DROIT DE LA SANTE: Les bases déontologiques des droits des malades au Cameroun

Dr Samuel Elong Ngono
c.e.s. de médecine légale d.e.a. en droit de la santé neurologue

Le praticien revisite les droits des malades et les devoirs des médecins à l’aune du Code National de Déontologie du Médecin.

L e Cameroun est un état de droit, il se doit de respecter «  les droits de l’homme et les libertés fondamentales » résultant des textes internationaux et camerounais. Nous ne retiendrons ici que les droits consécutifs à la situation de malade, analysés suivant la morale professionnelle édictée par le code de déontologie du médecin du 12 Avril 1983.
Au Cameroun, on a souvent comparé la pratique médicale à un sacerdoce. Nous pensons qu’on a raison : dans la Bible, sont inscrites les  règles parfaites de conduite du chrétien vis-à-vis de son prochain qu’il doit aimer, servir et envers qui il n’a que des devoirs ; dans le code de déontologie médicale sont inscrites les règles qui préservent les droits fondamentaux des malades et définissent les devoirs des médecins.
Il est bon que le malade, de qui la médecine tire son existence, aide le médecin à faire son travail et à bien le faire. Il doit connaître ses droits et exiger qu’ils soient respectés. Il ne doit cependant être ni totalement ignorant et se comporter comme une vache qu’on amène à l’abattoir, ni un omniscient qui doit tout imposer.


Le droit au libre choix du médecin

Le premier de ces droits est le libre choix du médecin par le malade. L’article 5 du code de déontologie stipule : « dans leur relation, le médecin et le malade disposent chacun des garanties suivantes : - libre choix du médecin par le malade, …. ».
Chaque malade est totalement libre de choisir son médecin selon ses propres critères. Ce droit est facilement applicable dans les grandes villes où exercent plusieurs médecins privés laïcs ou confessionnels, et dans lesquelles on peut trouver plusieurs hôpitaux et dispensaires publics et privés. L’implantation des formations sanitaires au sein des communautés villageoises, dans les arrondissements, ne restreint aucunement ce libre choix du malade ; celui-ci n’est pas obligé d’aller seulement chez le médecin de son lieu de domicile.
Ce libre choix peut  cependant être difficile à satisfaire dans  les localités isolées où l’on ne trouve qu’un seul médecin ou une seule formation sanitaire ; il en est de même dans les grands hôpitaux où l’on n’a souvent qu’un seul médecin par spécialité.
Certaines entreprises ont établi, avec des médecins privés, des contrats de soins pour leurs travailleurs ; ceux-ci ne sont pas obligés de ne se faire traiter que par le médecin de l’entreprise ; ils peuvent consulter tout médecin de leur choix. Ils n’ont obligation de passer par le médecin d’entreprise que lorsqu’ils veulent se faire prévaloir d’un droit en rapport avec la santé au sein de l’entreprise.
On pourrait se demander si le médecin qui envoie un patient chez un confrère n’aliène pas sa liberté de choix. En fait, le médecin traitant ne fait que  proposer une consultation spécialisée à son malade ; il lui explique les motifs du choix porté sur ce confrère. Le malade reste libre d’accepter ou de refuser cette proposition, il peut même opter pour un autre médecin de même spécialité. Le médecin traitant doit, en toute sérénité, se soumettre à la décision de son malade. Le médecin peut de même  proposer au malade, et non l’obliger, à effectuer les examens complémentaires dans un laboratoire précis ; le compérage étant interdit (art. 15)
En médecine pénitentiaire, lorsque le cas le nécessite, le seul médecin autorisé à s’occuper des détenus, propose une consultation, avec  un autre confrère à son malade mais, celui-ci reste libre de sa décision dans les limites de la réglementation du pénitencier.

Le Droit du patient au respect de sa vie privée: le  secret professionnel

Le malade qui a ainsi librement choisi son médecin, va lui faire confiance. Cette relation de confiance va mener à des confidences ; le malade attend de son médecin discrétion totale, silence absolu.
Dans l’article 4 qui stipule « sauf dispositions contraires de la loi, le secret professionnel s’impose au médecin tant qu’en conscience, il ne porte pas atteinte à l’intérêt du malade », on remarque que le secret est institué dans l’intérêt du malade.
L’objet du secret peut être ignoré de celui-ci ; ainsi, le secret ne porte-t-il pas seulement sur les confidences du malade, non plus uniquement sur les constatations cliniques ou les résultats des examens complémentaires, mais sur tout ce qui a trait au malade et à sa maladie. Il est à noter que dans nos pays où la notion de famille est très étendue, le malade révèle lui-même beaucoup de choses de sa maladie à son entourage, en revanche, les détails touchant à sa vie intime ne seront pas connus des siens.
Si des amis, des parents doivent apprendre quelque chose du malade et/ou de sa maladie, que  ce ne soit pas par le médecin traitant. Nous connaissons les mesures répulsives que certains pays ont prises, à la simple idée que certaines communautés portaient le sida (les H H H). Le secret doit être respecté en toutes circonstances. Le malade ne peut relever le médecin du secret professionnel, pas plus que la mort du malade.
A propos du secret dans les expertises, l’article 41, alinéa 2, stipule : « Dans son rapport, il (le médecin expert) ne doit révéler que des éléments de nature à fournir les réponses aux questions posées dans la décision qui l’a nommé, et taire tout autre renseignement qu’il a pu apprendre à l’occasion de sa mission ». En fait, ce rapport sera lu par des personnes qui ne sont pas des médecins. L’expert doit faire suffisamment attention et ne donner que des conclusions médicales sans beaucoup de détails cliniques.
Il est prévu des  dérogations au secret professionnel par des « dispositions de la loi ». Dans plusieurs de ces cas, le médecin a autorisation, permission et non obligation de se porter révélateur du secret. Ces situations doivent être analysées en âme et conscience par le médecin, qui doit toujours sauvegarder l’intérêt de son malade.
Le secret demeure dans son caractère : inviolable, général et absolu ; il ne peut y avoir médecin sans confiance, confiance sans confidences, confidences sans secret. Le médecin ne doit en aucun cas, donner un quelconque renseignement médical personnel à un employeur, ou à une autorité administrative concernant son patient, sans être sûr que son malade va en tirer un bénéfice.
Entre médecins, le secret demeure ; il l’est encore plus avec le médecin de contrôle à qui le médecin traitant peut refuser tout renseignement. En restreignant les dérogations judiciaires dans l’article 310 du code pénal, le législateur reconnaît que le secret est attaché à la profession de médecin, comme à celle du ministre de culte et à l’avocat.
Le malade expose sa vie privée et intime au médecin et attend une solution à ses problèmes. « Le médecin s’oblige à agir toujours avec correction et aménité envers le malade et à se montrer compatissant envers lui » (article 22). Il va s’établir un dialogue au cours duquel le médecin traitant va informer son patient de ses constatations et des résultats après divers examens.

Le Droit du patient à l’information

L’information est un droit fondamental du malade ; il est la base de toute relation avec le médecin. Cette information doit être simple afin que le malade puisse la comprendre ; elle doit être  approximative parce que le médecin ne sait pas tout et doit parler avec humilité ; elle doit être intelligible pour qu’elle soit accessible au malade ; elle doit être loyale parce que le médecin ne doit pas tromper son malade. Il s’agit ici d’un échange verbal.
Le malade ne peut pas consulter son dossier médical car, le secret qu’il contient lui appartient bien, mais le dossier ne lui appartient pas. Nous nous rappelons cet incident survenu il y a longtemps à la Maternité Principale de l’hôpital Central de Yaoundé : un collègue étudiant en médecine avait marqué d’une croix rouge le quadrant où il entendait les  bruits du cœur fœtal ; lorsque la parturiente a vu cette marque dans l’observation médicale, elle a éclaté en sanglots : pour elle, la croix rouge signifiait la mort de son bébé. Cette histoire illustre parfaitement le soin et l’attention que le médecin doit porter au dossier et à l’information médicale.
Une information claire sert à rassurer le malade, à dissiper ses inquiétudes, elle lui permet aussi de pendre des décisions qui s’imposent. Le malade a certes droit à une information soignée et aussi complète que possible, cependant, lorsque le médecin estime que son patient ne peut pas supporter une révélation, il peut la lui dissimuler comme l’illustre  l’article 27: «  un pronostic grave peut être légitimement dissimulé  au malade. Un pronostic fatal ne peut lui être révélé légitimement qu’avec la plus grande circonspection ; il doit l’être généralement à sa famille, à moins que le malade n’ait eu préalablement cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ».
L’autorisation de révéler un pronostic fatal à la famille se fait dans l’intérêt du malade. Dans nos pays, le testament n’est pas toujours un document écrit, il s’agit  souvent d’une communication verbale, directe, avec ou sans témoin, entre le cédant et son successeur. C’est en mourant que les vieux livrent généralement leurs secrets. Il faut aussi noter qu’un décès entraîne très souvent des problèmes très divers: transfert de corps, cérémonies funéraires, rites qui nécessitent une bonne préparation.
En pratique, avoir la certitude d’un pronostic fatal n’est pas toujours aisé et le médecin doit rester très réservé et prudent dans ses déclarations. Il doit s’assurer que la révélation de ce pronostic entraînera des arrangements bien en faveur de son malade.
Généralement, le malade bien informé adhère aux idées du médecin traitant. Le malade ne doit être soumis à un quelconque examen complémentaire ou à un traitement qu’après son consentement préalablement recueilli.
Ce consentement  du malade doit être éclairé, libre et conscient.
Le médecin doit suffisamment l’éclairer sur ce qu’il attend de l’examen ou du traitement, quels pourraient être les effets secondaires ou indésirables, comment le malade devrait se comporter à la survenue de ces effets.
Le malade doit librement donner son avis sans aucune contrainte ou influence de la part du médecin.
Le malade doit être conscient, maître de tous ses sens, capable de donner un avis en toute connaissance.
Pour des personnes ne pouvant consentir, on va recueillir l’avis des personnes exerçant légalement une autorité sur elles. (Article 26). C’est le cas des malades dans le coma, des incapacités majeures, des mineurs, des personnes sous tutelle.

Le Droit des patients à un traitement égal

Tout malade a droit aux soins. Article 2 : « Le médecin doit soigner avec la même conscience tout malade quels que soient sa condition, sa nationalité, sa religion, sa réputation et les sentiments qu’il lui inspire…. ». L’article 23 stipule : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, sans compter le temps que lui coût ce travail. ».
On ne saurait exiger du médecin la guérison  de tous ses malades, ni de n’élaborer toujours que des diagnostics exacts, mais il a le devoir de s’entourer de toutes les garanties pour affiner son diagnostic. Du fait que ses connaissances sont évidemment limitées, le médecin sera humble et honnête, lorsqu’il a des difficultés ou des doutes, de solliciter l’avis d’un confrère, pas nécessairement plus compétent ou spécialiste. C’est d’ailleurs un devoir de conscience.
Article 46 : « Le médecin traitant d’un malade doit proposer une consultation dès que les circonstances l’exigent ».
Les soins que nous proposons à nos malades ne peuvent être quelconques mais, consciencieux, attentifs, conformes aux données acquises de la science, adaptés aux conditions et possibilités du malade. On peut lire dans l’article 24 : « Le médecin, dans ses prescriptions, doit rester dans  les limites imposées par la condition du malade. Il ne doit, en conscience, lui prescrire un traitement très onéreux qu’en éclairant celui-ci ou sa famille sur les sacrifices que comporte ce traitement et les avantages qu’ils peuvent en espérer.  Le médecin ne doit jamais donner à un malade des soins dans un but de lucre ». Il ne s’agit pas, dans cet article, d’établir une ségrégation sociale par les prescriptions. Nous pensons qu’il ne s’agit non plus seulement des sacrifices pécuniaires à consentir, pour ce traitement, car le médecin n’est pas commerçant. Il n’a pas pour principale préoccupation de connaître les prix des produits pharmaceutiques ; mais il s’agit d’éclairer le malade sur les contraintes de tous ordres que peut entraîner ce traitement et surtout le persuader d’adhérer aux soins pour son intérêt.
Pour des raisons personnelles ou professionnelles, le médecin peut refuser de se prodiguer pour un malade lorsque celui-ci n’est pas en danger de mort (Article 28). Mais dans ce cas, le médecin qui n’agit pas par mauvaise foi, doit prendre contact avec un confrère pour ce malade ; il doit s’assurer qu’il n’y aura pas interruption du traitement et surtout, que ce désistement ne nuira pas au malade.
Dans le présent article, nous avons survolé rapidement les droits fondamentaux  du malade : le libre choix, le secret, l’information, la qualité des soins, le consentement, tels qu’ils sont abordés dans notre code national de déontologie du médecin.
Chacun de ses droits pourraient faire l’objet d’une étude complète. Avec les problèmes actuels de société et les progrès de la science, on aurait bien voulu voir abordés, dans notre code, d’autres aspects des droits des malades et devoirs des médecins non moins fondamentaux : le droit à la mort digne, les problèmes de mutilations, les essais et l’acharnement thérapeutique, le devoir fondamental du médecin de se former continuellement et de rester dans le cadre de sa compétence.
L’obligation du respect et le contrôle de ces droits dépendent d’abord  de l’ordre national des médecins du Cameroun. Même en absence de toute plainte, le conseil de l’ordre devrait intervenir lorsqu’il a connaissance d’un manquement au devoir de médecin.
Autant nous demandons aux malades de connaître leurs droits, et d’exiger qu’ils soient scrupuleusement respectés, autant nous souhaitons que l’on apprenne aux médecins, dès leur formation universitaire, les droits des malades et les devoirs de médecins.
Dans nos nombreuses écoles de médecine, on ne devrait pas seulement gaver les étudiants de sciences fondamentales, mais aussi modeler leur conscience, en leur apprenant les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux et avec la société.

 

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