Recrutement de la Fonction Publique

Une gestion  approximative  de l’approche handicap

Si la publication des listes des 25000 recrutés jeunes Camerounais  a fait la joie des milliers de jeunes Camerounais qui étaient jusque là sans emploi,  plus nombreux étaient les mécontents, au rang  desquels les handicapés. A l’origine de la colère de ces derniers, la non prise en compte, à leur avis,  de la discrimination positive, promise avant le lancement du recrutement massif.

52 personnes  vivant avec le handicap retenues au départ lors de la présélection des 25000 jeunes sollicités pour  la Fonction Publique  camerounaise. Un chiffre à l’origine de la défiance du collectif des personnes avec le handicap qui aboutit au premier piquet à la Primature : «  Nous ne demandons pas des privilèges exceptionnels mais nous revendiquons ce qui nous est garanti par les Conventions et les règlements des Nations Unies, par la Constitution de la République du Cameroun, par les lois et règlement de notre pays », clament haut et fort, Faustin Ngono Lomo, Kemmegne Kouam Théophile respectivement délégué du collectif et président de l’Association des Handicapés Diplômés de l’Enseignement Supérieur (AHDES), et Mbock Lebock Aloys Serge, président fondateur de l’Association Internationale pour la Promotion et la Défense des Droits des Handicapés et Personnes Affectées (APDDHPA). Ces leaders du collectif, comme bien d’autres membres de leurs associations n’ont pas été recrutés à la Fonction Publique.
Les revendications des  jeunes handicapés  tournaient autour de la prise en compte de l’approche handicap dans les listes des 25000. Sensibilisé, le comité technique en charge du recrutement  procède  au réexamen de leurs dossiers de candidature. Il  est donc  demandé à tous les handicapés ayant fait acte de candidature dans le cadre du recrutement spécial de 25000 jeunes, de déposer au plus tard, le 18 novembre 2011 auprès des équipes spéciales du comité technique siégeant dans les services du Gouverneur de Région, une copie de la carte d’invalidité et le récépissé du dépôt du dossier de candidature. A en croire une source anonyme et proche dudit comité à la Fonction publique, la gestion des dossiers des recrutements n’était pas aisée. D’abord, il y avait 306000 dossiers de candidatures, pour une rétention de 25000 jeunes, Soit environ 10% à la Fonction publique.  Une base de données  avec des informations erronées relatives aux personnes avec le handicap serait à l’origine de la confusion. D’après le cadre de la fonction publique, dès le premier piquet à la Primature, l’on a recommencé les opérations de décomptes. Il  a donc été question de réactualiser les bases de données, à l’aide de la production des cartes d’invalidité dans les Régions. Au total, 700 personnes handicapées sont enregistrées.
Les travaux qui vont durer trois jours  seront effectués en trois étapes : le 1er jour, il fallait recenser l’adaptation Handicap/poste à pourvoir. 100 personnes seront ainsi éliminées ; Le deuxième facteur à examiner concernait le degré de Handicap ; la troisième étape à consister à la vérification de l’authenticité des documents : cette vérification a permis de débusquer une soixantaine de faux certificats d’invalidité, de faux diplômes et puis, certaines personnes qui avaient déposé les copies de cartes d’invalidité pour le réexamen des dossiers n’avaient pas fait acte de candidature. Après trois jours de travaux, les personnes retenues étaient au nombre de 408.
Toutefois, il faut noter que trois cas dont les informations sur le taux d’invalidité étaient erronées ont été éliminés.
Le comité de supervision fait face à une autre difficulté inattendue : avoir fondu les noms des retenus handicapés dans les listes générales créent un tollé. Le comité est accusé d’avoir « oublié » les personnes avec le handicap. Le comité aurait dû publier les listes par catégorie de postes, ce qui, selon ledit comité semble stigmatiser une catégorie sociale alors même que la politique gouvernementale tend vers la lutte contre toute forme de discrimination.

Plaidoyer des handicapés pour leur intégration  socio professionnelle.

Après ce compte-rendu  gouvernemental du déroulement des travaux des opérations de recrutement des 25000, qu’est-ce qui fait problème ?
Tout  commence en 2007 : Doléance pour le recrutement de quelques  diplômés handicapés  de l’Enseignement Supérieur à la  Fonction publique  adressée à M. Le Premier ministre  et transmise à travers le ministère de la Fonction Publique et de la Réforme administrative)  le 27/04/2007. Soit un recrutement spécial des handicapés diplômés de l’Enseignement Supérieur à raison de quatre par ministère. Cette interpellation du Premier ministre avait pour but d’attirer l’attention sur la situation des temporaires handicapés afin de les contractualiser.
Il faut rappeler que le ministère des Affaires sociales avait déjà anticipé la revendication des handicapés et était le seul à avoir recruté 200 temporaires handicapés (cf. Note Minas Recrutement pilote).  A en croire les membres du collectif, leur doléance au PM est restée lettre morte.
En 2009  le collectif interpelle le président de la République sous la forme d’un  Plaidoyer pour une prescription spéciale en faveur de l’emploi des diplômés handicapés dans la Fonction Publique  adressé au chef de l’Etat de la République du Cameroun : résultat : Par une  lettre datant du 13 août 2009, le Minas invite le président de l’association des Handicapés Diplômés de l’Enseignement Supérieur (AHDES) à une rencontre le 14 août 2009  dans ses locaux à la demande du PM qui instruit le Minas d’écouter les doléances des Handicapés (CF. Lette Réf./C du 06 juillet 2009). Cette concertation n’aura pas de suivi.
Le chef de l’Etat  promulgue  la loi du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées. Le 22 avril 2010 le collectif adresse une motion de déférence  au président de la République  Paul Biya, suivie d’une   marche de reconnaissance des étudiants handicapés et des diplômés du Supérieur du Cameroun au boulevard du 20 mai.Dans la foulée, à la faveur de son discours du 10 février 2011, annonce le recrutement de 25000 jeunes à la Fonction publique.
Le  25 févier 2011 une requête au chef de l’Etat  pour une considération spéciale des Diplômés handicapés dans le cadre du recrutement des 25000 jeunes annoncé dans  son message à la jeunesse le 10 février 2011 en s’appuyant sur la loi 2010 article 38 (alinéas 1 &2)
Conjointement, le 29 mars 2011 : les associations des personnes handicapées du Wouri  adressent à Monsieur le président de la Commission de supervision de l’Opération de recrutement de 25000 jeunes diplômés dans la Fonction Publique. Objet de la lettre : Prise en compte de l’approche handicap et vulnérable dans le traitement des dossiers des diplômés handicapés.
20 avril 2011 : présentation de la liste des postulants handicapés au recrutement des 25000 par une lettre adressée au président de la République
09 novembre 2011 : Plaidoyer pour la valorisation de l’approche handicap dans la liste des 25000 jeunes présélectionnés :
Voilà les actions menées par les associations des handicapées en faveur de leur intégration socioprofessionnelle depuis 2007.    

Cause de mouvements de grève
A la publication des listes des présélectionnés à la Fonction publique, les revendications du collectif se radicalisent. Du premier piquet à la Primature au piquet sous la plaque de l’Agence Onusienne des Droits de l’Homme sise à côté de l’Ambassade des Etats –Unies, les personnes vivantes avec le handicap, par la voix de leurs leaders, dénoncent la violation de leurs droits fondamentaux et la non prise en compte, dans la gestion des dossiers de recrutement, de l’approche Handicap : « Tout commence avec le formulaire du dossier dans lequel il fallait indiquer si l’on était handicapé ou pas, quelle était la nature du handicap, et quel était le taux d’invalidité etc. Ces informations permettaient d’identifier les handicapés afin de les éliminer », se plaint Mlle Mbida (sourde muette)  qui est licenciée en droit.
Un autre problème est à l’origine de la colère de ces jeunes gens : la confusion de départ autour des chiffres publiés sur le nombre de diplômés handicapés retenus : « Il y a eu volonté de spéculer avec les chiffres, ce qui est un signe de discrimination exclusive des handicapés », affirme M. Mbock Lebock, président de l’APDDHPA.  Ce que veulent Ngono, Mbock Lebock, Kemmegne Kopuam est la résolution du problème des handicapés.  Dès le deuxième piquet, de la grève à la Primature, aboutit à une audience avec Madame le ministre des Affaires Sociales Cathérine Bakang Mbock  le 20 décembre 2011 ; l’objet de la réunion était l’examen de la préoccupation des handicapés dans le but de trouver des esquisses de solutions. Non satisfaits, le collectif adresse une lettre à Madame la Directrice du Centre pour les droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique Centrale le 29 décembre 2011. L’objet de la lettre, « l’appui et le soutien des personnes en situation de handicap de la République du Cameroun, notamment le respect des engagements souscrits par le Cameroun à l’égard de cette catégorie sociale ». M. Robert Kotchani, Expert en Droits de l’homme auprès de l’agence onusienne, est chargé du dossier s’est rapproché du Minas, de la Fonction publique s’informer sur la problématique de l’emploi des handicapés et s’assurer que les différents instruments internationaux en faveur de la protection des personnes handicapés et ratifiés par le Cameroun sont mis en application. Ainsi que la loi N° 2010/002 du 13 avril 2010 » portant protection et promotion des personnes en situation de handicap en sa section V relative à l’accès à l’accès à l’emploi de la personnes en situation de handicap.
L’agent onusien exprime son satisfecit du fait de la volonté du Gouvernement camerounais en matière d’intégration socio économique des minorités. Une autre lettre a également été adressée à M. l’Ambassadeur des Etats Unies au Cameroun, Robert P. Jackson. L’objet était pratiquement le même. Dans une réponse à eux adressée par le diplomate américain, en date du 13 janvier dont voici un pan : « Je vous applaudis pour le rôle que vous jouer et vous souhaite du succès dans la mesure où vous réveillez  la conscience sur le problème, mobilisez la compréhension et l’appui et travaillez constructivement avec le gouvernement de la République du Cameroun ...Le changement et le progrès viendra toujours de l’intérieur et à travers des voix comme les vôtres qui appellent pour un progrès paisible et la réforme ».
Le 30 décembre 2011, c’est le troisième piquet de grève de la faim sous la plaque du Centre Régional pour les Droits de l’Homme, non loin de l’ambassade américaine. Ce 3e mouvement, le collectif passe en force  et se heurte aux forces de l’ordre et au sous-préfet de Tsinga qui veut les déloger. Le 31, ils prennent la direction de la présidence de la République. Stoppés dans leur élan par la Garde présidentielle, ils reviennent au niveau de la plaque des Droits de l’Homme. Ngono est interpellé par la police, après des intimidations et voix de faits, des négociations pour déloger les grévistes sont menées par le sous-préfet de Yaoundé 2e. Le bras de fer qui a commencé le 30/12/2011  prendra fin le  07/01/2012, date à laquelle ils décident de lever le troisième piquet. Car, ils reconnaissent l’attention et les efforts du Gouvernement pour assurer une meilleure prise en compte de l’approche handicap dans le cadre du recrutement des 25000 jeunes dans la Fonction publique.

La concertation
Les revendications du collectif ont eu l’oreille du gouvernement. Ils ont été reçus par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Emmanuel Bondé, le Secrétaire Général des Services du Premier Ministre, président du comité de supervision du comité chargé du recrutement des 25000,sans oublier les audiences avec le Minas et les multiples rencontres avec les personnes en charge de ce dossier dans les administrations concernées. C’est pour cette raison que la Minas a décidé de la création  d’un comité ad hoc de suivi de la mise en œuvre des recommandations issues de la concertation avec les personnes handicapées dans le cadre du recrutement spécial de 25000.

Une action de longue haleine
Bien au fait de leurs droits, et se prévalant de la loi de 2008/sur l’accessibilité, la loi 2010 susvisée, les personnes vivant avec le handicap sont bien déterminées à les défendre. En témoignent les requêtes consignées dans l’encadre ci-contre. Le dynamisme  de ces personnes diminuées au plan physique, sensoriel, psychologique ou intellectuel est à saluer. « Si nous ne prenons pas en main nous-mêmes notre destin, qui le fera à notre place, nos problèmes, c’est nous d’abord ».

Nadine Eyiké

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