ART & LES SANCTIONS

L’Agence ramène à l’ordre !

Mme Suzy Owona Noah Directrice des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale

La Directrice des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale  de l’Agence de Régulation des Télécommunications et ses collaborateurs passent  en revue la nouvelle loi régissant les communications électroniques au Cameroun. Un prétexte  pour expliquer la législation en matière de sanctions dont la valeur pédagogique n’est plus à démontrer, le souci  de la  protection du consommateur en est la priorité.

 

« Les sanctions de la compétence de l’ART sont de deux ordres : les sanctions administratives et les sanctions pécuniaires »

LES TEXTES LEGISLATIFS

Une nouvelle loi, la loi No 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun, a été promulguée, abrogeant ainsi la loi No98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun. Qu’est-ce qui justifie ce changement ?

Le secteur des télécommunications et, plus généralement des communications électroniques, est en mutations permanentes. Les technologies évoluent, de nouveaux services apparaissent. Il fallait tenir compte de ces évolutions et de la convergence. Tel était la justification de la refonte qui a abouti au vote de la loi sur les communications électroniques.

A quoi renvoie le concept de communications électroniques ?

Si l’on s’en tient à la définition qu’en donne l’article 5 de la Loi No 2010/013 du 21 décembre 2010, les communications électroniques sont «(l)’émission, (la) transmission ou (la) réception de signes, des signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique ».

De prime abord, la définition des communications électroniques ne semble pas différente de celle des télécommunications, également contenue dans la disposition citée. En effet, les télécommunications sont comprises dans la loi comme « toute transmission, émission ou réception de signes et signaux, d’’ecrits, d’images, de sons ou de renseignements de toutes natures, par fil, optique, radioélectrique ou autre électromagnétique ».

La différence entre les deux concepts réside dans le fait  que les communications électroniques intègrent la dimension de convergence, entre le contenu de l’information et l’infrastructure qui lui sert de support.

 

Quel est le pont entre la nouvelle législation et l’ancienne ?

Le pont entre la nouvelle législation et l’ancienne  est que la loi de 2010 régissant les communications électroniques se veut technologiquement neutre. Elle tient compte, comme je viens de l’évoquer avec l’allusion terminologique, de la convergence et se veut plus libérale, favorable à une plus grande implication du secteur privé dans le développement du secteur des communications électroniques. La loi No 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques définit un cadre juridique plus adapté à l’évolution du marché.

 

LES SANCTIONS

 

Qu’est-ce qu’une sanction dans la nomenclature juridique des communications électroniques ?

Une sanction est une mesure de répression d’un acte proscrit par la règlementation en vigueur ou l’inexécution d’une obligation.

 

Quels sont les manquements pour lesquels l’ART est compétente pour infliger des sanctions aux opérateurs et exploitants de réseaux ou fournisseurs de services de communications électroniques ?

Ainsi que le prescrit l’article 66 de la loi No2010/013 du 21 décembre 2010, l’ART est compétente pour sanctionner les manquements des exploitants de réseaux et des fournisseurs de services de communications électroniques à leurs obligations légales.

Les sanctions de la compétence de l’ART sont de deux ordres. Il y a tout d’abord les sanctions administratives, non cumulatives, qui sont :

- La suspension du titre d’exploitation du contrevenant, pour une durée maximale d’un (01) mois ;

- La réduction d’un (01) an sur la durée de l’exploitation ;

- Le retrait du titre d’exploitation.

Il y a ensuite des sanctions pécuniaires, qui peuvent être prononcées par l’Agence sans préjudice des sanctions administratives. La loi No2010/013 du 21 décembre 2010 a répertorié une dizaine de comportements variés. Je ne prendrai que trois exemples :

-Le refus opposé, sans motifs légitimes, à des demandes d’interconnexion, d’accès à un réseau ou service de communications électroniques émanant d’autres opérateurs ;

- L’établissement, l’exploitation d’un réseau ou de service de communications électroniques sans titre d’exploitation ;

- Le non respect par les opérateurs et exploitants de réseaux de communications électroniques d’une clause de leurs cahiers des charges.

Le montant de la pénalité est fonction du comportement à réprimer et peut atteindre la somme de cinq cent millions de francs CFA.

 

L’établissement, l’exploitation des réseaux ainsi que la fourniture des services de communications électroniques sont soumis soit au régime de l’autorisation, soit au régime de la déclaration. Quelles sont donc les manquements rattachés à chaque type de régime juridique et la typologie des sanctions y consécutives ?

Les sanctions prévues par la loi en vigueur ne sont pas catégorisées, elles ne dépendent pas des régimes juridiques des réseaux et services de communications électroniques que sont la concession, licence et l’agrément. Les manquements sont décrits dans la loi sur la base de leurs éléments constitutifs et non en fonction des titres d’exercice d’une activité

 

Quelles sont les étapes qui conduisent à la sanction ?

La procédure de sanction des opérateurs, fournisseurs de services ou autres exploitants se déroule en trois étapes :

Il y a tout d’abord la constatation du manquement. Elle peut intervenir soit au cours d’un contrôle de conformité, soit dans le cadre de la veille au respect de la réglementation, du suivi de l’exécution des cahiers des charges des opérateurs ou du suivi de l’exécution d’une directive ou une décision de l’Agence. Lorsque la constatation intervient au cours d’un contrôle inopiné ou d’une opération de vérification sur le terrain, procès-verbal en est dressé par l’agent assermenté mandaté par l’ART. Dans les autres cas, la constatation du manquement peut être faite par la simple observation de l’inexécution d’une obligation, par exemple l’obligation de transmettre à l’ART un rapport annuel d’activités dans les délais prescrits par le cahier des charges de l’opérateur ou du fournisseur de service.

Au cours de la deuxième étape, l’ART exploite le procès-verbal de contrôle. Dans tous les cas, elle met en demeure le contrevenant de se conformer à la règlementation dans un délai impératif de 15 jours maximum.

Si aucune diligence de la part du contrevenant n’est observée par l’ART à l’issue du délai imposé par la mise en demeure, l’ART peut  prononcer immédiatement les sanctions contre le contrevenant. En effet, la  notification des griefs au contrevenant qui était, dans la loi No 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun, la phase ultime avant le prononcé de la sanction par l’ART et qui permettait au contrevenant de consulter son dossier et faire valoir ses observations, a été supprimée par la loi de 2010.

 

Quelles est la portée des sanctions liées à la l’application des Arrêtés Nos 007/MPT, 008/MPT et 009/MPT du 16 juillet 2001 respectivement relatif à l’activité de vendeur de matériels des télécommunications, l’homologation des équipements terminaux des télécommunications et la règlementation de l’activité d’installateur et/ou de prestataire de services dans le domaine des télécommunications ?

L’objectif des sanctions est de réprimer a priori les comportements que la loi réprouve. Mais la sévérité de la répression a une valeur pédagogique. Il s’agit d’amener les acteurs du secteur à respecter la règle de droit, qui fixe le cadre raisonnable de fonctionnement et d’épanouissement de toute société humaine.

 

Quelle est la plus grosse sanction que vous ayez jamais prise ?

Sous l’empire de la loi N°98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications, l’article 42  précisait que les sanctions pécuniaires relevant de la compétence de l’ART étaient  limitées dans leur montant et pour chaque manquement constaté, à une somme comprise  entre cinq millions (5.000.000) et deux cent cinquante millions (250.000.000) de francs. Aucun manquement pris individuellement ne pouvait être réprimé pour un montant supérieur à deux cent cinquante millions (250.000.000) de francs CFA.

Il convient de préciser que, par voie de conséquence, dans l’hypothèse où plusieurs irrégularités, constitutives de manquements au sens de la loi, étaient imputables au même auteur, le total des pénalités à verser à l’ART pouvait atteindre un montant conséquent.

Il y a lieu de rappeler, pour le souligner, qu’une sanction de 2 milliards de F CFA à l’encontre de chacun des deux opérateurs de mobile a été commuée en obligation d’investissement des sommes correspondantes dans un délai de 24 mois, pour insuffisance de couverture des axes routiers nationaux.

La loi de 2010 est plus sévère et fait une différenciation des pénalités. Le quantum des sanctions pécuniaires varie, de manière générale, de cinquante millions (50.000.000) à cinq cent millions (500.000.000), voire cinq cent cinquante millions (550.000.000) de francs CFA. Cependant, pour chaque type de manquement répertorié par le législateur, un minimum et un maximum sont fixés par la loi.

 

Après qu’une structure ait été sanctionnée, qu’en est-il de l’effectivité de la sanction ? Quels sont les moyens mis en œuvre par l’Agence pour le suivi de la procédure ?

Après la notification de la sanction pécuniaire, les opérateurs, exploitants et fournisseurs de services concernés reçoivent de la part de l’ART une facture rappelant le montant de pénalité due. En vue du recouvrement, le Régulateur dispose de tous les moyens de droit prévus par la réglementation en vigueur.

En ce qui concerne les sanctions administratives, l’ART n’a pas encore eu à les appliquer. Cependant, sur le plan de la procédure, à l’instar des sanctions pécuniaires, elles font l’objet d’une notification.

 

Quels sont les manquements constitutifs des infractions qui ressortissent aux juridictions de droit commun ?

Tous les manquements constitutifs d’infractions ressortissent de la compétence des juridictions de droit commun. Comme je l’ai dit plus haut en rappelant les termes de la loi, les agents verbalisateurs de l’ART sont habilités à constater les infractions et doivent ensuite saisir le Procureur de la République ou l’autorité administrative territorialement compétente pour suite de la procédure pénale.

 

LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

 

Une des grandes innovations de la nouvelle législation est la protection du consommateur. Le consommateur est-il totalement couvert par cette loi ?

La protection des consommateurs de produits et services de communications électroniques est effectivement une innovation introduite par de la loi No 2010/013 du 21 décembre 2010, qui consacre un chapitre à cette préoccupation.

Il convient cependant de relever que le texte précité  vient réaffirmer un principe que le cadre législatif camerounais avait déjà reconnu, dans la mesure où l’un des objets de la loi No 90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun est de «favoriser le développement d’une concurrence saine et loyale entre les commerçants et de protéger les consommateurs».

Pour ce qui est du degré de cette protection, la loi sur les communications électroniques a ceci de particulier qu’elle énumère, dans son article 52 et sans pour autant prétendre à l’exhaustivité,  les droits reconnus aux consommateurs, dans le cadre de leurs relations avec les opérateurs et les fournisseurs de services de communications électroniques. Il s’agit, par exemple, de l’accès aux services de communications électroniques, partout sur le territoire national, avec des standards de qualité et de régularité inhérents ; il s’agit également de la liberté de choix de son fournisseur de services, ou encore du droit à l’information relative aux conditions de fourniture des services, aux tarifs et autres frais liés à la fourniture desdits services.

La reconnaissance de ces droits constitue a priori une garantie suffisante pour les consommateurs, dans la mesure où elle est renforcée par les obligations légales qui incombent aux opérateurs. Ces obligations, contenues dans l’article 53 de la loi, ont trait à la protection de la vie privée des consommateurs, à leur sécurité et à l’information.

 

Comment le consommateur peut-il se prévaloir de ses droits ?

Le consommateur peut se prévaloir des droits que lui reconnait le cadre législatif camerounais en s’adressant à trois interlocuteurs.

Le premier interlocuteur du consommateur, agissant à titre individuel, est tout naturellement son cocontractant, opérateur ou fournisseur de services de communications électroniques, qui est tenu de mettre à sa disposition un service chargé de la clientèle disponible et suffisamment formé pour répondre à ses attentes. Pour préciser cette obligation contenue dans les cahiers des charges des opérateurs et sous l’empire de la loi No 98/014 du 14 juillet 1998 régissant les communications électroniques, le Directeur Général de l’Agence de Régulation des Télécommunications a signé le 31 juillet 2008 la décision No 000096/ART/DG/DAJCI prescrivant aux opérateurs et autres intervenants des directives sur les modalités de traitement des réclamations des consommateurs et utilisateurs des produits et services de télécommunications.

Le second interlocuteur est constitué par les associations de consommateurs, qui sont l’outil collectif par excellence de défense des droits de ces derniers auprès des opérateurs et des pouvoirs publics, dans la mesure où ces regroupements légalement constitués sont dotés de la personnalité juridique leur permettant d’ester en justice.

Enfin, à titre individuel ou sous le couvert des associations de défense de leurs droits, les consommateurs peuvent saisir l’ART, laquelle dispose d’une structure d’écoute,  d’information et d’intervention dédiée.

 

Quels sont les moyens mis en œuvre par l’ART pour informer les consommateurs sur leurs droits ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, l’ART dispose d’un service de protection des consommateurs, dont les missions consistent notamment à :

- La réception, l’enregistrement et la centralisation de toutes les réclamations des consommateurs ;

- La contribution à l’information, à l’éducation et à la sensibilisation du consommateur, en collaboration avec les services en charge de la communication.

Par ailleurs, medias et associations de défense des droits des consommateurs sont les interlocuteurs privilégiés de l’ART. Aussi a-t-elle organisé, en 2009 et en 2010 à Douala, deux séminaires sur le thème de la protection des consommateurs. Il s’agissait de séminaires d’information et d’échange, à l’attention des associations des consommateurs pour le premier, et des médias, pour le second, et  dont l’objectif didactique, que nous espérons avoir atteint, était de permettre une meilleure appréhension des missions du régulateur et de communiquer sur ses actions en faveur des consommateurs, mal connues du public.

En outre, l’Agence publie depuis plus d’une décennie, outre un Rapport annuel d’activités,  Les Nouvelles de l’ART, document d’information gratuit destiné au grand public, qui font état de la mise en œuvre de nos missions et contiennent des données pertinentes sur le secteur des communications électroniques.

 

La nouvelle législation relative à la protection des consommateurs des services de communications électroniques prévoit en son article 53, certaines obligations auxquelles est tenu le consommateur…Quelles sont les sanctions prévues à cet effet par l’Agence, pour non respect de ses obligations ? L’Agence dispose-t-elle des moyens de contrôle sur les consommateurs ?

Permettez-moi d’apporter le correctif suivant : La loi No 2010/013 du 21 décembre 2010  n’est pas relative à la protection des consommateurs des services de communication électronique. Cette loi régit les communications électroniques et contient des dispositions relatives à la protection des consommateurs des services y relatifs.

Par ailleurs, en ce qui concerne les missions de l’ART, elles sont clairement rappelées à l’article 36 (2) et consistent, d’une part à la « régulation, (au) contrôle et (au) suivi des activités des opérateurs et des exploitants du secteur des Télécommunications et des Technologies de l’Information et de la Communications » ; d’autre part, à veiller « au respect du principe d’égalité de traitement des usagers dans toutes les entreprises de communications électroniques ».

Par conséquent, dans ses relations avec les consommateurs, l’ART a plus un rôle de protection que de coercition.

Cependant, les comportements des consommateurs susceptibles de recevoir la qualification d’infractions peuvent, suivant les dispositions pénales novatrices (dans leur précision), contenues dans les articles 74 à 95 de la loi No 2010/013 du 21 décembre 2010, être constatés  par les agents verbalisateurs de l’ART, officiers de police judiciaires à compétence spéciale. Procès-verbal en sera alors dressé et transmis au Procureur de la République ou à toute autre autorité territorialement compétente, dans les huit (8) jours, pour suite de la procédure pénale.

 

Propos recueillis par Marius Nguimbous & Emilienne N. Soué

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