INTERVIEW: M. Alphonse Marie Onambele

Expert en marchés Publics travaillant dans la Commune de Saint Benoît et formateur  au Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)  en France.

«Emploi des jeunes: l’expérience française»

L’expert en marchés Publics et formateur  au Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) en France, partage l’expérience française  sur la notion de jobs d’été, communément appelés au Cameroun, Stages de vacances. Etablissant un parallèle entre le Cameroun et l’Hexagone, l’on constate que, si le MINESUP et  les communes du Cameroun offrent des stages rémunérés aux élèves et  étudiants, en France,en revanche, ceux-ci  sont bien encadrés par des textes juridiques, et l’Employabilité des Jeunes rentre dans les feuilles de route des Collectivités Territoriales Décentralisées  (CTD.)

De quand datent les lois de la décentralisation en France ? Et qu’en est-il de leur implémentation ? En d’autres termes, à quel niveau situez-vous la décentralisation en France ? Comment y sont dénommées les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) ?

Tout d’abord, pour ce qui est de la dénomination des Collectivités Territoriales décentralisées (CTD), on en distingue 3 échelons : la région, le département et la commune.

Ensuite, disons que la décentralisation en France s’est faite de manière stratifiée. On en est actuellement à ce que la doctrine a appelé l’ « Acte 2 de la décentralisation ». Même si, de façon générale, l’organisation administrative de la France a toujours distingué l’Etat d’un côté et les CTD de l’autre et plus précisément la commune et le département, ce, depuis 1884. Mais, l’évolution observée actuellement prend son impulsion en 1982 avec la loi cadre Gaston Deferre sur la Décentralisation dans laquelle on supprime par exemple la tutelle administrative a priori qu’exerçait le Préfet sur les collectivités locales, en la remplaçant par un contrôle de légalité a posteriori exercé par le juge administratif. Dans cette loi Deferre, on a également consacré la Région comme collectivité territoriale à part entière.  Et depuis 2003, le processus s’est approfondi avec ce qu’il convient d’appeler « Acte 2 de la décentralisation » du fait notamment de la consécration constitutionnelle de l’autonomie financière des collectivités territoriales, et un transfert massif de nouvelles compétences vers celles-ci, ce qui a d’ailleurs donné lieu à une modification de la constitution.

Mais l’œuvre décentralisatrice de l’État n’est nullement achevée. Car en France, on distingue plus de 36 000 communes ; ce qui donne un effet d’émiettement de compétences à l’efficacité douteuse. Donc la tendance politique  est vers le regroupement de ces entités territoriales pour un souci d’efficacité de l’action. Ainsi, et de plus en plus, on assiste à un regroupement des communes en syndicats de communes, communauté d’agglomération, ou communauté urbaine. Ce mouvement est appelé l’intercommunalité. Dans cette perspective, la question de la disparition ou du maintien des départements alimente encore les débats politiques. Il est à noter dans ce sens qu’une  mission fut confiée en 2008 à l’ancien Premier Ministre, Édouard Balladur, pour mener une réflexion visant à améliorer la décentralisation. Il avait, dans son rapport fustigé cet éparpillement de CTD, source d’enchevêtrement de compétences et donc d’inefficacité, et avait recommandé des actions politiques allant vers l’intercommunalité.

Quelles sont les compétences de ces CTD en matière d’emploi des jeunes, plus particulièrement des stages de vacance ?

De prime abord, il convient de dire que la notion de stage de vacance n’existe presque pas en France tel qu’on l’entend au Cameroun. Car en effet, on distingue d’un côté les stages académiques dont le régime est rigoureusement encadré par les textes, et d’un autre côté, les Jobs d’été qui sont plus des emplois saisonniers que des stages à proprement parler et dont la rémunération  est au moins égal au SMIC. Les stages académiques requièrent souvent une convention de stage tripartite entre l’école ou l’université, l’étudiant et la structure qui offre le stage (entreprise ou collectivité publique).

Pour ce qui est des compétences des CTD de façon générale, les choses sont relativement réparties. La question de l’emploi des jeunes pourrait au premier chef rentrer dans le champ de compétence de la région, puisque cette question est connexe avec la question de la formation professionnelle qui elle, constitue disons le, la pierre angulaire des compétences de la Région. Mais, et de manière générale, tous les pouvoirs publics mettent en œuvre des politiques publiques concourant à l’employabilité des jeunes. Encore que les jeunes, en âge de travailler, se tournent plus vers des entreprises privées pour leurs jobs d’été et rarement vers les CTD.

Si les CTD disposent des compétences en matière d’emploi, comment organisent-elles ces compétences à leur niveau ?

Retenons d’abord que le secteur public n’a pas vocation à créer des emplois au-delà de ceux nécessaires à son propre fonctionnement (fonction publique territoriale). C’est dans le secteur privé à travers la création de la richesse, que se créent les emplois. Pour y parvenir, les pouvoirs publics doivent mettre en place des conditions idoines et un environnement des affaires sain à travers des politiques publiques qu’ils élaborent.

Ainsi comme je l’ai dit tout à l’heure, la formation professionnelle  des jeunes qui est connexe à leur emploi étant du ressort compétentiel de la région, celle-ci, met en œuvre d’abord des centres de formation bien équipés et surtout adéquats aux besoins exprimés par les entreprises, puis des pôles d’attractivité des entreprises de manière à attirer des investissements ou à aider des entreprises en difficulté dans leur région en vue de les y maintenir et donc à créer des emplois, puisque, comme nous l’avons dit ce sont des entreprises qui, in fine, créent des emplois.

Retenons aussi toutefois que, si cette question concerne principalement l’échelon régional, ce dernier n’en a pas l’exclusivité. Les autres personnes publiques peuvent donc s’y atteler de manière subsidiaire, ou encore lui en apporter un concours direct.

Les CTD disposent-elles, à votre avis de suffisamment de moyens pour promouvoir l’emploi jeune ?

Oui, les CTD, particulièrement les régions, disposent de suffisamment de moyens pour promouvoir l’emploi jeune sous réserve de ce que j’ai dit plus haut  à savoir que, ce n’est pas au secteur public de créer les emplois. La question aurait été de savoir si les CTD disposent de suffisamment de moyens pour mettre en œuvre leurs politiques publiques. Et on en vient à la question du financement de la décentralisation qui est très générale. Mais en France, le financement de la décentralisation est prévu par des mécanismes constitutionnels et législatifs (dotation + impôts locaux). Est-ce que ces moyens sont suffisants ou pas, tout dépend de là où on place le curseur et de la grille d’analyse employée. Aucune institution ne vous dira presque jamais qu’elle dispose de suffisamment de moyens pour fonctionner. Il convient de distinguer l’efficacité de l’action et les moyens pour cette action parfois il n’y a pas de corrélation.

Pensez-vous que les CTD remplissent effectivement leur mission en matière d’emploi ?

Oui. Mais le secteur public n’a pas pour vocation première la création de l’emploi mais plutôt la mise sur pied des pôles d’incitation des entreprises mais aussi par la formation  professionnelle. Mais, les CTD recrutent immensément vu que la fonction publique territoriale est en permanence en hausse.

Est-ce qu’il existe une collaboration entre différentes CTD en matière d’emploi des jeunes ?

Les CTD sont délimitées territorialement. Une région ne mettra en œuvre une action que si celle-ci est caractérisée par un intérêt public local. Vous savez,  c’est avec les deniers publics locaux que les CTD agissent…il faut donc que leur action soit d’un intérêt certain et direct pour les contribuables locaux.

Toutefois, des mécanismes existent pour organiser la coopération décentralisée entre deux ou plusieurs CTD, à condition qu’il y ait un intérêt local certain pour chacune des CTD. Par exemple, deux régions limitrophes peuvent élaborer des politiques communes et ou complémentaires pour attirer des entreprises sur leur territoire respectif. Ainsi, l’une d’elle devant accueillir des entreprises de l’industrie lourde, et l’autre créer un pôle activités tertiaires dont les industriels auront besoin. Elles évitent ainsi une concurrence inutile entre elles. Et cela peut se matérialiser par une convention.

Est-il nécessaire de résider dans une CTD pour pouvoir plus facilement y avoir un emploi ? En d’autres termes, est-ce que les CTD font une certaine discrimination dans le choix des personnes qui demandent un emploi sur la base de la résidence ou non des demandeurs d’emploi dans cette CTD ?

Non et oui. Non car par principe, ce serait de la discrimination et du favoritisme (puni par la loi pénale) et faire entorse au principe de l’égalité chère à la France, surtout en matière d’emploi public.

Mais, in fine, le recrutement procède d’une décision discrétionnaire. Donc, si le demandeur réside ou va résider dans la région où il demande l’emploi, il peut arriver qu’il soit privilégié, mais ceci est non officiel.

Quelles critiques pouvez-vous adresser aux CTD de France en matière d’emploi des jeunes (ce qui peut ou doit être amélioré) ?

N’y ayant pas fait une étude poussée, il est difficile de critiquer les pratiques des CTD en matière d’emploi. Mais, la lutte contre le chômage est un idéal, et tant qu’il n y a pas le plein emploi, on estimera toujours que les politiques sont critiquables et donc perfectibles. Encore que tous les économistes ne sont pas convaincus des bienfaits ou des vertus du plein emploi…

A votre avis, qu’est-ce que l’Afrique en général et le Cameroun en particulier pourrait gagner ou perdre en copiant le modèle de gestion de l’emploi jeunes par les CTD de France ?

Il faudrait déjà mettre en œuvre les dispositions textuelles existantes, et qui doivent matérialiser une décentralisation effective au Cameroun (mise en œuvre des textes existant et des institutions prévues par ces textes). Tel que ces textes sont élaborés au Cameroun, nous pouvons remarquer qu’ils ont été inspirés par les textes français. Seulement le Cameroun devrait éviter l’enchevêtrement de compétences entre les différentes CTD en délimitant clairement et nettement leur compétences ; car lorsque chaque échelon territorial (commune, région, État) est susceptible de s’occuper d’une action, cela entraine une dilution de responsabilité et finalement cela est source d’inertie.

Mais au Cameroun, les CTD n’ont pas encore effectivement été vues à l’œuvre ; nous appelons donc de tous nos vœux de les voir véritablement commencer. Jusqu’ici, les choses sont encore scandaleusement timorées.

Propos recueillis par Jovial Ranèce Ndjeudja

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