« Le domaine public est insusceptible d’appropriation privée. On peut l’occuper à titre temporaire »

M. BOUKAR

Le Sous-directeur du Domaine public au ministère des Domaines et des Affaires Foncière (MINDAF), M. BOUKAR, parle de  la gestion du domaine national, du domaine privé de l’Etat, du domaine public, de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de la répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale.

 

Qu’est-ce que le domaine public ?

Le domaine public  est constitué des terrains qui ne peuvent pas être la propriété d’un individu.  Ce sont des terrains ouverts à l’usage de nous tous. Le domaine public se subdivise en domaine naturel et en domaine public artificiel.

Le domaine public naturel est celui que le bon Dieu lui-même a créé. Il est constitué par exemple des fleuves comme la Kadey. J’imagine qu’il ne viendra à l’esprit d’aucun bon natif du département de la Kadey de demander qu’on lui donne un titre foncier sur le fleuve Kadey. C’est aussi le cas de la mer, des lacs, des marécages, des étangs, des rivières et même de l’espace atmosphérique. C’est Dieu qui a créé cela et a voulu que ce soit laissé à l’usage  de tout le monde.

Donc personne ne doit se lever un matin et demander à se l’approprier même si c’est juste  une petite partie. Je le dis parce qu’ailleurs,  quelqu’un a rencontré le Ministre des Domaines et des Affaires Foncières pour lui dire que derrière sa maison, coule un cours d’eau qui, semble t-il, a beaucoup de sable. Ce compatriote a estimé que le cours d’eau coulant derrière sa maison était sa propriété et demandait donc à tous ceux qui voulaient y extraire du sable de lui payer une dîme.

Nous avons également le domaine public artificiel. Celui-là est créé par nous les hommes. C’est le cas de la route et de ses emprises. C’est un domaine public artificiel parce qu’il est créé par l’homme. C’est le cas des chemins de fer et de ses emprises. C’est le cas du marché, mais seulement du marché, pas du Centre Commercial qui est le domaine public généralement laissé à la gestion des mairies. C’est le cas également des cimetières. Personnes ne peut demander qu’on lui établisse un titre foncier sur le cimetière comme pour devenir propriétaire de tout ce que nous y avons mis. Ce sont aussi les concessions de certaines chefferies traditionnelles. Dans un édifice considéré comme étant le siège de la chefferie, sans  considération de  la personne qui exerce ce pouvoir cheffal à ce moment-là. C’est le domaine public parce que si le chef en poste actuellement s’en va et qu’un autre est désigné, c’est là-bas qu’il viendra ; soit pour s’y installer ; soit  pour exercer son pouvoir traditionnel et ainsi de suite au fil des générations.

Le domaine public est insusceptible d’appropriation privée. On peut l’occuper à titre temporaire. Pour cela, il y a des procédures qui sont prévues… la loi réserve à l’Etat, seul pour le moment, la gestion du domaine public.

Cette concession-là est du domaine public. Elle ne doit pas faire l’objet d’une demande d’immatriculation. Cela est d’autant plus important que si vous établissez un titre foncier, et que pour une raison ou une autre vous l’hypothéquez  dans une banque pour  un emprunt  d’argent, si  vous ne réussissez plus à rembourser les sommes dues, la banque viendra saisir la chefferie, c’est-à-dire le village. C’est pour cela que le législateur interdit l’immatriculation d’une chefferie. Mais il est possible que vous ayez envie de connaître  la superficie qu’occupe la concession de la chefferie. Les collaborateurs du Ministre (les géomètres) viendront ainsi borner cet espace pour déterminer sa superficie tout simplement et cela  s’arrêterait à ce niveau-là. A l’attention même aussi des collègues, il ne faudrait pas que dans une logique  de délivrer le maximum de titres fonciers à tout prix, que nous arrivions à des situations où la concession d’une chefferie a été immatriculée.

Le domaine public de manière générale ne doit pas faire l’objet d’une appropriation privée. On ne peut pas devenir propriétaire du domaine public. Mais on peut l’occuper provisoirement pour dérouler certaines activités et, pour cela, la loi a prévu que vous en fassiez simplement la demande au ministre des Domaines et des Affaires Foncières qui va  émettre un acte  autorisant à occuper provisoirement cet espace. Par exemple, votre enfant veut exploiter une petite boutique en bordure de la route, c’est le domaine public routier. Normalement, il doit avoir une autorisation en bonne et due forme du ministre des Domaines et des Affaires Foncières pour l’occuper.  Pour occuper le  bord de la Kadey qui est un fleuve touristique demain, il  faut simplement demander une autorisation d’occuper au Mindaf. Lorsque le projet est justifié et intéressant, lorsqu’il est en phase avec les objectifs du programme économique du gouvernement, le ministre vous donne la possibilité de vous y installer et de dérouler cette activité-là. Mais vous n’êtes pas propriétaire de l’espace que vous occupez. Ce sont des occupations dites temporaires et en général, nous conseillons aux occupants de ces espaces de ne pas y investir en matériaux définitifs parce que, imaginez que vous vouliez exploiter un kiosque à cigarettes en bordure de la route et que vous y fassiez un immeuble trois étoiles, un jour viendra où l’Etat, pour agrandir sa route, sera obligé de détruire la concession, et, en général sans indemnisation.  C’est un  drame pour celui qui s’est installé à titre définitif sur un espace où il  ne devrait pas. C’est pour cela que vous constatez que, dans certaines villes comme Yaoundé, les gens qui sont allés construire dans les marécages, ont été  déguerpis sans indemnisation parce qu’ils ont  investi les espaces que la loi interdit d’occuper, à titre définitif et permanent. Nous disons en gros que le domaine public est insusceptible d’appropriation privée. On peut l’occuper à titre temporaire. Pour cela, il y a des procédures qui sont prévues et il faut simplement les enclencher.

Lorsque la gestion du domaine public est confiée aux mairies, c’est aux maires exclusivement  qu’il faudrait s’adresser. Mais ce qui est important de dire ici, c’est que le domaine public, pour qu’il soit géré par la mairie ou par toute autre personne morale, il faut qu’il y ait un acte du Ministre des Domaines et des Affaires Foncières accordant la gestion de ce domaine public. Ne présume pas sa compétence sur la gestion du domaine public parce que la loi réserve  à l’Etat et à l’Etat seul pour en confier la gestion à certaines personnes morales mais il faut que cela  soit fait de manière formelle et expresse et cela est important pour que parfois, les conflits inutiles qu’on observe sur le terrain entre les communes et les autorités administratives soient définitivement enterrés.

 

Qu’est-ce que le domaine national?

Par domaine national, il faut entendre l’étendue du territoire national non classée dans le domaine public, dans le domaine privé de l’Etat ou des autres personnes de droit public, ni dans le domaine privé des particuliers.

Le domaine national comprend deux dépendances :

Le domaine national de première catégorie qui est constitué des terrains d’habitation, de terres de culture, de plantation, de pâturage dont l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme sur la terre et une mise en valeur probante, avant le 05 août 1974.

Le domaine national de deuxième catégorie est constitué des terres libres de toute occupation effective, à la date du 05 août 1974.

 

Comment est géré le domaine national ?

En principe, le domaine national est géré par l’Etat. Cependant, à chaque dépendance du domaine national, correspond un régime juridique distinct.

Le domaine national de première catégorie obéit à l’immatriculation directe qui est la procédure de reconnaissance des droits fonciers d’une personne physique ou morale de nationalité camerounaise sur un immeuble mis en valeur avant le 05 août 1974. Cette procédure aboutit à l’obtention d’un titre foncier.

Le domaine national de deuxième catégorie obéit à la concession qui est la procédure par laquelle l’Etat attribue une portion du domaine national de deuxième catégorie à une personne physique ou morale aux fins d’exploitation selon un cahier de charges spécifique.

La concession se déroule en deux phases :

La concession provisoire qui consiste à réaliser votre projet sur la parcelle de terrain qui vous a été attribuée dans le respect du cahier de charges sur une période de 5 ans.

La concession définitive qui vous attribue définitivement le terrain et vous donne droit à l’obtention du titre foncier si les clauses du cahier de charges ont été respectées.

Le dossier d’une demande en concession est composé d’une demande en trois exemplaires sur des formulaires spéciaux à laquelle il faut joindre la photocopie de la carte nationale d’identité ou du permis de séjour, les statuts de la société le cas échéant et le mandat de celui qui la représente, le croquis du terrain en quatre exemplaires, le programme de mise en valeur faisant ressortir les étapes de sa réalisation, un devis descriptif et estimatif des travaux à réaliser. Ce dossier est à déposer auprès du chef de service départemental des Domaines du lieu de situation de l’immeuble contre récépissé.

Qu’est-ce que le domaine privé ?

Selon l’ordonnance N° 74/2 du 06 juillet 1974, la définition du domaine privé de l’Etat est conçue à l’aide de la méthode par énumération des biens qui le composent. Il s’agit des parcelles de terrains où l’Etat détient un titre foncier (domaine privé de l’Etat de droit), des terrains supportant des édifices publics (domaine privé de l’Etat de fait), des biens acquis par l’Etat à titre gratuit ou onéreux, des biens provenant de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les concessions rurales ou urbaines frappées de déchéance ou du droit de reprise ainsi que les biens des associations dissoutes pour faits de subversion, atteintes à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, les prélèvements décidés par l’Etat sur le domaine national par application de l’article 18 de l’ordonnance fixant le régime foncier.

Le domaine privé de l’Etat peut être affecté à des services publics, cédés aux personnes morales de droit public, attribué en participation au capital des sociétés avec droit de réincorporation au domaine privé de l’Etat en cas de dissolution, faillite ou liquidation desdites sociétés, attribué en jouissance ou en propriété à des personnes physiques ou morales, attribué en jouissance ou en propriété et sous réserve de réciprocité aux missions diplomatiques ou consulaires accréditées au Cameroun.

Les modalités de ces attributions, cessions ou affectations sont fixées par décret.

 

Plusieurs détenteurs coutumiers vendent le terrain sans l’avoir au préalable immatriculé. Ne sont-ils pas hors la loi et que prévoit la loi à cet effet ?

Le titre foncier étant la certification officielle de la propriété immobilière, on ne saurait vendre un terrain quand on n’est pas détenteur de celui-ci. Il s’agit d’une vente illicite. Généralement, les propriétaires coutumiers vendent leurs terrains coutumiers à des particuliers pendant qu’ils sont en train d’attendre l’immatriculation de ces terrains. Juridiquement, une telle vente est nulle parce que le terrain coutumier n’étant pas immatriculé, est un terrain du domaine national que le propriétaire coutumier n’a pas le droit de vendre. S’il réussit à obtenir le titre foncier avant l’annulation de cette vente, il se posera alors le problème de la nature juridique d’une telle vente. En droit, il s’agit d’une promesse de vente. Si par la suite l’acheteur renonce à cette vente, celui-ci devra verser au vendeur une indemnité que l’on appelle l’indemnité de l’immobilisation du terrain ou l’indemnité de dédit. Cette indemnité ne doit pas être supérieure à 10 pour cent du prix de vente du terrain. Si par contre, c’est le vendeur qui ne vend plus le terrain alors qu’il y est tenu, il sera obligé de verser à l’acheteur le double du prix de vente.

 

Que prévoit la loi en cas d’atteinte à la propriété domaniale ?

Les atteintes à la propriété domaniale sont régies par la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale. En effet, sont passibles d’une amende de 50 000 à 200 000 F et d’un emprisonnement de deux mois à 3 ans ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui exploitent ou se maintiennent sur un terrain sans autorisation préalable du propriétaire, les agents de l’Etat convaincus de complicité dans les transactions foncières de nature à favoriser l’occupation irrégulière de la propriété d’autrui. Cette sanction est également applicable aux personnes qui, en violation de la législation en vigueur exploitent ou se maintiennent sur une parcelle  du domaine privé de l’Etat, ou sur une dépendance du domaine public ou du domaine national.

 

Quelles sont les causes d’expropriation pour cause d’utilité publique ?

Pour la réalisation des objectifs d’intérêt général, l’Etat peut recourir à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Cette procédure est engagée soit directement, lorsqu’elle vise à réaliser des opérations d’intérêt public, soit indirectement à la demande des collectivités publiques locales, des établissements publics, des concessionnaires de service public ou des sociétés.

Propos recueillis par Marius Nguimbous

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M. HONORE KETCHANGNOU, SOUS-DIRECTEUR DU DOMAINE NATIONAL

«Des difficultés d’ordre technique et pratique»

Le cadastre est une étape nécessaire dans la procédure d’obtention du titre foncier. Mais l’exercice de ce métier  est rendu difficile par des problèmes logistiques, en particulier dans l’arrière-pays.

Qu’est-ce que le Cadastre ?

C’est l’ensemble des services techniques de l’Etat s’occupant des opérations d’identification et de la délimitation des immeubles  (levée topographique, calcul des coordonnées, placement des bornes, etc.)

Quelles sont les difficultés que rencontre le Cadastre dans l’espace urbain et l’espace rural ? Sont-elles identiques ?

Oui, les difficultés restent plus ou moins les mêmes ; mais seulement,  certaines difficultés au niveau  rural restent plus importantes qu’au niveau urbain, parce qu’au niveau urbain, les distances sont relativement courtes.  Au niveau rural, il faut se déplacer, il faut peut-être quitter la ville pour aller soit au village, soit dans un arrondissement ; c’est encore beaucoup plus compliqué et beaucoup plus onéreux pour faire des programmations. D’autre part, l’engouement n’est pas le même que nous soyons en ville ou en zone rurale. En zone rurale, beaucoup de gens n’appréhendent pas l’importance d’immatriculer leur terrain, par contre, dans les zones urbaines, l’engouement prend de l’ampleur avec le développement. Ces difficultés ne sont pas propres au cadastre. Elles  sont d’ordre général parce que les  mêmes  difficultés de déplacement se posent au sein de la commission consécutive.

Quel est le rôle joué par le cadastre lors de la procédure d’immatriculation ?

Je peux vous parler en tant que sous directeur des domaines. Le cadastre intervient à la suite d’une commission, le cadastre en soit n’intervient pas seul ;  il apporte son expertise à la commission consultative ; Ce n’est que lorsque   la commission consultative se prononce favorablement que le cadastre peut intervenir et si elle se prononce  défavorablement, le cadastre n’intervient pas. Dans le cas d’immatriculation directe, le cadastre intervient comme membre de la commission consultative,  pour le cas d’immatriculation directe dans le domaine national de 1ère  catégorie. Le cadastre peut aussi intervenir dans le cadre du domaine national de 2ème  catégorie.  Dans ce cas, le cadastre intervient pour sortir le croquis et le plan plus tard. Par contre, dans le domaine national de 1ème catégorie, le cadastre intervient d’abord comme membre sur le plan administratif ;  sur  le plan  technique ensuite, le cadastre intervient pour lever la parcelle où la commission avait déjà eu à borner, parce que  c’est la commission qui borne, pas le cadastre (il faut lever l’équivoque). Le cadastre est membre de la commission qui borne; donc, il apporte son expertise technique et dans les levés et dans l’établissement du plan.

Les  difficultés sont de plusieurs ordres. Il y’a des difficultés d’ordre pratique. Le cadastre a des difficultés pour la descente sur  le terrain,  faute de matériels suffisants.  Quelquefois, l’usager met à la disposition du cadastre des moyens de locomotion, parce que au cadastre on travaille en équipe. Une équipe topographique est constituée d’au moins 4 personnes et pour la logistique il faut trouver un moyen pour pouvoir déplacer ces techniciens sur le terrain, ce qui n’est pas souvent évident. et dites-vous bien que s’il y a une véhicule pour plusieurs requérants, on ne peut pas faire autrement.   Certains requérants seront obligés de prendre en charge le déplacement. Voilà pour ce qui est des difficultés  d’ordre pratique.

Pour ce qui est des difficultés d’ordre technique, dans certains services du cadastre, il  manque du  matériel technique, tandis que d’autres se contentent  d’un matériel obsolète.  Ce qui freine  le rendement. Si certains services sont dotés  des appareils techniques très performants à l’instar des stations Totales, dans l’arrière pays, il y a encore  des services qui n’en ont pas et qui utilisent encore des moyens ordinaires (obsolètes) pour pouvoir travailler. Le cadastre a  récemment été doté  d’un nouveau matériel performant qui reste insuffisant au vu des 49 départements du Cameroun à couvrir. Ces nouveaux appareils  facilitent le travail en temps et en performance.

Il y a un autre volet lié aux ressources humaines.. Le personnel est non seulement  insuffisant, mais vieillissant. Dans les services déconcentrés,  le personnel  se réduit au chef de service qui assure les fonctions d’agent et de chef de bureau. Malgré le recrutement dernièrement de 43 sur 60 prévus par l’Etat, Les derniers recrutements de 1999 ont vu plusieurs départs à la retraite et plusieurs décès. Depuis  la crise, il y a une désaffection des jeunes pour cette filière qui est pourtant porteuse.

Propos recueillis par MN

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