La responsabilité médicale

Pr. Alain KENMOGNE SIMO

« Un contrat médical impose au médecin, une obligation de soin et non de guérir »

L’agrégé des facultés de droit explique la notion de responsabilité médicale, en distinguant la responsabilité pénale de la responsabilité civile, dans le cas d’une infraction commise par un médecin.

Lorsqu’une infraction médicale est établie au sein d’une structure hospitalière qui peut endosser la ou les responsabilités ?

Votre question pose un problème de responsabilité médicale, qui est une responsabilité presque aussi vieille que l’activité médicale elle-même. En effet, le Code d’Hammourabi qui est un recueil de solutions jurisprudentielles (écrit vers 1750 avant Jésus-Christ) contient des dispositions y relatives. Cela dit, l’interrogation peut se comprendre dans la mesure où au XIXe siècle, il y a eu un courant très minoritaire  pour prôner l’irresponsabilité du médecin pour erreur involontaire, faute hors de prévoyance ou résultat fâcheux hors de calcul dans l’exercice consciencieux de sa profession.

Pour répondre plus précisément à votre question, il est possible de l’envisager sous deux angles que l’on retrouvait déjà dans les solutions du Code sus évoqué: soit il s’agit véritablement d’une infraction (c’est l’angle pénal), soit il s’agit tout simplement d’un dommage (c’est l’angle civil); les deux peuvent être liés si-car comme cela est souvent le cas dans le cadre médical- le dommage constitue en même temps une infraction.

S’il s’agit d’une infraction, c’est la responsabilité pénale de l’auteur (médecin, infirmière, imagériste…) qui sera recherchée car notre législation est muette sur la responsabilité pénale des personnes morales. Toutefois, cette responsabilité pénale de l’auteur de l’infraction peut être d’une mise en œuvre difficile : l’élément intentionnel n’étant pas aussi facilement identifiable que les éléments légal et matériel. Cette difficulté technique n’épargne cependant pas le médecin de toute poursuite. En effet, en dehors des infractions typiques de droit commun, le délinquant peut également être justiciable de la mise en danger d’autrui et d’autres infractions spéciales à la profession médicale.

En supposant que l’infraction n’ait pas pu être établie, le sort de la victime  (patient) n’est pas théoriquement aggravé, puisque la responsabilité civile du médecin pourra être recherchée.

La responsabilité médicale dépend aussi du statut de la structure hospitalière considérée et des rapports qui existent entre celle-ci et le praticien.

S’il s’agit d’une structure publique, nous serons dans le cadre de la responsabilité administrative. Dans ce cas, l’administration aura l’obligation de réparer le préjudice causé au patient. Cependant, en cas de faute détachable du service, elle se réserve le droit d’exercer une action récursoire contre son préposé.

S’il s’agit plutôt d’une structure  privée, la responsabilité du commettant sera engagée. Par contre, s’il est prouvé que la structure privée et le praticien n’étaient pas liés par un rapport de préposition, c’est la responsabilité de l’auteur du dommage qui sera engagée. Signalons néanmoins que de manière générale, notre jurisprudence adopte une conception large du lien de préposition. Ce qui permet de retenir la responsabilité du commettant dès lors qu’il est possible de rattacher le dommage aux fonctions du préposé.

 

 

Comment est-ce que le préjudice causé par un médecin au sein d’une structure hospitalière peut être prouvé ?

Tout dépend des hypothèses de préjudice et des circonstances. Est-ce que le préjudice est constitué par le décès du patient, par exemple ? A ce moment, il sera assez aisé de faire la preuve par l’autopsie du patient décédé. De même, est-ce qu’il est constitué par une atteinte à l’intégrité physique ? Là aussi, en fonction des circonstances, il peut être relativement aisé de l’établir. Plus que le préjudice, il me semble que ce sont les deux autres conditions de la responsabilité, à savoir la faute, surtout la faute technique (commise dans le diagnostic ou dans le traitement) et le lien de causalité, qui sont susceptibles de susciter des difficultés de preuve encore plus grandes. En tout état de cause, le juge a la possibilité de recourir à l’expertise.

 

Quel rapport y’a-t-il entre le médecin et son patient, s’agit-il d’une relation contractuelle ?

Même si à l’origine, la responsabilité délictuelle a été appliquée pour la réparation du dommage subi par un patient, la relation entre ce dernier et le médecin relève bien évidemment d’une relation contractuelle puisqu’il s’établit entre les deux parties un contrat médical qui impose au médecin, au minimum, une obligation de soin (et non de guérir), de sécurité et d’information. Certes, dans certaines hypothèses (patient arrivé dans un état inconscient, par exemple), la question du consentement du malade peut se poser. Néanmoins, si cette évolution vers la responsabilité contractuelle peut être considérée théoriquement comme une avancée, il convient de reconnaître que notre droit devrait faire plus en évoluant vers une responsabilité professionnelle du médecin qui concilie plusieurs soucis à la fois, notamment l’indemnisation des victimes et l’exercice de la profession sans psychose du dommage.

 

Est-ce que la structure hospitalière au sein de laquelle le médecin officie peut être incriminée également ?

Comme je l’ai dit ci-dessus, en ce qui concerne les intérêts civils, la structure hospitalière peut voir sa responsabilité engagée; quant à l’aspect pénal, en principe, il  ne concerne que l’auteur de l’acte infractionnel; mais s’il s’agit d’une structure coutumière de pratiques illicites et dommageables, le juge pourra ordonner sa fermeture.

 

Quelle est la place des assurances dans le processus de réparation du préjudice causé au patient ?

Dès qu’il s’agit de réparation, les assurances occupent une place de choix non seulement parce qu’elles préservent la survie de la structure hospitalière (ou le patrimoine du médecin selon le cas) dont l’équilibre financier pourrait être menacé par les dommages-intérêts à verser aux victimes ; mais aussi et surtout parce qu’elles augmentent les chances de la victime d’être effectivement indemnisée. C’est d’ailleurs cette dernière raison qui justifie le caractère obligatoire de l’assurance pour les structures hospitalières privées (dans certains pays, l’effectivité de cette assurance n’est pas assurée seulement par le caractère pénal du défaut de sa souscription, mais aussi par la possibilité de bénéficier d’une aide à la souscription et, surtout, l’obligation faite aux compagnies d’assurance d’assurer les professionnels de la santé). L’assurance est là pour rassurer les deux parties : le médecin qui peut se livrer à son art sans l’obsession d’une condamnation aux conséquences dommageables pour lui et sa famille (les montants auxquels les praticiens peuvent être condamnés étant potentiellement très élevés, vous vous doutez bien qu’en l’absence d’une assurance de responsabilité civile professionnelle, certains hésiteraient à s’installer en clientèle privée ; et le malade qui peut se livrer au médecin en sachant que si l’inespéré arrivait, au moins il pourrait être indemnisé). Comme pour beaucoup d’autres secteurs, l’assurance joue donc un rôle très important ; c’est d’ailleurs pourquoi elle est considérée comme le moteur d’une économie. Revenant à la relation avec la responsabilité médicale, le principal problème est celui de l’adéquation entre l’étendue de l’assurance et la dette du praticien à l’égard de la victime : celle-ci relève du droit civil alors que celle-là obéit aux règles du droit des assurances. En bons gestionnaires qu’ils doivent être, pour contenir l’indétermination qu’il y a dans l’assurance de responsabilité, les assureurs fixent un plafond d’indemnisation. Or, le montant des dommages-intérêts dus à la victime peut être supérieur à ce plafond (dans notre contexte, il devrait s’agir de cas normalement rares pour les victimes individuelles).

Compte tenu du fait qu’il y a un risque que leur responsabilité individuelle soit engagée, il pourrait être prudent pour les praticiens de souscrire des assurances individuelles.

 

Propos recueillis par Mireille Titti Sengue

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