Bref retour sur le pouvoir discrétionnaire en droit administratif

Dr. Guillaume Joseph FOUDA  C/crc-Daj-Minatd

L’activité de l’Administration publique et le principe de légalité, qui dominent toute la théorie des actes administratifs, constituent la racine constante du Droit administratif. La légalité implique substantiellement que outre les lois proprement dites, c’est-à-dire celles votées par le Parlement, l’ensemble complexe et hiérarchisé des règles de droit externes ou internes à l’Administration constitue un ordonnancement juridique pyramidal et concordant. Au sommet de cette pyramide, nous avons la Constitution à laquelle se greffent les traités et accords internationaux, les lois, les principes généraux du droit, les règlements à portée générale, individuelle, nationale ou locale et, les contrats. Il s’agit donc d’un corps vivant de normes juridiques qui évoluent afin de s’adapter aux réalités et aux aspirations de la conscience collective. Toutefois, si la soumission à la loi est absolue dans son principe, elle connaît nécessairement une inflexion quant à son application dans la mesure où, l’Administration peut être amenée à agir librement, sans que sa conduite soit dictée par une règle de droit. On parle alors du pouvoir discrétionnaire. Sans avoir à revenir sur le constat de Guy BRAIBANT qui nous rappelle que «la question du pouvoir discrétionnaire de l’Administration est l’une des questions les plus importante du Droit administratif» (In, Le Droit administratif français, Dalloz, Paris 2005) ou encore, sur la présentation magistrale de Marcel WALINE qui pense que, s’il fallait donner en quelques mots une définition du Droit administratif, laissant de côté la partie purement descriptive des institutions, il serait essentiellement «le droit du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives et de sa limitation en vue de la sauvegarde des droits des tiers» (In, EDCE, Paris, 1956), nous nous proposons de mieux appréhender la substance du pouvoir discrétionnaire dans sa définition juridique  d’une part et, d’autre part à travers le regard que lui porte l’office du juge administratif au sens strict du contrôle de l’excès de pouvoir.
Eléments substantiels de définition du pouvoir discrétionnaire

L’on parle objectivement de pouvoir discrétionnaire lorsque l’Administration dispose d’une certaine liberté d’action, d’agir ou de ne pas agir; une certaine liberté de décision dans le choix entre plusieurs solutions légales. Il s’agit donc très exactement d’une compétence modulable et graduée selon une échelle appréciable. La jurisprudence administrative nous dit, à ce sujet, qu’il s’agit d’un pouvoir dont il faut user avec discrétion (C.E. Ass. 28 mai 1954, BAREL, GAJA, n°72) dans la mesure où, les décisions de l’Administration doivent être motivées. Rappelons brièvement que motiver une décision, c’est pour son auteur, exposer les raisons de fait et de droit qui l’ont déterminées à intervenir, tenter de justifier sa position, fournir des explications aux destinataires de la décision. La motivation contraint l’Administration à un examen attentif des décisions et facilite le contrôle de son action par le juge. A l’origine, suivant l’histoire du droit administratif français, l’Administration n’avait pas à motiver ses décisions hormis les cas où un texte lui en faisait obligation d’où,  le principe très connu «pas de motivation sans texte» qui sera affaibli par la loi française du 11 juillet 1979 relative à la motivation des textes administratifs.
Dans son expression pratique, le pouvoir discrétionnaire n’implique aucunement une quelconque limite à la légalité. Celle-ci s’impose avec la même force mais, les textes sont soit muets, soit laconiques, posant des conditions très générales dans le dessein de laisser à l’Administration le soin d’adapter son comportement et ses décisions à une situation qu’il serait impossible ou peu efficace d’enfermer dans le carcan de règles trop rigides. C’est dans ce sens que le pouvoir discrétionnaire ne saurait se confondre avec un pouvoir arbitraire, l’option en opportunité ne s’exerçant que dans la conformité à la légalité. Les manifestations du pouvoir discrétionnaire sont omniprésentes et très diversifiées dans l’activité administrative, qu’il s’agisse de mesures règlementaires ou individuelles (mesures de police à l’égard des étrangers, sanctions disciplinaires contre un agent public, choix du nom d’une rue dans une commune, notation par les jurys d’examen ou de concours…). Il en découle que le contrôle opéré par le juge administratif sur les actes pris dans cette optique sera nécessairement plus limité.

Les techniques de contrôle du pouvoir discrétionnaire par le juge administratif

Dans ce domaine, il peut être indiqué que la révélation des principes généraux du droit et la formulation de concepts tels l’erreur manifeste d’appréciation et la théorie du bilan pour contrôler le pouvoir discrétionnaire figurent parmi les créations prétoriennes les plus remarquables du juge administratif français.
De manière générale, le pouvoir discrétionnaire reste soumis aux obligations essentielles de la légalité et, dans tous les cas, le juge contrôle la légalité externe de l’acte et en sanctionne le non respect: incompétence, vice de forme ou de procédure. En ce qui concerne la légalité interne, peuvent aussi être sanctionnés, le détournement de pouvoir, l’erreur dans la constatation matérielle des faits, l’erreur de droit. C’est alors qu’il paraît opportun de relever que c’est dans la qualification juridique des faits que le contrôle du juge connaît des heurts en ceci que, s’il y a pouvoir discrétionnaire, le juge ne qualifie pas les faits car, il lui est difficile de confronter la situation de fait à des dispositions textuelles.
Toutefois, le juge peut imposer un minimum de logique, de bon sens, d’équité  à l’action de l’Administration, l’on parlera alors de l’erreur manifeste d’appréciation en ce que, disposer d’un pouvoir discrétionnaire n’autorise pas l’Administration à faire n’importe quoi. Si l’erreur d’appréciation est tolérée par le juge, l’erreur manifeste est censurée.  Il peut en outre arriver que le juge administratif procède à une substitution des motifs pour rendre valide une décision manifestement illégale (Arrêt n°82/T.E. 19 février 1960, Sieur DJOM Pierre c/ Etat du Cameroun).

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