Emprunt obligataire : La CMF appelle le Minfi à la légalité

L’Etat camerounais, par le biais du ministère des Finances, a lancé depuis le 17 novembre un emprunt obligataire pour collecter 150 milliards de FCFA par appel public à l’épargne. Pourtant, en exerçant son rôle de gendarme du marché financier, la Commission des Marchés Financiers a décelé plusieurs irrégularités du point de vue du droit et appelle depuis lors le Minfi à la régularisation.

C’est le troisième emprunt financier  lancé par l’Etat camerounais après celui de 2013 et un peu auparavant celui 2010. Cette année-là, année faste, le ministère des Finances avait pu lever 200 milliards de FCFA sur le marché financier en émettant des titres représentatifs de dette appelés obligations du trésor. Mais, cette fois-ci, il y a comme de légers soucis dans la mise en œuvre de l’Appel lancé au public à prêter son épargne à l’Etat à hauteur de 150 milliards de FCFA et ce pour les 5 prochaines années –donc jusqu’en 2019. De fait, c’est le gendarme de la bourse et des marchés financiers qui émet des réserves sur la légalité de certains aspects de cet emprunt visant pourtant, selon la note d’information du Minfi, à « assurer la participation de l’Etat au financement des projets », surtout ceux structurants qui sont  inscrits dans la loi des Finances 2014, plus simplement le Budget.

150 milliards de FCFA, c’est plus que ce qui est légalement permis

Dans la décision N° 11/045/CMF/14 portant enregistrement de l’emprunt obligataire de l’Etat du Cameroun « ECMR, 5,5% net 2014-2019 » signée par le président Théodore Edjangue, le collège de la commission CMF a décrié le caractère excessif du montant de l’émission. « La CMF a noté que le montant de l’émission (150 milliards de FCFA) entraînerait un dépassement d’1 milliards de FCFA du plafond prescrit (280 milliards de FCFA) par le décret n°2014/131 du 31 mars 2014 du président de la République, les émissions des titres publics réalisés à ce jour ayant atteint le montant de 131 milliards de FCFA », peut-on lire dans cette décision publiée dans le quotidien Cameroon Tribune du mardi 25 novembre 2014. En attendant le journal officiel propre à ladite Commission, le Décret N°2014 /131 du 31 mars 2014 habilite effectivement le ministre des Finances à recourir à des émissions de titres publics d'un montant maximum de 280 milliards de francs CFA destinées au financement des projets de développement inscrits dans la loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice 2014. Le ministre des Finances, qui agit au nom du gouvernement, doit néanmoins se conformer à l’article 2 dudit Décret qui veut que : « Les emplois des ressources découlant des émissions de titres publics (…) soient soumis à l'approbation préalable du Président de la République ».

Demande de clarté sur la destination des fonds

La CMF invoque par ailleurs la loi du 22 décembre 1999 portant création du marché financier camerounais pour appeler le ministère des Finances et son représentant qu’est la banque SCB de résorber le manque de précision des informations relatives à l’affection des fonds qui ont été jusque-là livrées au public qui va investir son épargne. La note d’information publiée par le Minfi et la SCB se veut pourtant assez précise. On sait à sa lecture que le secteur de l’énergie prendra 40,8 milliards de FCFA, les barrages de Lom Pangar, Memve’ele et Mekin prenant respectivement 15, 15 et 10 milliards de FCFA. On sait en outre que les travaux publics emploieront 61,38 milliards de FCFA, avec l’autoroute Yaoundé-Nsimalen qui se verra affecter 3,7 milliards et les logements sociaux d’Olembé auront 3,78 milliards de FCFA ou encore le port en eaux profondes de Kribi aura droit à 25 milliards.

Pourtant, selon la CMF, quoique claires, ces informations doivent encore être davantage détaillées. Son collège d’experts estime en effet qu'« insuffisantes et insatisfaisantes sont les informations fournies par l’Emetteur [l’Etat représentée par le Minfi]. Ces informations manquent de précision (…) et ne permettent pas au public de se faire une idée adéquate sur la faisabilité, la viabilité et la rentabilité économique et sociale des investissements à réaliser dans le cadre desdits projets ».

La Commission recommande vivement au Minfi de composer plutôt un document qui va faire la synthèse de toutes les précisions nécessaires sous la forme d’une fiche, comme cela a été fait pour l’emprunt réalisé en 2010. Pour ce faire, le gendarme a prescrit au Minfi un délai de rigueur dont la date butoir est le 06 mars 2015, soit 3 mois après la clôture de l’émission.

L’Etat ne doit pas « bouder » la Douala Stock Exchange

Il est impératif que l’Etat cesse de restreindre les possibilités de la Bourse des valeurs mobilières de Douala d’attirer des entreprises à sa côte. Telle est l’autre complainte de la CMF à la faveur de cet emprunt obligataire. En effet, le collège d’experts trouve « inapproprié » que l’Etat camerounais participe en allouant les ressources collectées « aux fonds propres des sociétés du secteur industriel ou productif qu’elles soient privées, publiques ou d’économie mixte ». Une telle approche, conclut-elle est « peu orthodoxe » et « inopportune » autant qu’elle va à l’encontre de la volonté affichée par les pouvoirs publics de promouvoir et de développer le marché financier camerounais et « d’enrichir la cote de la Douala Stock Exchange ».

Un problème dans le conseil juridique

Visiblement, le Minfi et son représentant la SCB banque qui est pourtant un Prestataire de Service d’Investissement agréé par la CMF, sont mal entourés en termes de conseillers juridiques, notamment sur le droit des marchés financiers. En tout cas, telle est la position de la Commission. A preuve, la décision d’enregistrement décrie le fait que : « l’attestation de conseil juridique exigée n’est pas conforme ». Par conséquent, la SCB était sommée de produire au gendarme financier avant le 23 décembre 2014, une attestation conforme aux canons de la CMF. De fait, un modèle de note d’information est disponible à la Commission depuis 2004.

Il importe de souligner que le gendarme financier qu’est la CMF veille au grain, avec hardiesse quelques fois, mais toujours pour le plus grand bénéfice des épargnants qui vont investir leurs fonds dans ce troisième gros appel public à l’épargne. De fait, dès le 23 décembre date de la clôture de l’opération d’emprunt, la SCB est tenue d’envoyer dans les 5 jours un rapport bien détaillé du déroulement avant de refaire un nouveau rapport plus précis 25 jours plus tard.

Du reste, malgré toutes ces précautions, la CMF précise que l’enregistrement d’une opération par elle ne garantit pas sa qualité, même s’il s’agit de l’Etat. Bref, une chose est certaine, chaque épargnant doit garder l’œil ouvert même si en même temps, l’Etat est toujours un débiteur solvable comme peuvent l’attester ceux qui ont souscrit à l’emprunt de 2010 et de celui de 2013 (à hauteur de 80 milliards) et continuent de toucher leurs intérêts en toute quiétude comme l’a rassuré le ministre des Finances Alamine Ousmane Mey.

N’ayons donc crainte de débourser les 10.000 FCFA que coûte une obligation de trésor et de bénéficier du taux d’intérêt annuel qui est quand même de 5,5%, ce n’est pas noël tous les jours.

Willy Zogo

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