Coomunication MINJUSTICE: Concertation avec l'ordre des avocats

Monsieur le Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative,
Madame le Ministre délégué à la Présidence de la République chargé du Contrôle Supérieur de l’Etat,
Monsieur le Ministre Délégué auprès du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation chargé des Collectivités Territoriales Décentralisées,
Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats,
Monsieur le Président de l’Assemblée Générale du Barreau du Cameroun,
Messieurs les anciens Bâtonniers,
Messieurs les anciens Présidents de l’Assemblée Générale du Barreau,
Chers Maîtres,
Mesdames, Messieurs,
Distingués invités,
Je vous renouvelle mes remerciements pour votre présence à cette concertation, laquelle a essentiellement porté sur
- l’encadrement et la formation des avocats stagiaires ainsi que les contours de l’exercice de la profession d’Avocat au Cameroun ;
- la création de l’Institut d’Etudes Judiciaires ;
- et les modalités d’application des Actes Uniformes OHADA.

A cette occasion,
nous avons passé en revue certaines observations présentées sur divers sujets et relatifs au fonctionnement du Barreau.
Après la brillante intervention de Monsieur le Bâtonnier et les clarifications apportées par Madame le Directeur des Professions Judiciaires,
les débats qui s’en sont suivis nous ont, d’une part, rappelé la nécessité pour le Conseil de l’Ordre de mieux encadrer l’exercice de la profession d’Avocat et, d’autre part, conforté dans l’option de créer un Institut d’Etudes Judiciaires qui pourrait procéder, soit à la formation initiale, soit à la formation continue des personnels des professions judicaires.
La réflexion va se poursuivre pour que nous aboutissions, à brève échéance, à la concrétisation des résultats de notre concertation. 2

S’agissant de l’application des Actes Uniformes OHADA dans nos différentes juridictions, les débats ont été tout aussi constructifs.
Toutefois, permettez-moi de relever que certaines requêtes sur le sujet adressées au Président de la République nous sont parvenues de manière incidente.
Et nous avons saisi l’occasion de la présente rencontre pour examiner certains des problèmes y contenus, afin que nous soyons tous au même niveau d’information.
La préoccupation la plus importante qui apparaît est que le groupe d’avocats signataires des requêtes déplore l’assujettissement progressif des principes de la Common Law dans notre législation, à travers le Code de Procédure Pénale, les Actes Uniformes OHADA et le Code CIMA,
et qu’il est à craindre que ce même phénomène soit observé dans les projets de Code Civil et de Code de Procédure Civile et Commerciale bilingues en cours d’élaboration.
Les pétitionnaires regrettent ce qu’ils appréhendent comme étant l’indifférence du Gouvernement par rapport à leurs préoccupations et recommandent la mise en place d’une Commission Nationale Indépendante de Réforme des Lois ainsi que la suspension de tout projet d’harmonisation des lois.
J’observe, pour ce qui est du Code de Procédure Pénale bilingue, qu’il s’agit d’un texte largement inspiré du système anglo-saxon et donc de la Common Law (le système de la Cross Examination, le rôle du Parquet mis au même pied d’égalité que la défense dans un procès pénal, la présentation de la décision : statuer sur la culpabilité avant de statuer sur la peine, l’exigence du paiement immédiat des frais de justice et de l’exécution des peines d’amende, etc.).
Ce Code, promulgué le 27 juillet 2005, a reçu une large approbation de la communauté internationale ;
il s’applique sur l’ensemble du territoire camerounais depuis 2007, sans difficultés majeures.
En ce qui concerne les textes adoptés par la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), publiés dans l’édition spéciale du Journal Officiel de la République du Cameroun de novembre 1999, ils ont été traduits en anglais et publiés dans l’édition spéciale du Journal Officiel de la République du Cameroun de mars 2002.
Il s’agit d’un texte interafricain qui s’applique à tous les pays signataires, que sont le Benin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo ;
ce texte interafricain s’arrime au marché international des assurances et intègre nécessairement les principes de la Common Law admis à l’international. 3
Quant au problème posé relativement aux Actes Uniformes OHADA,
celui-ci mérite une attention particulière, parce que le Cameroun a hérité, au plan interne, de deux systèmes judiciaires dont l’un relève essentiellement de la Common Law appliquée au Nigéria avant octobre 1961.
Après l’exposé très fourni du Directeur de la Législation, nos échanges ont apporté une clarification sur l’historique de l’OHADA et le contexte dans lequel la décision a été prise, par nos chefs d’Etat, pour harmoniser le droit des affaires en Afrique.
Mais, lorsque le problème de la traduction s’était posé en 1998, l’on cherchait surtout à comprendre si cette législation OHADA prenait en compte les principes qui inspirent la Common Law.
Les exposés que nous avons suivis nous ont fait comprendre que les textes OHADA sont élaborés à partir d’instruments juridiques internationaux qui prennent en compte tous les systèmes juridiques et économiques en vigueur au plan universel.
Comme nous le voyons tous ensemble, le droit OHADA n’est pas un problème de francophones ou d’anglophones.
Le droit OHADA constitue un dispositif juridique international actualisé, applicable et appliqué dans nos Etats.
Je dois préciser qu’après l’avènement du droit OHADA, j’avais entrepris une démarche particulière auprès du Secrétariat Permanent de l’OHADA, pour que soit modifiée la disposition du Traité qui instituait le français comme seule langue de travail de l’OHADA.
C’est ainsi qu’à la demande du Cameroun, le Traité de Québec a modifié l’Article 42 du Traité OHADA pour faire dorénavant du français, de l’anglais, de l’espagnol et du portugais les langues de travail de l’OHADA.
En outre, d’une part, j’avais veillé à la publication du Traité OHADA, en anglais et en français, dans l’édition n°21 du 15 novembre 1997 du Journal Officiel de la République du Cameroun.
D’autre part, j’avais fait publier en anglais et en français, les Actes Uniformes OHADA en vigueur à l’année 1999, dans des éditions spéciales de septembre 1999 et novembre 1999 du Journal Officiel de la République du Cameroun.
Il s’agit des Actes Uniformes portant droit commercial général, droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, organisation des procédures simplifiées de recouvrement et organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
ceci constitue la substance même du droit des affaires. 4

Les revendications ne pouvaient porter que sur la traduction et non sur la substance des Textes, parce qu’il fallait d’abord prendre connaissance de la version anglaise avant de commenter ou de critiquer.
Maintenant, le Gouvernement a-t-il été attentif aux revendications ?
A cet égard, je dois dire pour ce qui est spécifiquement du Cameroun, que outre les initiatives relevées plus haut, j’avais entrepris, avec l’appui de Maître AKERE MUNA, Bâtonnier de l’époque, le recensement et la compilation de toute la jurisprudence et de tous les textes appliqués dans le système de la Common Law au Cameroun, afin de procéder à leur codification.
En effet, aujourd’hui, il est difficile au Gouvernement de proposer un texte au Parlement sans qu’il y ait un support écrit.
Quand le Président de la République m’a nommé au Ministère de la Santé Publique en mars 2000, le travail était suffisamment avancé.
Mais, le Bâtonnier Maître AKERE MUNA m’a fait savoir que ces efforts n’avaient pas été poursuivis.
Et lorsque le Président de la République m’a à nouveau nommé au Ministère de la Justice en décembre 2011, j’ai fait vérifier où l’on en était avec ce problème.
Il m’a été rendu compte de ce que d’autres Actes Uniformes avaient, entre temps, été adoptés, à savoir :
• l’Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises ;
• l’Acte Uniforme relatif aux contrats de transport des marchandises par route ;
• et l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives.

Cependant, la traduction en anglais de ces textes a été retardée parce que dans l’intervalle, le Conseil des Ministres de l’OHADA s’est engagé dans un processus d’actualisation de l’ensemble des Actes Uniformes en vigueur.
J’ai donc demandé que les textes traduits en anglais et déjà existants soient publiés au Journal Officiel de l’OHADA en l’état, quitte à y insérer, le moment venu, les modifications intervenues en anglais.
Ceci est en cours.
Il est, dès lors, souhaitable que tous les praticiens du droit au Cameroun s’abonnent tant au Journal Officiel de la République du Cameroun qu’au Journal Officiel de l’OHADA, afin d’avoir une meilleure connaissance de l’état ou de l’évolution de notre droit judiciaire qui, somme toute, est également en vigueur à l’international. 5

Je voudrais aussi indiquer à l’opinion que le 24 avril 2014, j’ai reçu au Ministère de la Justice, en fin de matinée, une délégation de près d’une centaine d’avocats dits anglophones, venus sans rendez-vous et sans demande d’audience préalables.
J’ai interrompu mon travail et, avec ces avocats, nous nous sommes retrouvés dans cette même salle où nous avons eu un entretien de près de deux heures.
Le problème qui m’avait été posé alors est qu’il leur est revenu que le Ministère de la Justice était entrain de procéder, en cachette, à l’élaboration d’un Code Civil et d’un Code de Procédure Civile et Commerciale bilingues ;
et que lesdits projets ne prenaient pas en compte les principes de la Common Law.
Effectivement, la Direction de la Législation a entrepris, depuis plusieurs années, la refonte de certains textes.
Il importe de préciser, à cet égard, que le Ministère de la Justice a, suite à un appel d’offres, confié les travaux préliminaires au Cabinet Brain-Trust, non seulement pour le Code Pénal récemment promulgué par le Chef de l’Etat, mais également pour l’élaboration d’un Code Civil et d’un Code de Procédure Civile et Commerciale bilingues.
Ce Cabinet travaille avec des Avocats et des Professeurs de droit, y compris de culture anglophone.
Le travail de vérification qui a cours actuellement à la Direction de la Législation du Ministère de la Justice se fait par de hauts magistrats de culture à la fois francophone et anglophone, qui connaissent parfaitement le Droit comparé.
Et il n’est pas superflu de rappeler que certains de ces hauts magistrats de culture anglophone mentionnés ici sont des Conseillers à la Cour Suprême et des Chefs des Cours d’Appel du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ;
ils viennent constamment en appui à la Direction de la Législation, dans la phase technique du processus d’élaboration de ces textes.
Après cette phase technique, nous envisageons d’élargir les consultations avant la finalisation des projets en question.
Au regard des clarifications apportées aux avocats qui m’avaient rencontrés, je pensais que nous nous étions compris.
Il n’est donc pas exact de dire que le Ministère de la Justice élabore en secret le projet de Code Civil et le projet de Code de Procédure Civile et Commerciale.
Je rappelle du reste que l’élaboration des textes de cette nature incombe au Ministère de la Justice, conformément au Décret du Président de la République portant organisation du Gouvernement. 6

Postérieurement à la rencontre que je viens d’évoquer, il s’est posé le problème de l’incapacité de certains magistrats francophones affectés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, à s’exprimer en anglais ou à maîtriser les principes de la Common Law qui y seraient encore applicables.
En vue de l’examen de ce problème, j’ai dépêché à Bamenda, du 5 au 7 mai 2015, une mission composée de :
• Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de la Justice ;
• Madame le Directeur des Professions Judiciaires ;
• Madame le Sous-Directeur du Suivi des Avocats ;
• Monsieur le Chef de la Cellule du Suivi ;
• Madame le Chef de la Cellule de Communication ;
• et Madame le Chargé d’Etude n°1 à la Cellule de Traduction.

Il s’est avéré que les revendications n’étaient pas complètement infondées quant à la maîtrise de la langue et non sur la compétence technique des magistrats en cause.
Le Président de la République a donc décidé de donner une autre fonction au haut magistrat concerné et l’a remplacé par un autre haut magistrat dont le profil était mieux adapté à la situation.
J’ajoute qu’à la suite de tous ces mouvements d’humeur, le Président de la République, Son Excellence Monsieur Paul BIYA, a ordonné la préparation des états généraux de la justice, au cours desquels l’ensemble de ces problèmes seront examinés.
La première phase, qui consiste dans la collecte des données, est déjà achevée et les travaux de synthèse sont en cours de finalisation.
Je rappelle que tous les Chefs de juridiction en service au Cameroun, de la Cour Suprême aux Tribunaux de Première Instance et toutes les organisations professionnelles concernées par une bonne administration de la justice ont été consultés ;
la plupart ont déposé leurs contributions.
Pour ce qui est spécifiquement des avocats, je précise que le 27 août 2015, nous avons solennellement reçu au Ministère de la Justice, le Bâtonnier et le Président de l’Assemblée Générale des Avocats avec leurs collaborateurs.
Je leur ai personnellement notifié la décision du Chef de l’Etat qui a ordonné la préparation des états généraux de la Justice.
Je leur ai demandé de rencontrer leurs confrères et de nous faire parvenir leurs contributions. 7

Le 1er septembre 2015, le Président de l’Assemblée Générale, dans une correspondance adressée au Ministre de la Justice et enregistrée le 15 septembre 2015, a déposé sa contribution.
Le même 15 septembre 2015, le Bâtonnier a également déposé sa contribution.
Le 11 octobre 2016, j’ai reçu, sur sa demande, Maître Nico HALLE Président de l’Assemblée Générale, qui est venu s’enquérir sur l’état de la traduction des Actes Uniformes OHADA en anglais.
Je lui ai donné, en présence de mes collaborateurs, les éléments de réponse nécessaires.
Il me revient que, à la suite à cette audience, il a accordé un entretien à des organes de presse qui a été largement diffusé.
Le 21 octobre 2016, j’ai accordé une interview à Cameroon Tribune qui portait largement sur les problèmes relatifs aux Actes Uniformes.
J’ai expliqué dans cette interview, entre autres, les raisons pour lesquelles la publication, en français et en anglais, des Actes Uniformes adoptés après 1999, dans le Journal Officiel de la République du Cameroun, avait pris du retard.
Cet entretien a été publié en deux temps :
d’abord le 26 octobre 2016 puis, le 7 novembre 2016, dans ses versions française et anglaise.
Les clarifications nécessaires sur le sujet ont donc été apportées à tous ceux qui voulaient connaître l’état de ce dossier.
Au regard de toutes les initiatives que je viens d’indiquer, pourrait-on objectivement et sérieusement affirmer que le Président de la République et le Gouvernement n’ont pas pris en compte l’ensemble des préoccupations relevées ?
J’en doute !
Parlant à présent de l’état des professions judiciaires auxiliaires de la justice, il convient de relever,
s’agissant du fonctionnement du Barreau, je voudrais dire, sans ambiguïté, que le Ministère de la Justice apprécie la contribution à une bonne administration de la justice de notre Barreau, qui comporte en son sein des avocats dont la renommée nationale et internationale fait la fierté de notre système judiciaire.
Nous sommes bien conscients de ce que les problèmes que nous allons évoquer ne concernent que certains d’entre eux.
Nous demeurons assurés que cela n’entame en aucune manière la convivialité qui devrait exister entre le Conseil de l’Ordre et la Chancellerie. 8

Cela dit, d’après les statistiques disponibles au Ministère de la Justice, que celui-ci comporte 2086 avocats dont 1390 francophones et 696 anglophones puis, près de 1400 avocats stagiaires.
Une observation de la répartition géographique des avocats permet de constater que dans le Sud-Ouest, aucun avocat francophone n’est installé.
Dans le Nord-Ouest, un (01) seul avocat francophone est installé.
Et dans les régions dites francophones, 129 avocats anglophones sont installés.
Mais, tenant compte de l’important nombre actuel des avocats, il est parfaitement concevable qu’une réflexion soit engagée sur le problème de la reconfiguration du Barreau.
Les propositions du Barreau sur ce point sont attendues et seront examinées avec la plus grande attention.
N’oublions pas qu’avant le texte actuel portant organisation de la profession d’Avocat, une réforme avait été engagée par le Gouvernement, à la demande des avocats.
Cette réforme avait été abandonnée également à la demande des avocats eux-mêmes.
Quant à la fonction de Notaire, le Cameroun en compte aujourd’hui 69, dont aucun anglophone.
Aucun notaire n’exerce dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Je relève que pour ce qui est de la fonction de Notaire qu’exercent les avocats anglophones installés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest,
la disposition légale transitoire qui l’autorise et qui se trouve contenue dans la Loi portant organisation de la profession d’Avocat, ne peut être que transitoire d’autant que, même en Angleterre, mère de la Common Law, les fonctions d’Avocat et de Notaire sont distinctes.
Au demeurant, les 129 avocats anglophones installés dans les régions francophones de notre pays n’exercent pas et ne revendiquent même pas le droit d’exercer les fonctions de Notaire, en invoquant le seul fait qu’ils sont anglophones.
Pour ce qui est des Huissiers de justice, il y en a 514 dont 499 francophones et 15 anglophones.
Je relève que la fonction d’Huissier de justice était inconnue dans la partie anglophone du Cameroun car, ce sont les Officiers de Police Judiciaire qui l’exerçaient. 9

Cela peut expliquer le fait que depuis que cette fonction d’Huissier de justice a été instituée au Cameroun, elle ne suscite pas d’engouement particulier dans la partie anglophone.
Dans les faits, il y a 74 huissiers de justice dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sur les 514 que compte le Cameroun, repartis ainsi qu’il suit :
• 43 huissiers de justice francophones et aucun huissier de justice anglophone dans le Nord-Ouest ;
• 16 huissiers de justice francophones et 15 huissiers de justice anglophones dans le Sud-Ouest ;
• et aucun huissier de justice anglophone n’exerce dans la partie francophone du Cameroun.

Par ailleurs, sur les 189 huissiers de justice en attente de charge, il y a 189 francophones et aucun anglophone.
Afin de combler ce vide institutionnel observé dans la fonction d’Huissier de justice et, les décisions de justice devant être exécutées, il serait important que les leaders d’opinion que vous êtes, suscitent auprès des juristes anglophones les vocations d’huissier de justice car, le rôle d’un Officier de Police Judiciaire, qui est de poursuivre et de rechercher les malfaiteurs, ne s’accommode pas de l’exécution des décisions de justice.
S’agissant du personnel magistrat, nos statistiques révèlent que 1542 magistrats sont en activité, dont 91 en service au Ministère de la Justice, 1412 en service dans les juridictions et 39 en détachement.
Dans cette masse, nous avons 1265 magistrats francophones et 227 magistrats anglophones.
Le nombre de magistrats francophones en fonction dans le Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest est de 117 (soit 60 dans le Nord-Ouest et 57 dans le Sud-Ouest), tandis que le nombre de magistrats anglophones en service dans les zones francophones est de 107.
Mais, pour comprendre la répartition des magistrats dans les juridictions, je voudrais rappeler ceci :
L’organisation judiciaire prévoit théoriquement, entre autres :
• Une (01) Cour Suprême avec une Chambre Administrative, une Chambre des Comptes et une Chambre Judiciaire ;
• Un (01) Tribunal Criminel Spécial ;
• Dix (10) Tribunaux Administratifs ;
• Dix (10) Juridictions Inférieures des Comptes ;
• Dix (10) Cours d’Appel ;
• Cinquante-huit (58) Tribunaux de Grande Instance ;
• Trois cent soixante (360) Tribunaux de Première Instance.

Si l’on doit s’en tenir rigoureusement à l’organisation judiciaire, il faudrait :
pour le Nord-Ouest,
• Une (01) Cour d’Appel ;
• Sept (07) Tribunaux de Grande Instance et
• Trente-cinq (35) Tribunaux de Première Instance ;

et pour le Sud-Ouest,
• Une (01) Cour d’Appel ;
• Six (6) Tribunaux de Grande Instance et
• Trente-un (31) Tribunaux de Première Instance.

Or, pour faire fonctionner les juridictions, il faudrait :
• pour un Tribunal de Première Instance, un minimum de 20 magistrats ;
• pour un Tribunal de Grande Instance, un minimum de 20 magistrats ;
• pour une Cour d’Appel, un minimum de 30 magistrats ;
• pour un Tribunal Administratif, un minimum de 10 magistrats au siège,

étant observé que l’importante activité de certaines juridictions, notamment celles placées dans les Chefs-lieux de certaines régions et de certains départements, nécessite un nombre de magistrats plus élevé que ceux précisés.
Les juridictions effectivement ouvertes dans le Nord-Ouest et dans le Sud-Ouest sont au nombre de 26.
En effet, dans le Sud-Ouest, il y a :
• Une (1) Cour d’Appel ;
• Un (1) Tribunal Administratif ;
• Deux (2) Tribunaux de Grande Instance ;
• Quatre (4) Tribunaux de Première et Grande Instance ;
• Six (6) Tribunaux de Première Instance.

Dans le Nord-Ouest, nous avons :
• Une (1) Cour d’Appel ;
• Un (1) Tribunal Administratif ;
• Un (1) Tribunal de Grande Instance ;
• Six (6) Tribunaux de Première et Grande Instance ;
• Trois (3) Tribunaux de Première Instance.

Compte tenu des chiffres que je viens d’indiquer, il faudrait pour les juridictions du Nord-Ouest au moins 240 magistrats alors qu’il n’y en a actuellement que 129 et pour 11

les juridictions du Sud-Ouest au moins 280 magistrats alors qu’il n’y en a actuellement que 151.
Le déficit en nombre de magistrats est important, de sorte que même s’il fallait affecter dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest tous les magistrats anglophones en service dans la République, ce déficit ne serait pas comblé.
Compte tenu des exigences du Statut de la Magistrature, j’insiste sur le fait que la classification des juridictions dans ces deux régions ne permet plus aux magistrats d’un certain grade d’y exercer.
En outre, le plafonnement des carrières des magistrats qui résulterait de l’obligation de maintenir dans les fonctions de Chefs de juridiction, au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, les magistrats les plus anciens dans les grades les plus élevés, induirait des frustrations pour les magistrats de culture anglophone.
Ces frustrations seraient une entrave à l’épanouissement professionnel de ces magistrats, qui seraient réduits à attendre la retraite ou le décès de leurs aînés pour aspirer à une promotion.
Ce que je viens de relever en terme de déficit en nombre de magistrats pour nos régions anglophones vaut également pour les régions francophones car, le déficit du nombre de magistrats y est de 647 au regard de l’état actuel des juridictions ouvertes.
Le détail des chiffres est le suivant :
• Ressort de la Cour d’Appel de l’Adamaoua : il faudrait 160 magistrats ; actuellement il n’y en a que 84, soit un déficit de 76 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel du Centre : il faudrait 330 magistrats ; actuellement il n’y en a que 267, soit un déficit de 63 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel de l’Est : il faudrait 140 magistrats ; actuellement il n’y en a que 88 ; le déficit est de 52 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel de l’Extrême-Nord : il faudrait 180 magistrats ; actuellement il n’y en a que 87 ; le déficit est de 93 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel du Littoral : il faudrait 330 magistrats ; actuellement il n’y en a que 190 ; le déficit est de 140 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel du Nord : il faudrait 160 magistrats ; actuellement il n’y en a que 79 ; le déficit est de 81 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel de l’Ouest : il faudrait 220 magistrats ; actuellement il n’y en a que 137 ; le déficit est de 83 magistrats ;
• Ressort de la Cour d’Appel du Sud : il faudrait 170 magistrats ; actuellement il n’y en a que 111 ; le déficit est de 59 magistrats.
12

Dans la gestion de ces personnels, il faut rappeler que le Cameroun est ouvert à l’international et les magistrats sont formés en conséquence.
Au plan universel, les droits nationaux s’internationalisent.
Il est bon que les magistrats camerounais, francophones ou anglophones, s’imprègnent des méthodes de travail teintées des principes de la Common Law et de ceux du droit romano germanique parce que, à l’international et de nos jours, toutes ces aptitudes sont requises.
Ceci est irréversible.
Outre la formation complémentaire donnée aux magistrats à l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature de Porto Novo au Benin (ERSUMA), nous sommes obligés de les laisser s’imprégner de la pratique des deux systèmes judiciaires, en français et en anglais, et cela ne peut se faire que dans les juridictions ou à la Chancellerie.
Compte tenu de ces raisons et dans l’intérêt de la représentativité de notre pays, il ne serait pas opportun de penser qu’il faille diviser le Cameroun en deux sur le plan judiciaire, alors que dans d’autres domaines, l’intégration nationale, qui est une option forte de notre politique nationale, avance.
S’agissant maintenant des problèmes du maintien de l’ordre qui ont été évoqués,
j’aimerais préciser, comme je l’ai dit au début de mon propos, que nous avons donné la preuve que les portes du Ministère de la Justice sont ouvertes à tous les praticiens du droit, mais que le dialogue ne peut se poursuivre que dans le respect de la légalité.
Premièrement, il m’est revenu que des associations regroupant des avocats de manière régionale existent et ont été dissoutes par l’autorité administrative.
Il me revient également qu’est en cours la création au Cameroun, d’un Barreau des avocats qui se réclament de la Common Law.
En examinant ces problèmes, je pense que la démarche préalable est de savoir si nous sommes conformes avec la loi.
Ceci ne devait pas être étranger à ceux dont la vocation première est de respecter la loi, comme le leur impose leur serment qu’ils n’ont peut-être pas relu depuis longtemps.
Par ailleurs, la Loi de 1990 organisant la profession d’Avocat ne prévoit pas des sous-groupes de cette nature. 13

Il y est formellement dit en son Article 45 que : « Les Avocats sont groupés en une organisation professionnelle appelée Ordre des Avocats ou Barreau et placée sous la tutelle du Ministre chargé de la Justice ».
Une seule organisation : un seul Ordre des Avocats ; un seul Barreau.
Il n’est donc pas erroné de penser que la violation de la loi emporte les mêmes conséquences pour tous ceux qui la violent.
Je relève, en outre, que l’immunité reconnue aux avocats par leur Statut ne porte que sur les propos tenus à l’audience et sur les documents produits en la circonstance.
Lorsque ces principes prévus par l’Article 21 alinéa 2 du Statut des avocats sont violés, autrement dit, lorsque l’avocat se comporte de manière différente aux dispositions que je viens de rappeler, c’est-à-dire, en dehors de la salle d’audience et hors du cadre défini par cet Article, il tombe sous le coup du droit commun.
En juriste avisé, il devrait pouvoir en assumer les conséquences.
C’est la raison pour laquelle le premier thème de nos échanges portant sur la formation et l’encadrement des avocats stagiaires nous a offert l’opportunité de rappeler ces règles déontologiques et le nécessaire respect de la loi, notamment le respect de son Statut par l’avocat, qui impose à celui-ci de se conformer aux lois de la République.
Pour ma part, je relève qu’un bon avocat est celui qui, devant les juridictions étatiques ou arbitrales, s’emploie à gagner son procès.
Et c’est à lui que les clients font confiance.
L’avocat qui s’exprime ailleurs sera certainement un bon communicateur. Il sensibilisera l’opinion, il s’attirera des sympathies.
Mais, tant qu’il n’aura pas gagné de procès, les justiciables douteront de ses compétences et de son efficacité,
et sa liberté d’expression hors du prétoire n’aura servi à rien sur le plan judiciaire.
Je pourrais pousser ma réflexion en disant ceci :
La liberté d’expression et d’opinion est une bonne chose.
Elle est garantie par notre Constitution.
Mais, celui qui en fait usage doit savoir qu’il révèle son for intérieur.
Les dictionnaires et les lexiques comportent des centaines de milliers de mots, et le choix des mots est révélateur de la personnalité de celui qui s’exprime, de ses convictions, de son éducation, de sa culture et non de la personnalité de celui à qui ces propos s’adressent. 14

On juge la personne qui s’exprime par ce qu’elle dit car, ce qu’elle dit exprime ce qu’elle est.
A ce niveau de mon propos, il est bon de rappeler que conformément à l’Article 1er de la Loi organisant la profession d’Avocat, le client qui rémunère l’avocat, apparaît comme étant le patron de celui-ci.
Dès lors, l’avocat qui cesse de le représenter ou de défendre ses intérêts devrait en répondre au triple plan éthique, déontologique et disciplinaire.
Monsieur le Bâtonnier, Monsieur le Président de l’Assemblée Générale, c’est votre responsabilité que de veiller à cela.
Pour nous, bien que le ministère de l’avocat ne soit indispensable que dans quelques matières,
l’avocat doit garder à l’esprit que sa tutelle est parfaitement consciente de sa grande contribution à la bonne administration de la justice.
C’est pour cette raison que cette tutelle est disposée à mettre tout en oeuvre pour améliorer la formation et l’encadrement de l’avocat.
S’agissant du Conseil Supérieur de la Magistrature qui a été évoqué dans les requêtes,
je rappelle que le Conseil Supérieur de la Magistrature est un organisme prévu par la Constitution et dont l’organisation et le fonctionnement sont fixés par la loi.
Alors, je dirais, Monsieur le Bâtonnier,
quand vous aurez ouvert aux magistrats le Conseil de l’Ordre des Avocats, nous jugerons de l’opportunité de faire part au Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et garant de l’indépendance du Pouvoir Judiciaire, du désir de certains avocats, du seul fait qu’ils sont anglophones, d’être membres statutaires du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Pour terminer, je voudrais à nouveau insister sur le fait que le Ministère de la Justice, tutelle du Barreau, reste ouvert à tout dialogue constructif et respectueux de la légalité.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie pour votre bienveillante attention/-.

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