Elections couplees legislatives etmunicipales : Quelles leçons en tirer?

Les dernières élections législatives et municipales ont été l’occasion d’évaluer la maturité démocratique des acteurs électoraux. Radiographie d’un processus supervisé par ELECAM.


L’Organisation
Considéré à juste titre comme le véritable gagnant de ces élections, ELECAM est née dans la douleur en 2006. Jugée incapable d’organiser des élections crédibles, elle a fait démentir tous ses détracteurs recensés aussi bien dans les rangs du parti au pouvoir que dans ceux de l’opposition. Il faut dire qu’ELECAM, à sa charge, leur avait donné du grain à moudre au vu de nombreuses irrégularités  constatées lors des précédentes présidentielles. Cette fois-ci, les bureaux de vote se sont rapprochés des électeurs, le matériel électoral est parvenu à temps dans les bureaux et la liste électorale avec photo comportant des données biométriques a fini de rassurer les électeurs les plus sceptiques.
Toutefois, quelques couacs perceptibles dans certains bureaux ont entaché ces élections, mais ils demeurent minimes. Le toilettage du fichier électoral et l’introduction de la biométrie auront largement freiné la fraude. Tout cela a incité la communauté internationale, dans son ensemble, à saluer les progrès effectués par ELECAM.
En définitive, l’on peut dire sans risque de se méprendre que le processus électoral  au Cameroun s’est  fort amélioré mais reste perfectible. Respect des droits de l’homme
Les élections se sont déroulées dans le calme et la sérénité ceci sans aucun doute grâce à la participation des divers acteurs qui y étaient impliqués. Chaque électeur a pu assumer son devoir civique sans la pression d’une quelconque mesure intimidatrice ou contraignante.
Les journalistes, sous l’œil vigilant du Conseil National de la Communication, ont pu assurer en toute liberté la couverture médiatique de l’évènement sur toute l’étendue du territoire et ainsi délivrer un rendu fidèle à leur lectorat. Tant il est vrai, et l’actualité récente au nord du Mali avec l’assassinat  des deux journalistes de RFI  est là pour le démontrer, qu’il s’agit de missions délicates.

LE RDPC,vainqueur mais méfiance....
Le taux de participation à ces élections frise les sommets. Effet, il ressort à titre illustratif du  scrutin législatif  que sur les 5.481.266 Camerounais inscrits sur les listes électorales, près de 77% d’entre eux ont effectivement pris part au vote. Il faut en déduire que les Camerounais reprennent peu à peu goût à la politique. À moins que ce relatif engouement ne soit lié aux bons résultats de la réforme du système électoral.
Bref, comme on s’y attendait, le parti au pouvoir est le grand vainqueur des élections couplées  législatives et municipales du 30 septembre. Aux municipales, le RDPC s’est octroyé 457  conseillers municipaux et 148/180 députés aux législatives, tandis que les grands partis d’opposition, tels que l’UNDP et le SDF, se maintiennent et confortent leur statut de challengeur. Le RDPC demeure donc majoritaire, mais devra se méfier d’un jeune loup aux dents acérées en la personne du MRC. Si cette menace sous-jacente ne semble pas encore visible au niveau de la représentation politique dans les institutions, elle l’est à travers les suffrages exprimés par les électeurs et qui ont abouti à l’entrée à l’Assemblée Nationale du MRC, lequel est parvenu à placer un député dans cette nouvelle législature. Un seul député me diriez-vous, mais cela aurait pu être plus, à en croire  le Pr Maurice Kamto, son leader politique.
En fait, là où le MRC, créé tout juste un an plus tôt a du mérite, c’est qu’il a réussi à susciter de la ferveur dans un environnement morose et léthargique. Le principal atout de ce parti est qu’en refusant de se laisser enfermer dans une logique  régionaliste, il paraît fédérateur. Apprécié par la jeunesse éduquée, il veut rassembler plus large et toucher les couches populaires. Il y a fort à parier que l'après-Biya ne se fera pas sans Maurice Kamto et le MRC.

La représentation des femmes à L’Assemblée Nationale

La participation des femmes en politique, non plus seulement à la base, mais au centre de la prise des décisions va crescendo, et est à féliciter. Les récentes élections sont donc à marquer d’une pierre blanche pour les défenseurs de l’égalité des sexes. Cette représentation accrue des femmes aussi bien  parmi les édiles municipaux que les députés  n’auraient pu être réalisée sans  la synergie des différents acteurs du processus électoral parmi lesquels ELECAM, les partis politiques, les femmes leaders politiques, les organisations de la société civile.
L ’adoption du code électoral du 19 Avril 2012, les consignes d’investiture de certains partis politiques et le courage des sages du conseil électoral d’ELECAM, y sont également pour beaucoup.
Reste que l’action doit se poursuivre avec d’une part le renforcement des capacités institutionnelles et managériales des élues afin qu’elles puissent en toute responsabilité assumer les charges qui leur sont maintenant dévolues et d’autre part  l’adoption de dispositions juridiques spécifiques à l’effet d’assurer,une assise légale et non seulement volontaire, à l’égale participation des hommes et des femmes dans le processus électoral

Le système électoral en question le choix du calendrier électoral

Au Cameroun, il faut être dans le secret des dieux pour connaître la date des élections. Le président camerounais restant le seul maître du calendrier électoral. Les opposants sont donc toujours pris de court. Or, dans un Etat qui se veut démocratique, le calendrier électoral doit être connu, car cela permet une meilleure préparation de toutes les composantes politiques et des organisateurs des élections.

le versement de l’aide publique
Le versement de l’aide publique aux partis est tardif car intervient 48 heures seulement avant le vote. De plus, il est dérisoire au vu des besoins exprimés par les « petits partis » pour rivaliser avec la grosse machine politique qu’est le RDPC , qui  peut lui, compter sur les moyens de l’État en usant de stratagèmes, l’apport en numéraire des hommes d’affaires et la bienveillance des préfets  pour faire campagne et même, les chefs traditionnels  revigorés par un décret du chef de l’État  leur accordant une allocation mensuelle étaient des relais efficaces du parti présidentiel ultra-dominant.

le choix des maires
L’élection des maires aura été houleuse dans certaines  municipalités même et c’est là où le bât blesse dans des communes acquises majoritairement à un seul parti. Dans certains cas, le consensus a prévalu, dans d’autres les deux listes concurrentes ont été présentées aux conseillers municipaux qui ont élu leur maire et les adjoints. Toutes ces guéguerres remettent au goût du jour le débat sur les règles du jeu démocratique. Il serait souhaitable que le choix des maires s’effectuent longtemps à l’avance afin d’éviter des situations ubuesques qui discréditent l’image de la politique nationale.

le contentieux électoral

Parler de contentieux électoral est une vue de l’esprit, une véritable chimère car de contentieux il n’en a effectivement  point été du fait d’une justice instrumentalisée ou craintive et d’une législation à la fois obsolète et ambigüe.
Il faut prima faciès relever que les audiences se sont étendues en longueur, marquées par une célérité préjudiciable à une bonne administration de la justice.
En outre, un éminent juriste avait coutume de dire que «  la jurisprudence est la source de jouvence du droit », la justice camerounaise que l’on a connu sous d’autres cieux plus audacieuse n’ a pas voulu entrer dans l’histoire, dans le contentieux préélectoral, en refusant de donner une interprétation univoque, précise et sans ambiguïté aux notions de composante sociologique et  de genre présentes à l’article 151(3) du Code électoral; puis, en brandissant dans la même veine, s’agissant du contentieux électoral des élections législatives, un article obsolète, désuet ou dépassé notamment l’article 49 de la loi n°2004/004 du 21 Avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel qui dispose que : « sous peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir les noms, prénom(s), qualité et adresse du requérant ainsi que le nom de l’élu ou des élus dont l’élection est contestée. Elle doit en outre être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens de fait et de droit qui la fondent. ».Or comment pouvait-on connaître le nom des élus alors que le contentieux avait lieu avant la publication des résultats ?

Que faut-il attendre de ces élections ?

Sur le remaniement

L’histoire politique camerounaise témoigne de la redistribution du jeu politique après les élections. A mon humble avis, celui-ci n’apportera pas de changement notable car le RDPC ayant remporté assez facilement lesdites élections. Si des supputations vont bon train concernant la prochaine figure du Premier ministre, chef du gouvernement, il y a fort à parier que la tendance actuelle  laisse présager un maintien  à l’état actuel des choses au nom, pas forcément de l’agenda politique de ce dernier, mais sous le fallacieux sacro-saint principe républicain de la régionalisation.
Le véritable enjeu d’un éventuel remaniement  se situera sur le maintien ou non des membres du gouvernement qui « auraient perdu » les élections. Mais rien n’établit que qu’un membre du gouvernement qui conduit une équipe de campagne sur le terrain sera démis de ses fonctions si les listes de son parti ne sont pas élues.

Sur le rôle des heureux élus

Les populations nourrissent le sentiment que d’une élection à l’autre, leur quotidien demeure inchangé. Une fois élus, les députés ou les maires se laissent absorber par la recherche effrénée d’un retour sur investissement, suite aux sacrifices financiers consentis pour accéder. Plus que jamais désormais, la maxime latine «  Res, non verba » (des réalités, non des paroles) est d’actualité.
Il est question pour les élus de transformer les promesses faites au cours de la campagne électorale en actes concrets  afin pour notre pays, d’atteindre les objectifs du millénaire dans sa quête de l’émergence en 2035. Le Cameroun est un vaste chantier dans lequel s’expriment des besoins nombreux et variés. Des besoins qui se déclinent en termes de développement économique, d’aménagement du territoire, de promotion de la santé, de l’éducation…
Les élus étant les mandataires du peuple,  ils leur incombent de répercuter les jérémiades de ce dernier au plus haut sommet de l’Etat, à l’effet pour l’Etat d’y apporter des solutions idoines.
Qu’il en soit ainsi donc, sous peine d’un vote sanction lors des prochaines échéances.

Emmanuel N. Tchock

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