Provider

HF: High Frequency = Hautes Fréquences

VHF: Very High Frequency

UHF: Upper High Frequency

ARTAC: Assemblée des Régulateur des Télécommunication d’Afrique Centrale

CTRD : Commission Technique de Règlement des Différends

CRD : Comité de Règlement des Différends

Articles liés

COOPERATION CHINE-OAPI

Litige et contentieux

OAPI et Formation

Effectivité, concrétisation de l'OAPI

Africa

Visitor Counter

Cameroun 70,3% Cameroun
France 7,2% France
États-Unis d'Amérique 4,1% États-Unis d'Amérique
Inconnu 3,5% Inconnu

Total:

116

Pays
03203299
Aujourd'hui: 34
Cette semaine: 66
Ce mois: 948
Mois dernier: 1.143
Total: 3.203.299