Règlementée par un arrêté de 1955, la profession d’agent d’affaire « judiciaire» souffre de divers maux au rang desquels on peut compter l’ignorance des justiciables. Pourtant, la profession est encadrée et la Chambre Nationale des Agents d’affaires est à pied d’œuvre pour donner à ses membres une place plus méritoire et respectable…comme en témoigne son assemblée générale du 6 février 2016.
Le tableau de la Chambre nationale des agents d’affaires recense pas moins de 250 membres pour le dernier exercice judiciaire. Autant le dire, la profession est plus que bien structurée même si le texte fondamental qui en fixe les contours date de l’époque coloniale. De fait, pour en comprendre la substance, il faut compulser les codes et lois de Bouvenet et Bourdin de 1956 pour tomber sur l’arrêté du 7 juillet 1955 portant règlementation de la profession d’agent d’affaires et d’écrivain public au Cameroun ou encore sur l’arrêté du 14 août 1955 fixant le programme de l’examen d’aptitude aux fonctions d’agents d’affaires.Concrètement, la loi présente l’agent d’affaires comme toute personne qui, n’étant pas officier ministériel ou avocat défenseur, choisit pour profession de gérer les affaires d’autrui qu’elles soient litigieuses ou non, de servir de conseil, d’offrir des consultations juridiques, de se charger de la direction des procès, du recouvrement des créances, de la rédaction des contrats et d’une façon générale de renseigner le public contre le versement d’une rétribution.
Sur ce dernier point, la notion de rétribution ne doit pas être confondue avec celle de salaire, car dès lors qu’un mandataire est salarié, il ne peut plus être considéré comme agent d’affaires au sens des textes de 1955.L’article 9 de l’arrêté de 1955 prévoit : « en qualité de mandataire, l’agent d’affaires est admis à représenter des parties devant les tribunaux (…) » dans les matières criminelles, civiles comme commerciale. Ce même bout de texte exige que l’agent n’excède pas les limites de la profession pour atteindre au domaine d’action de l’avocat-défenseur.
Cette disposition appelle par ailleurs à croire qu’en matière de contentieux administratif, avec la réforme de notre système judiciaire et la construction des tribunaux administratifs, l’agent d’affaires ne peut étendre son pouvoir de représentation aux affaires administratives.
QUI PEUT ÊTRE AGENT D’AFFAIRES ?
Pour être agent d’affaires au Cameroun, la loi exige que l’impétrant en d’autres termes le candidat à la profession, soit âgé d’au moins 25 ans, n’ait jamais avoir fait l’objet d’atteintes aux mœurs. En plus de quoi, il faut être titulaire au minimum d’une capacité en droit. Cette dernière exigence peut être mise à l’écart dès lors que le candidat peut justifier d’un baccalauréat complété d’un stage de 3 ans dans un cabinet d’avocat, d’huissier de justice ou de notaire. Tout comme peut être admis à la profession, toute personne ayant travaillé pendant 3 ans dans un greffe ou à défaut ayant simplement passé son examen d’aptitude à la profession. Cet examen s’appuie sur un programme écrit et oral sur la procédure civile et l’organisation judiciaire au Cameroun. Le candidat se doit également de faire preuve de connaissances précises sur d’autres domaines du droit à l’instar du droit civil, foncier ou commercial.
Le passage des candidats se fait devant un jury présidé par un magistrat – conseiller à la Cour d’appel - assisté par plusieurs autres magistrats. Au bout de cet examen, une autorisation s’avère nécessaire. Cela relève de l’autorité administrative. Le texte de 1955 stipule que la demande d’autorisation doit être adressée à toute autorité pour remonter jusqu’au « chef de région » qui correspond aujourd’hui au gouverneur.
ACTUALISER LA PROFESSION
Selon la règlementation, l’autorisation d’exercer la profession d’agent d’affaires peut être retirée par « le haut commissaire ». La vétusté du texte semble pouvoir être remédiée si l’on accorde ce pouvoir au ministre de l’Administration Territoriale ou alors à celui de la Justice. L’un dans l’autre, il faut dire que ce retrait peut intervenir en cas de fraude de la part de l’agent ou de violation en cas d’incompatibilités. Tout compte fait, la profession d’agent d’affaires souffre en premier lieu de la vieillesse de sa règlementation. Celle-ci étant restée figée dans l’époque coloniale et appelant comme d’autres textes plus importants – tels que le code de procédure civile et commerciale ou encore le code civil- à être actualisés et dépouillés de formules-reliques qui ne cadrent plus avec les réalités.
Pour tenter de régler le problème, la Chambre Nationale des Agents d’Affaires est en pourparlers avec le ministère de la Justice afin que les textes qui sont désormais inadaptés soient modulés. Dans ce sens justement, une assemblée générale de ladite association s’est tenue à Douala le samedi 6 février dernier. A l’ordre du jour, en plus de la présentation des nouveaux agents autorisés, des sanctions disciplinaires mais aussi et surtout le point d’étape quant aux avancées des débats de modernisation de la profession et de son cadre règlementaire.
RESPONSABILITÉS
En plus de sa responsabilité administrative, l’agent d’affaires est exposé à un régime de sanctions pénales aussi rigoureux que son pouvoir est important. C’est ainsi que l’article 321 du code pénal camerounais le sanctionne avec circonstances aggravantes s’il se livre à des abus de confiance et ou à de l’escroquerie. De ce fait, les sanctions prévues sont des peines d'emprisonnement allant de (05) cinq à (10) dix ans assorties d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs qui sont doublées (10 ans et 20 ans ainsi que 200.000 à 2.000.000 de FCFA) si l'abus de confiance ou l'escroquerie ont été commis soit par un avocat, un notaire, un commissaire priseur, un Huissier, un agent d'exécution ou encore par un agent d'affaires.
Willy Zogo