Université de Yaoundé II : Le CEDIC réfléchit sur un enseignement professionnel du droit

Le Centre d’Etudes et de Recherche en Droit International et Communautaire (CEDIC) a organisé à la salle des actes de l’Université de Yaoundé II,  les 22  et 23 avril  2015 une réflexion sur « L’enseignement du droit à l’ère de la professionnalisation ».

Ces travaux qui sont à mettre à l’actif de la directrice du CEDIC, en la personne du Professeur agrégée des facultés de Droit, Mme Brusil Miranda Metou, ont été ouverts par le représentant du Recteur de l’Université de Yaoundé II, le Pr Mol Nang, qui est du reste vice –recteur chargé des relations avec le monde des Entreprises. C’était pour ainsi dire la personne indiquée pour lancer les réflexions sur un enseignement du droit moins « théorique » qui a toujours marqué  les enseignements magistraux dans les facultés de droit à travers les universités du pays. La réflexion était centrée sur la quête d’un « enseignement pratique, visant vers la professionnalisation ».  Pour marcher vers une conception nouvelle de la professionnalisation de l’enseignement du Droit et doter les étudiants de formation généraliste de capacités techniques qui peuvent leur permettre de s’insérer moins difficilement  dans le monde  du travail, il n’a pas fallu moins qu’une forte mobilisation de l’intelligentsia des juristes de la faculté de droit de l’université de Yaoundé II.  Aussi, en dépit de quelques absences, à l’instar de celle du doyen de la Faculté hôte à savoir le Pr Magloir Ondoa représenté par le Pr Chimi Mebu, l’auditoire de ce colloque scientifique a pu se délecter d’interventions de professeurs tels que Paul Gérard Pougoué, Adolphe Minkoa Shé, Thérèse Atangana Malongué, Robert Nemedeu ou encore Mevoungou Nsana.

L’enjeu d’un enseignement professionnalisant du droit

«  Transformer le savoir en savoir-faire. Créer des richesses immatérielles, c’est un enjeu qui est fort  considérable » : c’est en ces termes que le Pr Mol Nang a synthétisé le sens profond à donner au colloque scientifique organisé par le Cedic qui n’a pas encore plus d’une année d’existence car créé en 2014 par un décret du ministre de l’Enseignement Supérieur. Pour la représentante personnelle du doyen, il est vraiment grand temps que le droit se départît de sa « théorie » pour entrer véritablement dans le concret. En citant Digeste, le juriste grec, le Pr Chimi a déclaré que «  le droit qui est l’art du juste, ne doit plus être enseigné pour être enseigné ».  Pour sa part, la directrice du Cedic à savoir le Pr Medou a expliqué que : «  Nous espérons au bout du colloque scientifique que organisons, que les éminents professeurs de droit pourront proposer de meilleurs méthodes d’enseignement du droit  pour les étudiants des facultés de droit, non seulement à l’Université mais aussi dans les écoles de formation et dans les centres d’études qui viennent d’être créés à l’Université de Yaoundé II. Il est question de procédé à une transformation de ces enseignements en véritables cliniques juridiques et de passer d’un enseignement des connaissances à un enseignement des savoir-faire. Il s’agit également de creuser dans le sens des nouveaux métiers du droit ».

Selon les organisateurs, le challenge était aussi de « faire le point sur les défis que doit relever l’enseignement du droit au Cameroun dans un contexte où il est marqué par de fortes mutations et de multiples crises ; une crise matérielle étant donné que les facultés de droit partagent les difficultés de toute la fonction publique, et une crise morale étant donné que le couple positivisme juridique/ doctrine universitaire sur lequel elles reposent est aujourd’hui chancelant. Et aussi, une crise pédagogique avec l’arrivée de nouvelles méthodes telle que les MOOCS – cours accessibles au grand nombre à travers internet ».

Du reste, ce colloque scientifique a été présenté comme tenu fort opportunément d’autant plus que «  les facultés de droit ont le devoir de s’ouvrir davantage et de tenir compte de la société pour mieux adapter leur offre de formation ». L’enjeu aussi était celui du chômage et de la surpopulation ou massification au sein des facultés de droit actuellement.

Existe-t-il une pédagogie de l’enseignement du droit ?

Du 22 au 23 avril, espace de temps qu’ont duré les travaux, les universitaires chevronnés ont déroulé 15 thèmes sur la professionnalisation du droit. Échafaudés en deux grandes parties, toutes ces réflexions ont été détaillées sous forme de tables rondes d’une vingtaine de minutes accordée à chaque intervenant. Pour la première journée, le Pr Paul Gérard Pougoué a supervisé les échanges autour de la pédagogie de l’enseignement du droit.  Au plan fonctionnel, le Pr Marcelin Nguélé Abada a entretenu les participants sur l’enseignement théorique du Droit.   Selon cet enseignant, il faut noter que l’enseignement de la théorie du droit est en quelque sorte transversale entre publicistes et privatistes car le droit est le même finalement.

Le Pr Mevoungou Nsana  qui a exposé sur la division de l’enseignement du droit et la division dans l’enseignement dans le droit a tenu à noter que le clivage entre droit public et droit privé qui a tendance à s’étendre dans l’enseignement du droit n’est plus absolu comme on pourrait le croire. Il a fini son propos en soulignant qu’il ne faut plus distinguer dans l’enseignement, celui de la pratique et celui de la théorie car a-t-il conclut « une théorie n’est qu’une pratique qui a réussi ».  Après le Pr Atangcho Nji a qui a exposé en langue anglaise sur le thème : «  Les facultés professionnelles vont – elles vers une école de formation aux métiers du droit, le Pr Jean Marie Tchakoua s’est étendu sur la concurrence que les facultés de droit subissent au Cameroun du fait de nombreux établissements se vouant à l’enseignement du droit et ce de manière professionnelle. Sur cet aspect institutionnel, le Pr Tchakoua a expliqué que la concurrence est menée par les écoles telles que l’Enam – Ecole Nationale de l’Administration et la magistrature, l’Institut des Relations Internationales ou encore les Instituts Supérieurs privés. Mais, il a émis un bémol car ces établissements doivent encore s’appuyer sur l’expérience et la disponibilité des enseignants des facultés des universités d’Etat. Cette intervention du Pr Tchakoua a permis à Mme le Pr Atangana Malongué de se pencher par la suite sur la question de savoir si l’enseignement du droit était resté l’apanage des établissements facultaires. Il est apparu évident que la réponse ne pouvait être positive.

Après une pause, une nouvelle équipe de penseurs dirigée par le Pr Chimi s’est penchée sur les enjeux même de l’enseignement du droit. Au premier rang de ses intervenants, le Pr Robert Nemedeu a entretenu les participants sur le point de l’effacement des frontières entre les branches du droit avant que le Pr Jean Claude Tcheuwa ne lui succède pour détailler les contours de l’internationalisation du droit.

Convié à exposer sur les nouveaux champs du droit, le Pr Patrick Abane Engolo a démontré que le droit se frottait à tout et de cela jaillissait de nouvelles filières. Aussi peut-on parler de sociologie juridique, de philosophie juridique, d’anthropologie  juridique entre autres, mais aussi plus nouvellement il a parlé du droit de la biotechnologie relatif aux modifications biologiques des êtres humains,  du cyber-droit, du droit des ressources minières. Il a assis son raisonnement sur le fait que les champs nouveaux n’ont pas conduit à une révolution du droit mais à une évolution dans le droit étant donné que rien ne perd tout se transforme.

Comment enseigner la pratique juridique ?

Au second jour du colloque, le Pr Minkoa Shé qui est par ailleurs vice recteur de l’Université de Yaoundé II a supervisé les interventions sur les moyens d’enseigner le droit de manière pratique. Selon lui, il est clair que la faculté de droit est entrain de marcher vers une saturation. De fait, il a déploré le fait que les doctorants et les docteurs qui sont destinés à enseigner le droit se comptent désormais par centaines voire par milliers : «  Il faut dire que l’enseignement supérieur du droit n’est pas une profession de masse et que tous ces docteurs que l’on engrange dans les facultés de droit ne seront jamais titulaires enseignants. »

Ce qui a par ailleurs été déploré par le vice recteur, c’est le fait que les corps qui pratiquent le droit à l’image des avocats n’acceptent pas que les professeurs de droit puissent faire de la pratique comme un médecin qui dispense la théorie le matin et pratique le soir dans sa clinique. De fait, chaque fois qu’un projet de modification de loi était tenté pour que cela change, ces corps de métier ont toujours bloqué la réforme. Pourtant, selon le Pr Minkoa, il est grand temps d’expérimenter au Cameroun la technique des cliniques juridiques avec des cas pratiques portant sur des affaires vraies et avec des personnes réelles comme cela se fait par exemple à Paris ou dans les pays anglosaxons comme les Usa ou l’Angleterre.

En l’absence du Pr Ntuda Ebodé qui devait être le dernier exposant, le Pr Raymond Nguimdo a pu approfondir l’économie même de la pratique par l’enseignement à l’opposé du Pr Jiogue qui s’est penché sur la pratique par l’expérience.

Pour ainsi dire, on peut noter que ce colloque a apporté quelque chose de plus sur la manière dont le droit peut être enseigné de manière plus utile et moins magistrale : Tel est notamment le cas de la prescription des cliniques juridiques, une expérience qu’il ne reste plus qu’à capitaliser. Bien entendu à condition que la volonté des politiques veuille bien couronner tout ce déploiement d’enseignements si savamment servi.

Willy Zogo

Articles liés

Science E = mc2, c’est fini ?

Moyen –Orient

Nations Unies : fin de rideau

Santé:

Africa

Visitor Counter

Cameroun 70,3% Cameroun
France 7,2% France
États-Unis d'Amérique 4,1% États-Unis d'Amérique
Inconnu 3,5% Inconnu

Total:

116

Pays
03203297
Aujourd'hui: 32
Cette semaine: 64
Ce mois: 946
Mois dernier: 1.143
Total: 3.203.297