DR. GUILLAUME JOSEPH FOUDA

Enseignant chargé de cours à la faculté des Sciences Juridiques et Politiques à Université de Yaoundé II-Soa

Les éléments conceptuels et juridiques de la démocratie représentative au Cameroun au regard des standards internationaux.

L’un des déterminants de l’Etat démocratique moderne reste et demeure la Grèce antique la démocratie représentative; le Dr Guillaume Joseph Fouda fait l’évaluation de son ancrage au Cameroun.

L’Afrique ne fera pas la révolution de la démocratie en tant que mode de gestion et de régulation de la société étatique prise dans sa globalité ou encore dans ses démembrements structurants (Etats fédérés, Régions, Cantons, Communes, etc.). Il est ici question de rappeler que, tant en Sciences politiques qu’en Droit public, le concept de démocratie est suffisamment intelligible, qu’il a été l’objet d’expérimentations diverses, d’adaptations factuelles ou conjoncturelles mais, qu’il a toujours su conserver une sorte de noyau dur à savoir principalement la primauté du droit, le statut du citoyen dans ses droits et devoirs et, des institutions garantes du cadre et de l’ordonnancement juridiques établis.

Sur ce point, nous pouvons objectivement affirmer que la conception juridico- politique de la démocratie représentative au Cameroun est conforme aux standards internationaux les plus connus, dans la stricte mesure où les institutions politiques, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle régionale et locale, se veulent d’être le reflet sociologique et politique de l’entité représentée (Etat, Région, Commune) . Parce que le concept d’Etat-nation peut être regardé comme un fait de fiction juridique, celle de l’homogénéité: un peuple, un territoire, un gouvernement, avec la démocratie représentative; il s’agira pour l’Etat d’épouser les contours de la nation en s’appuyant tant sur les leviers juridiques et institutionnels que sur un symbolisme historique fortement encré dans la conscience collective. Il s’agit également d’admettre qu’aujourd’hui le concept d’Etat-nation ultra centralisé peut faire figure d’anomalie, ce d’autant plus que bien de conflits récents (Rwanda, Irak, Afghanistan, Ex-Yougoslavie, Sri Lanka, Caucase, Soudan, Somalie, Côte d’Ivoire) s’expliquent en totalité ou en partie par les difficultés à trouver de nouveaux modes de représentativité effective de l’institution étatique et que, le Droit international postule d’un droit spécifique des minorités ethniques, autochtones, raciales ou religieuses susceptible d’induire des velléités désagrégeantes de l’Etat .
En effet, depuis le modèle démocratique de la Grèce antique, l’archétype de la démocratie représentative a constamment consisté à déterminer, avec un maximum d’éthique vertueuse, le module par lequel la souveraineté qui appartient à la nation ou au peuple est effectivement mise en œuvre. Ainsi donc, une démocratie est conceptuellement qualifiée de représentative lorsque les gouvernants ou une partie d’entre eux exercent leurs fonctions et compétences, non pas en vertu d’un droit propre, mais en raison de leur qualité de représentants conférée par une élection lors de laquelle la participation de la nation ou du peuple se lit sous la forme du suffrage universel direct ou indirect. C’est dans ce sens que les élus expriment la volonté de la nation durant le mandat qui leur est confié. En faisant abstraction du cas de l’institution du Chef de l’Etat qui incarne la représentation de la nation tout entière, nous, nous voulons de porter un regard objectif sur le cadre conceptuel  et juridique d’expression de la démocratie représentative au Cameroun, au regard des standards internationaux généralement admis, ceci dans la stricte mesure d’une perception communément admise et d’une lecture juridico-politique communément partagée mais pas nécessairement assimilée de la portée des élections législatives et municipales, et éventuellement, des élections régionales et sénatoriales, ceci d’autant plus que l’option juridique et politique de décentralisation de l’Etat entendue comme «axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et la bonne gouvernance au niveau local» (art.2§2 de la Loi du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation)   participe, elle aussi, de l’acceptation et de l’expression des exigences conceptuelles de cette composante essentielle de l’idéal démocratique.
Les institutions étatiques et infraétatiques de représentation démocratique peuvent s’entendre des différents organes prévus par la loi fondamentale de l’Etat et ayant pour objet principal d’une part, la représentation sociopolitique de l’ensemble de la population de l’Etat et d’autre part, la représentation, la gestion et la défense des intérêts économiques, sociopolitiques et culturels des populations d’une entité infra étatique ou d’un groupe de population spécifiques. Dans une acception générique des institutions participant de la mise en œuvre de la démocratie représentative dans un Etat tel que le Cameroun, l’on retient successivement le Parlement, le Conseil régional et le Conseil municipal.    
- Le Parlement s’entend de l’institution politique, généralement détentrice du pouvoir législatif, où s’exprime la démocratie représentative à l’échelle de l’Etat. Trois exemples tirés des pays où la pratique démocratique est historiquement établie peuvent nous permettre d’illustrer à suffisance notre propos. D’abord l’Angleterre où le Parlement est formé de l’ensemble composé de deux Chambres et de la Couronne. Mais parce que le rôle de la Couronne est, du point de vue juridique, très effacé, le Parlement britannique s’identifie pratiquement à la Chambre des communes et à la Chambres des Lords. La première est composée des députés des communes élus et la seconde représente les valeurs historiques et monarchiques qui n’émanent pas de l’élection mais d’une survivance de l’aristocratie où l’hérédité est le principal mode de recrutement. Cette deuxième Chambre est aussi, suivant une tradition très britannique, la plus haute autorité judiciaire du royaume. Ensuite, les Etats-Unis d’Amérique où le Congrès fédéral est le cadre d’expression parlementaire de l’Etat fédéral en ceci qu’il est constitué de la Chambre des représentants composée des députés des différents Etats fédérés au prorata de leur importance et, du Sénat où les Etats fédérés sont  également représentés quelque soit leur importance, à savoir deux (02) sénateurs par Etat . Enfin, la France dont le Parlement comprend l’Assemblée nationale et le Sénat. Si les deux Chambres sont ici issues d’une base territoriale (élection par circonscription électorale), il faut indiquer que l’Assemblée nationale qui représente la nation toute entière, comprend des députés élus au suffrage universel direct alors que les sénateurs émanent des collectivités territoriales (y compris les départements et territoires d’Outre mer) par le biais du suffrage universel indirect, ce à quoi s’ajoute les sénateurs représentant les Français établis à l’étrangers. C’est davantage au modèle français que semble correspondre la mouture qu’épouse, peu ou prou, le Parlement camerounais tel que défini par la Constitution du 18 janvier 1996. Il en ressort des traits généraux qui peuvent opportunément être rappelés à savoir que la République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé (art.1§2) et que l’autorité de l’Etat est exercée par le Président de la République et par le Parlement (art.4). Ce dernier est constitué de deux (02) chambres que sont respectivement l’Assemblée Nationale composée de députés juridiquement entendus comme les élus de l’ensemble de la Nation (art.15§2) et, le sénat composés de représentants des collectivités territoriales décentralisées. Le caractère substantiellement représentatif desdites institutions se dégage de l’option fondamentale qui accompagne la structuration progressive de l’Etat et qui est rappelée dans le préambule de la Constitution en ce que le Peuple camerounais, dans toute sa diversité constitue une seule et même nation; qu’il est conscient de la nécessité impérieuse de parfaire son unité constamment décrite sous une variante sémantique dont les nuances se veulent de rappeler les avancées réalisées (République Fédérale du Cameroun, République unie du Cameroun, République du Cameroun). Cette réalité est, par exemple, soulignée par la loi relative aux élections législatives et qui dépasse le seul fait des partis politiques en ceci que, suivant les dispositions de la loi n°91-20 du 16 décembre 1991 à son article 5, il est prévu que «l’élection se fait au scrutin de liste» et que chaque parti politique existant légalement peut concourir par une liste complète comportant autant de candidats qu’il y a de sièges à pourvoir, la constitution de chaque liste devant elle-même «tenir compte des différentes composantes sociologiques de la circonscription concernée». Cette exigence juridique de faire des institutions représentatives concernées ressortant le reflet plus ou moins exact de la diversité sociologique des populations représentées se retrouve aussi dans les conditions d’élection des sénateurs dans le cadre de la loi n°2006/005 du 14 juillet 2006 et, comme nous le verrons plus loin au niveau des conseillers régionaux et des conseillers municipaux.          
- L’entité Région peut s’entendre d’un territoire ou d’un espace qui présente des spécificités physiques, humaines ou économiques certaines qui font d’elle une unité différente des régions voisines ou d’un espace global. En droit, nous pouvons entendre la Région comme un espace individualisé doté d’une personnalité juridique de droit national. Il s’agit dès lors de constater que la structuration administrative du Cameroun, depuis la période coloniale, a toujours tenu compte des caractéristiques spécifiques des régions, au sens strictement géographique, pour déterminer les divisions administratives. L’on peut à ce titre citer le Décret n°72/349 portant organisation administrative de la République Unie du Cameroun, le Décret n°83/390 du 22 août 1983 portant création de nouvelles provinces et le Décret n°2008/376 du 12 novembre 2008 portant organisation administrative au Cameroun ceci dans le strict sens de la déconcentration administrative. C’est aussi sur ce découpage que s’appuie la Constitution du 18 janvier 1996 pour la création des Régions en tant que collectivités territoriales décentralisées. Avec la Constitution de 1996 d’une part et la loi n°2004-17 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation d’autre part, le fait régional prend une importance juridique et politique plus consistante. D’abord en ce que le Cameroun est constitutionnellement défini comme un Etat unitaire décentralisé (article 1er al.2 de la Constitution); que la Région est une personne morale de droit public jouissant de l’autonomie administrative pour la gestion des intérêts régionaux (art.55 de la Constitution). Le Conseil régional qui est l’organe d’expression de la démocratie représentative de la Région comprend les délégués des départements élus au suffrage universel indirect et les représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs. Et pas des moindre, le Conseil régional doit «refléter les différentes composantes sociologiques de la Région» comme le prévoient tant les dispositions constitutionnelles que celles de la loi n°2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d’élection des conseillers régionaux.   
- La Commune, entendue comme collectivité territoriale de base, est juridiquement établie au Cameroun par la loi n°74/23 du 05 décembre 1974 portant organisation communale. Il s’agit pour les pouvoirs publics de se rapprocher le plus possible des populations en leur confiant la gestion des affaires liées à leurs conditions de vie immédiate. Ainsi, la Commune a-t-elle pour principales missions le développement local et l’amélioration du cadre et des conditions de vie des populations. Comme organe de représentation démocratique, la commune comprend un Conseil municipal composé de conseillers municipaux élus suivant des conditions fixées par la loi  sur la base d’une quotité représentative établie en fonction de l’importance de la population régulièrement recensée (articles 24 à 26 de la Loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes). Ici également, la loi électorale permet de garantir la fonction représentative du Conseil municipal au-delà du fait partisan en ceci que «le scrutin pour l’élection des conseillers municipaux est un scrutin mixte à un tour, comportant un système majoritaire et un système de répartition proportionnelle» et que «la constitution de chaque liste doit tenir compte des différentes composantes sociologiques de la circonscription» (art. 3 de la loi n°92-002 du 14 août 1992 fixant conditions d’élection des conseillers municipaux). Il peut en outre être relevé que les communes sont susceptibles d’être regroupées sous la forme de Communauté urbaine par voie règlementaire ou encore d’association de communes sous une forme consensuelle.  
En somme, la démocratie représentative se veut de structurer et de donner un cadre d’expression politique aux différentes entités représentées à savoir: le peuple et la nation,  les minorités, les groupes identitaires et les entités infraétatiques. Le fondement de cet affinage du processus de représentation réside principalement dans une quête de légitimité croissante, de transparence et de bonne gouvernance qui s’observe au-delà du seul cas camerounais . Il s’agit plus exactement de la volonté de donner un reflet  plus conforme aux réalités humaines, sociologiques, géographiques et politiques des différents organes de représentations institutionnalisés et de tenir davantage compte des questions un peu plus complexes comme il en est, par exemple, de l’approche genre dans des standards définis par le Protocole de Maputo relatif aux droits des femmes ou encore de la Déclaration d’Addis-Abeba de 2004 relatif à la parité homme/femme en matière politique, des droits des populations autochtones tels que définis par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007 et dans une moindre mesure, la question de la diaspora et des populations migrantes.

Le texte ayant été proposé avant l’adoption du NCE, les références légales peuvent être rapportées aux dispositions dudit code.


1 - Il ressort tant des dispositions de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 que celles de l’article 13 de Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 que «tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publics de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis».   

2 - Jane BURBANK et Frederick COOPER, «Produire de l’unité dans la diversité. De Rome à Constantinople, penser l’empire pour comprendre le monde», Le Monde diplomatique, Décembre 2011, p.16-17.

3 - Le modèle américain est quasiment transposable à la quasi-totalité des Etats fédéraux dont les Parlements comprennent généralement une chambre représentant l’ensemble de la population et l’autre, les différentes entités fédérées (Cantons, Länder, Etats…).

4 - M. MENDELSONN, «The construction of electoral mandates, Media Coverage of Elections Results in Canada”, Political Communication, Vol. 15, n°2, 1998, p.239-253.

 

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