U.E. / A.C.P.: Les questions juridiques autour des Accords de partenariat économique (APE)

Dr Raymond Ebalé
Enseignant Chargé de cours
Département d’histoire
Université de Yaoundé I
Président de l’Association pour la Sensibilisation sur les Accords ACP-UE (ASAC)


Concilier libéralisation des échanges et clauses de non-exécution à la lumière de l’accord de partenariat de Cotonou entre l’UE et les ACP. Une lecture du Dr Ebalé.

Dans notre cinquième volet sur les questions juridiques autour des APE nous traitons de la Clause de non-exécution

L’Accord de partenariat de Cotonou contient des clauses de non-exécution, qui permettent à l’UE de suspendre de manière unilatérale toute concession au titre de l’Accord, notamment les concessions commerciales (articles 96 et 97). L’article 96 permet l’imposition de sanctions en cas de manquement à « une obligation découlant du respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’état de droit », alors que l’article 97 permet l’imposition de sanctions dans des cas graves de corruption. L’UE a transféré la substance de ces articles dans les APE intérimaires et dans l’APE du CARIFORUM, en dépit des fortes objections du Groupe ACP. Même avant la conclusion ou le paraphe des APE, l’UE avait invoqué à deux reprises les articles 96 et 97 de l’Accord de Cotonou : en 2001, contre le Zimbabwe, en réponse à des fraudes électorales supposées et en 2007, contre Fidji, à la suite d’un coup d’état militaire, avec la suspension de son aide au développement.
La clause « d’exception générale »  dans pratiquement tous les APE réserve aux parties le droit de suspendre des préférences dans un large spectre de circonstances allant au-delà de celles autorisées au titre de l’OMC (par exemple protection de la vie humaine, animal, protection des végétaux). Elle s’étend jusqu’aux cas essentiellement politiques ou non liés au commerce qu’il serait difficile de défendre à l’OMC.
La clause de non-exécution dans les APE, du moins en partie, est problématique sur le plans juridique et en matière développemental. En premier lieu, le Groupe ACP soutient que la coopération politique avec l’UE est distincte et séparée des relations commerciales, qu’il y aurait lieu de les maintenir séparées, et qu’elles étaient juridiquement séparées dans le cadre de l’Accord de Cotonou. Les Accords de partenariat économique sont prévus au titre de l’article 37 de l’Accord de Cotonou, et non des articles 96 et 97. En conséquence, les articles 96 et 97 ne s’appliquent pas aux APE.
En second lieu, il n’est pas évident qu’un groupe spécial de l’OMC donne suite à une suspension de concessions pour des questions non liées au commerce, comme cela a été le cas à Fidji ou au Zimbabwe. Si de telles suspensions survenaient durant la période de transition, la validité d’un tel APE, s’il était bilatéral, serait incertaine. Comme le soutiennent certains auteurs, la capacité à suspendre la libéralisation des échanges ne répondrait pas aux critères d’élimination des droits tarifaires sur l’essentiel des échanges, au titre de l’article XXIV, au vu du caractère symétrique des engagements de libéralisation des échanges entre l’UE et les pays ACP. Etant donné le caractère asymétrique de la libéralisation des échanges entre l’UE et les pays ACP, si l’UE devait suspendre une valeur ou un volume significatif des préférences qu’elle accorde à un pays ACP dans un APE soit bilatéral soit régional au cours des 15 prochaines années, il n’est nullement évident que l’APE réponde aux termes de l’article.
En dépit de tous les défis juridiques et de développement posés par la clause de non-exécution, l’inclusion d’une telle clause n’est nullement exceptionnelle, bien qu’elle soit généralement régie par le droit public international, en particulier la Convention de Vienne sur le droit des traités. C’est dans ce contexte que l’Accord de Cotonou prévoyait une telle clause eu égard aux droits humains et à la démocratie. La jurisprudence du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends a montré que les groupes spéciaux et les Organes d’appel prenaient en considération cette Convention, dans le passé, de manière implicite et explicite. Bien que les pays ACP aient contesté l’inclusion d’une telle clause dans les APE, ceci pourrait être autorisé au titre du droit de l’OMC. Notamment, ce n’est pas la première fois que l’UE a recours à une clause similaire dans ses relations commerciales avec les pays en développement. L’ALE UE-Mexique, par exemple, contient une clause similaire. Bien qu’il ait contesté l’inclusion de la clause de non-exécution au niveau politique, le Mexique ne l’a pas contestée jusqu’ici sur le plan juridique.
Nous terminerons notre volet sur les questions juridiques dans les APE en évoquant les mécanismes de règlement des différends.

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