Coopération: Cameroun Nigéria, une nouvelle ère ?

Le Nigéria, pays d’Afrique de l’Ouest n’a jamais été au-devant de la scène comme en ce moment. Dernièrement, c’est l’élection du général Buhari qui a cristallisé l’opinion internationale dans un contexte marqué par la montée du djihadiste avec la secte Boko Haram. En effet, depuis environ une décennie, lutte armée, guérilla, attentats-suicides, massacres et prises d’otages  sont son mode opératoire. La traque lancée contre Shekau et ses hommes  qui ont enlevé les 200 lycéennes de Chibok en 2014, a tourné à la guerre de religion dans toute la moitié nord du pays. Avec les effets induits sur la sécurité intérieure et transfrontalière. La secte opère aisément au Cameroun voisin. Et au Niger. Malgré tout, le Nigéria est devenu la première puissance économique d’Afrique. Les relations entre le Cameroun et le Nigéria qui ont toujours été émaillées de tensions vont-elles prendre un nouveau tournant avec l’arrivée du général aux affaires,  afin de former un tandem  homogénéisé et exempt de toute influence obscure  pour devenir les propulseurs du décollage économique de la région ?

Elections présidentielles

Avril 2015, le général Muhammadu Buhari est déclaré vainqueur à la présidentielle de fin mars 2015. Quelles sont les leçons que l’Afrique et le Cameroun peuvent tirer de ce scrutin au Nigeria ?
•C’est la première alternative démocratique de l’histoire du Nigéria.
Le pays est attendu aux avant-postes. Ses moindres faits et gestes sont scrutés par ses voisins, qui espèrent du Nigeria qu’il joue pleinement son rôle, celui de propulseur d’un décollage régional.
•La capacité de l’opposition à se mettre en ordre pour ne pas disperser les chances de mettre en difficulté le candidat du parti au pouvoir ; cette équation a toujours été celle qui a davantage échappé à la plupart des oppositions africaines ; On ne peut affronter le candidat en poste en venant étant dispersé.
•La reconnaissance de la défaite par Goodluck Jonathan : une grande leçon d’humilité et de respect du verdict des urnes ;
•La transition s’est faite sans heurts : presque pas de morts, alors même que les pronostics les plus pessimistes planaient sur le scrutin ;
• Et le Nigeria a une sociologie disparate, peut-être même plus que les autres;   Il y avait la possibilité pour Buhari de grignoter sérieusement sur l’électorat du Sud et même d’arrondir deux millions de voix. Le nombre d’états qui ont voté pour Buhari c’est presque les 2/3.
La capacité à transcender les violences ethniques a été importante et, puis tout s’est  passé dans la paix.
•La leçon de témérité du président Buahri : il  a 72 ans, i revient au pouvoir après trois tentatives avortées, il a échoué en 2003, en 2007 et 2011, il passe en 2015; leçon de témérité par rapport aussi à certains opposants africains qui paraissent comme des opposants pressés? La manière dont il s’est présenté cette fois-ci, ce n’était pas par revanche; plutôt, il s’est présenté comme un patriote voulant résoudre un problème et en l’occurrence les problèmes de corruption et d’insécurité qui règnent au Nigeria. Le candidat Buhari a actionné sur les leviers qui étaient déterminants. C’est pourquoi l’homme s’est gardé même dans l’opposition; tout son entourage le connaît d’un homme d’éthique, loyal, patriote, et qui a su s’adapter aux mutations de l’heure.
•La principale leçon tient davantage sur le pouvoir et la capacité des peuples à assumer les changements.
•Une reconfiguration des relations Cameroun – Nigeria

Quels sont les défis qui attendent le nouveau président du Nigeria ?
Le nouveau président doit au minimum faire face à cinq principaux défis : celui de la répartition du pouvoir à l’intérieur d’une large coalition qui a porté sa candidature ; le défi de la lutte contre Boko Haram qui suscite des attentes à l’intérieur comme à l’extérieur du Nigeria et dont les résultats sont plus que probants à ce jour : rapide réorganisation des forces de Défense qui ont repris certains régions bastions de la secte et récupéré des otages ; le défi de la lutte contre la corruption dont son effectivité risque de toucher des personnalités de sa coalition ; le défi de la répartition des richesses entre un sud concentrant toutes les richesses et un nord pauvre et vivant dans l’insécurité, bref ! La lutte contre les inégalités et enfin le défi de la relance économique dans un contexte inédit des baisses des cours mondiaux de pétrole.

Relations avec le Cameroun

Le Nigéria et le Cameroun, deux pays au destin liés, du fait de leur proximité frontalière.  L’un est un géant de 173,6 millions d’habitants désormais  hissé au rang de première puissance économique d’Afrique, devant l’Afrique du Sud qui a longtemps tenu ce rang. Tandis que l’autre a une population qui  affleure les 20 millions.
Des tensions ont longtemps opposé les deux États au sujet de leur frontière, en raison d'enjeux économiques (hydrocarbures de Bakassi) et de sécurité intérieure (en particulier parce que le Nigeria doit faire face à un mouvement insurrectionnel  qui  procède régulièrement à des incursions armées en territoire camerounais). Le principal point de désaccord portait sur la péninsule de Bakassi (environ 1 000 km²) et des eaux territoriales qui y sont rattachées, dont le sous-sol est riche en hydrocarbures. Le Nigeria avait reconnu la souveraineté camerounaise sur Bakassi en 1975, par l'accord de Maroua, mais par la suite le gouvernement nigérian a dénoncé cet accord, allant jusqu'à occuper militairement la péninsule à certaines périodes. Bakassi a été attribuée au Cameroun par un jugement de la Cour internationale de justice rendu le 10 octobre 2002, que les autorités nigérianes ont fini par accepter d'appliquer ; elles ont rétrocédé la péninsule au Cameroun le 14 août 2008.

Litiges frontaliers

L'autre point litigieux était le lac Tchad, en particulier l'île de Darak. Du point de vue du Cameroun, la frontière avait été fixée par une déclaration franco-britannique (déclaration Milner-Simon) de 1919, alors que du point de vue nigérian, la délimitation de la frontière était restée en suspens. Dans son arrêt du 10 octobre 2002, la CIJ a considéré que les déclarations franco-britanniques successives délimitent bien la frontière entre le Cameroun et le Nigeria dans la région du lac Tchad, et a conclu à la souveraineté du Cameroun sur la région contestée.
La nouvelle pomme de discorde entre les deux pays semblait être désormais liée à la   divergence de vue sur l’approche de la lutte contre les éléments de la secte Boko Haram.
Le gouvernement camerounais avait tenu à le faire savoir en mars 2014. Au cours d’un point de presse, le ministre de la Communication indiquait que le Cameroun n’a jamais accepté et n’acceptera pas la notion de droit de poursuite sur son territoire. Répondant ainsi à Abuja qui accusait Yaoundé d’être complaisant vis-à-vis des combattants de la secte islamiste Boko Haram,  qui sèment la terreur en terre nigériane.

Coopération économique

Malgré que des litiges géopolitiques et diplomatiques ont souvent tendu les relations des deux pays, le Cameroun et le Nigéria entretiennent des échanges commerciaux, même informels. Au plan formel, un Accord commercial a été paraphé entre le  Cameroun et le Nigeria le  11 avril 2014 à Yaoundé. Lequel  Accord a été solennelle ment présenté aux hommes d’affaires à Douala et Yaoundé par Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce (Micommerce), les 23 et 24 avril 2014.  
D’après Luc Magloire Mbarga Atangana, cet accord constitue ni plus ni moins «une nouvelle ère de coopération économique et commerciale avec le grand voisin, le Nigeria», première puissance économique africaine depuis quelques temps et l’un des premiers partenaires (3,5% des exportations formelles du Cameroun en 2012, derrière la Chine avec 15%) commerciaux du Cameroun. Et le Nigeria est le plus grand fournisseur du Cameroun, avec 22,6 et 17,8 % des importations de notre pays, respectivement en 2011 et 2012. Bien loin devant la France (12,8 et 11,8%) et la Chine (10,8 et 10,4%).
Concrètement, à partir de ce nouveau cadre d’échanges dénué de toutes barrières non tarifaires et présentant bien d’avantages commerciaux entre les deux pays qui partagent une frontière longue de plus de 1600 kilomètres, le Cameroun peut dorénavant accroître ses exportations vers le Nigeria qui compte plus de 170 millions d’habitants (équivalant de 170 millions de consommateurs) des services et produits agricoles (le café, le thé, la banane, ananas, huile végétale, manioc, légumes…), agro-industriels (chocolat, vins, boissons non alcoolisées) et des produits tels que le savon, le textile, les tôles, les ustensiles de cuisine en aluminium, des films… En revanche, le Cameroun importe du Nigeria des produits tels que les hydrocarbures, les véhicules, le textile, le caoutchouc, les produits en verre, les pièces détachées d’automobile et les produits cosmétiques. Pour mettre à profit les opportunités d’affaires qu’offre cette coopération bilatérale actualisée, Luc Magloire Mbarga Atangana a prescrit aux opérateurs économiques nationaux «la production en quantité des produits agricoles et agro-industriels de qualité et normés ».

Deuxième partenaire commercial après la Chine

La relation commerciale entre le Nigéria et le Cameroun va bon train. Mais la balance reste largement déficitaire en faveur des opérateurs nigérians. L’Institut national des statistiques révèle que depuis 2012, ce pays ouest-africain est le 2e partenaire commercial du Cameroun après la Chine. "Le volume des produits nigérians importés par le Cameroun est estimé à 58%. en revanche, les exportations camerounaises à destination du Nigéria s'établissent à 8% du volume des exportations nationales" détaille une source proche de l'Institut nationale des statistiques. Les hommes et femmes d'affaires camerounais sont donc appelés à inverser la tendance pour un meilleur climat des affaires. A Douala, S.E. Hadiza Mustapha n'a pas loupé l'occasion de citer les pratiques déloyales qui minent leur parténariat. notamment la contre-bande et l'insécurité qui ont trouvé refuge aux frontières.
Coopération en matière de lutte contre Boko Haram
Le Nigeria a souvent accusé Cameroun de ne pas faire assez pour lutter contre Boko Haram, même si le groupe terroriste traverse fréquemment en territoire camerounais. Le Cameroun a été attaqué à plusieurs reprises par Boko Haram.
La fermeture des frontières après des attaques au Nigeria en 2012 pour empêcher de nouvelles infiltrations par Boko Haram a eu un impact négatif sur l'économie camerounaise.

a) Cameroun-Nigeria : des relations difficiles
Les relations avec le Nigeria présentent une triple dimension : économique, d'une part, en raison de l'importance du commerce informel entre les deux pays, humaine, d'autre part, avec la présence au Cameroun de quelque trois millions de Nigérians, contentieuse enfin.
En effet, la vitalité démographique du Nigeria ne se traduit pas seulement par la présence pacifique d'une forte communauté immigrée au Cameroun, mais aussi par une pression constante sur toute la longueur de la frontière (1 800 km) -et en particulier autour du lac Tchad dont l'assèchement partiel favorise une extension nigériane au delà des frontières reconnues.

b) Les forces multilatérales pour vaincre
Sur le plan militaire, la position camerounaise paraît précaire. Certes l'armée camerounaise bénéficie de plusieurs atouts : le paiement régulier des soldes, un encadrement de qualité par des officiers formés, pour leur majorité, en France, une mobilisation patiotique pour l’effort de guerre: plusieurs dons en nature et en numéraires affluent des dix Régions, au-delà des clivages idéologiques, politiques et sociaux. Cependant, les effectifs (30 000 hommes dont 10 000 pour la seule gendarmerie), même si les deux tiers d'entre eux sont mobilisés pour la surveillance de la frontière nigériane, ne peuvent rivaliser avec la puissance militaire du grand voisin. Le budget de la défense, principalement consacré aux dépenses de rémunération (55 milliards de francs CFA sur un total de 62 milliards de francs) laisse peu de moyens pour les matériels.

Ces défaillances seront corrigées avec l’appel du président Paul Biya du Cameroun lors de la présentation de ses voeux au corps diplomatique au palais présidentiel au mois de janvier 2015, sollicitant ainsi  une aide militaire internationale pour combattre les militants islamistes du groupe nigérian Boko Haram qui  menaçaient alors  la même semaine  de mener des actions violentes contre le territoire du Cameroun. "Une menace globale appelle une réponse globale. Telle doit être la réponse de la communauté internationale, y compris de l'Union africaine et de nos organisations régionales", avait alors déclaré Paul Biya.  Sans attendre, le Tchad tendait la main au Cameroun.
Un communiqué signé le mercredi 14 janvier 2015 par le ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement tchadien Hassan Sylla Bakari annonçait déjà la couleur : «La secte Boko Haram qui a mis à feu et à sang, le Nord du Nigéria tente depuis un certain temps de déstabiliser, la République du Cameroun. L’Extrême-nord du Cameroun en particulier frontière avec le Tchad est l’objet d’attaques répétées de la secte terroriste ... Face à cette situation qui menace dangereusement la sécurité et la stabilité du Tchad et porte atteinte à ses intérêts vitaux, le gouvernement tchadien ne saurait rester, les bras croisés», peut-on lire dans ce communiqué.
Dans la même lignée, le 16 février 2015, un Sommet extraordinaire du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX) s’ouvrait à Yaoundé, la capitale camerounaise, sous l’égide de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC). L’objectif principal de ce Sommet était donc naturellement d’organiser une riposte coalisée pour « mettre un terme aux actions et agissements des mouvements terroristes », comme l’avait souligné le président Biya qui rendait « un hommage fraternel au président Idriss Deby » qui « a pris la décision courageuse, en signe de solidarité, de nous envoyer, en renfort, un important contingent de soldats tchadiens. Mais plus que tout, les chefs d’État ont adopté à la clôture des travaux, la Déclaration de Yaoundé qui « consacre, sans équivoque, leurs engagements en matière de lutte contre le groupe terroriste ». Ainsi, ils se sont notamment engagés à, « apporter dans l’immédiat un soutien actif […] au Cameroun, au Tchad et à tout autre Etat membre de la Communauté qui serait affecté par les actions du groupe terroriste Boko Haram, notamment l’assistance militaire, financière, logistique et humanitaire ». Cela se traduit entre autres, par une aide d’urgence d’un montant de 50 milliards de Francs CFA.
Et comme suite logique de l’appel du président Biya, la mise en place de la force multinationale comme l’a alors révélé le commissaire à la paix et à la sécurité de la Commission de l’UA, M. Smail Shergui, lors de son audience avec le Premier ministre Philémon Yang, le 27 mai dernier.
Et à peine installé, le chef de l’Etat  Muhammadu Buhari a décidé de transférer le centre de commandement des opérations militaires d’Abuja à Maiduguri, une stratégie  qui dessine la fin de Boko Haram.

Une reconfiguration des relations des Cameroun – Nigèria

A encroire le professeur Manassé Aboya Endong de l’université de Douala, « La victoire de Buhari tient de la légitimité qu’il a, en tant que militaire respecté de ses pairs et ressortissant du Nord, pour lutter contre Boko Haram. Ce qui va peut-être permettre de  réchauffer les relations  entre Abuja et Yaoundé, quelque peu crispées en raison de la gestion du dossier Boko Haram.   Naturellement, la politique du voisinage du « Cameroun avec le Nigeria devra être reconfigurée vers des convergences beaucoup plus assumées autour des intérêts mutuels entre ces deux Etats. Cela, ne serait-ce que sur le plan de la sécurité transfrontalière qui a fortement impacté sur les échanges économiques et la mobilité des populations des pays», affirme l’universitaire.
La coordination des officiels camerounais et nigérians et des organisations humanitaires pour l’afflux des réfugiés nigérians fuyant la secte boko Haram est souhaitée  Ceci étant le gage d’un ancrage vers une paix durable entre les deux pays.

Synthèse Emilienne N. Soué

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