Editorial N°38

Par Emilienne N. Soué

Immunité pour impunité ? Quelle idée!

Ce n’est pas galvauder le sens des mots que de parler d’une révision « historique ». Les Parlementaires ont voté, à la majorité, la loi portant code pénal. Et le président de la République l’a rendue  exécutoire le 12 juillet dernier. Mais l’enjeu va bien au-delà du fait de doter le Cameroun d’un arsenal pénal  plus adapté au contexte actuel. Il est question de procéder à l’unification du droit pénal anglophone et francophone et de l’arrimer aux engagements internationaux.

Au Parlement, l’exercice  a été marqué par l’extrême polarisation des positions lors des débats. Ce n’est pas tous les jours que la loi pénale, qui est le garant de l’ordre public est remaniée, d’où l’intérêt  qu’elle a suscité au sein de l’opinion.

 

 L’article127, le plus controversé tant sa formulation originelle prêtait à confusion, est aussi celui qui a fait l’objet de toutes les attentions. Un amendement a été introduit au niveau du Sénat. Le texte est reparti à l’Assemblée pour une reformulation plus inclusive : « Est puni d’un emprisonnement de un (01) à cinq (05) ans, le Magistrat ou l’Officier de Police Judiciaire qui poursuit, arrête, ou juge quiconque, en violation des lois sur les immunités ». Une version plus consensuelle.

Les partisans du « retrait » de l’article 127 à l’Hémicycle comme au Sénat,  ont joué sur la peur de l’impunité qui résulterait de l’immunité des membres du gouvernement. Qu’est-ce à dire ? Le citoyen n’accorderait même plus le bénéfice du doute  aux membres du gouvernement au service de l’Etat et aux élus ? Où est alors  passée la présomption d’innocence ?

La présomption d'innocence, telle qu'entendue actuellement dans la plupart des pays, se fonde sur l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 de l'ONU qui la formule de la façon suivante : « Article 11. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis. »

L’article 8 de la loi N°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale au Cameroun dispose ce qui suit: (1) "Toute personne suspectée d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées ».

(2) « La présomption d'innocence s'applique au suspect, à l'inculpé, au prévenu et à l'accusé."

Si la loi accorde le bénéfice du doute au suspect, à l’inculpé, au prévenu, et à l’accusé, d’où vient-il que les membres du gouvernement, soient condamnés pour des crimes qu’ils n’ont pas encore commis et que leur immunité puisse être un sujet à caution ?

Et pourtant : « L’immunité est le privilège que confèrent certaines fonctions en donnant à ceux qui les exercent, le bénéfice d’une dérogation à la loi commune notamment en matière de poursuites judiciaires. C’est le cas des parlementaires », avait alors précisé le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux lors de sa Conférence de presse du 12 juillet 2016, date de la promulgation de la loi portant code pénal.

Les pourfendeurs de l’article susmentionné, acharnés qu’ils étaient à détricoter le texte, ont oublié qu’ils faisaient également l’objet d’attaques émanant d’eux-mêmes. L‘immunité des députés est historique, et elle a induit d’office celle ces sénateurs.

Le Parlement apparaît alors comme fondamental dans la vie politique actuelle. Vecteur de représentation, de construction et de consolidation du concept de nation, le Parlement est le jalon essentiel pour former un vivre ensemble qui va au-delà des différences ethniques, politiques et sociales. Haro donc sur des débats stériles et place à la réflexion constructive.

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